“Illégitimes”, le livre de Nesrine Slaoui sur “ceux qui sont confinés en permanence”
LIVRES – “Un vélo rose est couché sur son flanc gauche comme si son propriétaire s’était vite enfui à l’annonce d’une apocalypse. Le temps est figé.” Ainsi pourrait débuter le livre de Nesrine Slaoui, “Illégitimes”, qui sort ce 6 janvier chez Fayard. Ces mots n’interviennent qu’à la 39e page, pour décrire avec ses yeux de journaliste parisienne le premier confinement de mars 2020 qu’elle a choisi de passer chez ses parents, dans le Vaucluse, là où elle a grandi. C’est là qu’est né ce livre. Un récit bouleversant sur la difficulté d’être une femme, issue de milieu populaire et d’origine marocaine, “banlieusarde de campagne” qui avait “une revanche à prendre” après que l’un de ses professeurs lui ait dit un jour que Sciences Po, ce n’était “pas pour elle” et qui a vécu trop de discriminations, “de racisme et de sexisme”. “Je suis un bug dans la matrice” “C’est une ville où les trains ne circulent plus. Depuis des décennies. Seuls des bus relaient la sous-préfecture du Vaucluse au reste de la région”, a-t-elle préféré écrire, en ouverture de ce texte court et bien ficelé pour nous plonger dans la Provence de son enfance, zone périurbaine où les HLM côtoient la verdure et les maisons luxueuses. Département où les gilets jaunes en hiver laissent la place aux touristes et artistes du monde entier l’été et où le Rassemblement national fait des scores à deux chiffres. Au fil des pages, Nesrine Slaoui nous emmène dans un voyage. Un voyage imprévu, un “bug dans la matrice”, comme elle le dit elle-même pour évoquer sa situation de ce qu’on appelle aujourd’hui “transfuge de classe” et qu’on aurait nommée autrefois “l’ascension sociale” si celle-ci n’était pas en panne. ”Je suis une miraculée de la reproduction sociale, un accident, une erreur sociologique”, écrit-elle, consciente d’être…