Pourquoi Kamala Harris a échoué, et 3 autres infographies à ne pas manquer

ECONOMIE

Pourquoi Kamala Harris a échoué, et 3 autres infographies à ne pas manquer

Chaque semaine, Alternatives Economiques vous propose une sélection de quatre graphiques qui offrent une perspective différente sur l’actualité.

Dans ce nouveau graphorama : le parti démocrate a vu ses voix diminuer chez presque toutes les catégories d’électeurs entre les deux élections présidentielles américaines ; avant de fermer des ateliers, Michelin avait déjà réduit ses effectifs en France ; les demandes de HLM augmentent à un rythme bien plus soutenu que celui du nombre de logements disponibles ; la dépendance commerciale de la Georgie envers la Russie et ses alliés.

1/ La chute de Kamala Harris parmi quasiment toutes les catégories d’électeurs

Jeunes, âgés, ruraux, citadins, latinos, blancs, aisés, modestes… Récemment, l’analyse de la sociologie électorale américaine est approfondie pour comprendre comment Donald Trump est devenu le 47e président des Etats-Unis. Comme dans toutes les situations précédentes, il est crucial de croiser les critères sociologiques pour appréhender les nuances du vote. Par exemple, en ne considérant que l’âge, on méconnaît l’impact de l’origine ethnique ou du niveau d’éducation des votants, et vice versa.

Les sondages « sortie des urnes » aux Etats-Unis – très détaillés – permettent de mieux comprendre l’analyse. Ils révèlent que les principaux équilibres de 2024 n’ont pas beaucoup évolué par rapport aux élections antérieures. On observe une tendance au vote démocrate plus forte chez les jeunes, les diplômés, les citadins, les immigrants, ou les femmes. À l’inverse, les hommes, les blancs, les personnes âgées ou les non-diplômés sont plus enclins à voter républicain.

Mais alors, qui a causé la défaite de Kamala Harris ? En fait, presque tous les groupes sociaux ! Le constat principal de cette élection est en effet celui d’un recul notable du vote démocrate dans chacun de ses groupes d’électeurs. À l’exception de quelques sous-groupes comme les femmes blanches diplômées, la candidate démocrate a reculé presque partout, bien que l’intensité de ce recul varie selon les groupes.

Cette régression s’observe également sur le plan territorial, touchant presque tous les Etats (48 sur 50), qu’ils soient des bastions démocrates ou des swing states. Pour de nombreux analystes américains, cette régression quasi uniforme s’explique par le bilan économique de Joe Biden, perçu négativement, notamment en raison de l’inflation. Une dynamique puissante que ni la campagne de Kamala Harris ni les sous-groupes qui lui sont traditionnellement favorables, ni les hésitants ou les républicains modérés n’ont réussi à renverser.

Vincent Grimault

2/ Fermetures d’usines : Michelin avait déjà abaissé ses effectifs français de 30 % en sept ans

Alors que les discours sur la réindustrialisation se multiplient, Michelin a annoncé en début de semaine la fermeture de deux de ses usines en France, à Cholet et Vannes, entraînant ainsi la suppression de 1 254 emplois. La justification ? La concurrence croissante des pneus à bas coûts, principalement provenant de fabricants asiatiques, qui grignotent sans cesse des parts de marché aux marques premium telles que Michelin.

Sur une période de dix ans, la part de marché des fabricants dits premium a chuté de 10 points de pourcentage au profit des pneus d’entrée de gamme, selon Michelin pour soutenir sa décision. Cependant, cette fermeture suscite autant de questions, car malgré une concurrence intense qui impacte le modèle économique de Michelin, l’entreprise n’est pas en difficultés financières. L’industriel clermontois a réalisé près de 2  milliards d’euros de bénéfices l’année passée, dont plus d’un milliard a été redistribué à ses actionnaires sous forme de dividendes ou de rachats d’actions.

En examinant de plus près, l’entreprise améliore sa santé financière tout en réduisant progressivement sa présence industrielle en France. En sept ans, les effectifs de Michelin dans l’Hexagone ont diminué de 30 %, et les employés français ne représentent plus que 14 % du personnel mondial. Avec un marché français ne représentant qu’une faible portion des ventes (8,8 %), Michelin abandonne encore un peu plus l’Hexagone. Un autre exemple du rôle déterminant des « champions nationaux » dans le processus de désindustrialisation.

Justin Delépine

3/ Sans soutien public, le parc HLM peine à absorber les demandes

C’est un record : les demandes de logements sociaux en France ont franchi le cap des 2,7 millions, selon l’Union sociale pour l’habitat (USH), qui signale une montée en puissance au premier semestre 2024, sur l’ensemble du territoire. La hausse du nombre total de logements dans le parc HLM, passant de 4,5 millions en 2016 à 4,7 millions en 2023, est largement insuffisante pour résoudre l’engorgement.

Le nombre d’attributions a ainsi chuté de 6 % par rapport à 2022, selon l’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols). Ce dernier observe également un allongement des délais d’attente, atteignant 743 jours en moyenne (soit 3 ans et 7 mois en zone tendue). Alors que les demandes et renouvellements explosent, les radiations pour attribution et non-renouvellement diminuent.

Au-delà des conséquences de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine, les bailleurs sociaux pointent du doigt la réduction des objectifs de production de l’État, le gel des fonds pour rénover le parc social par le précédent gouvernement, et la diminution de l’aide personnalisée au logement (APL) que l’État impose depuis 2018.

En prenant en compte l’augmentation du taux du livret A à 3 % – engendrant une hausse des taux d’intérêt pour les bailleurs et alourdissant leur dette – et la montée du taux de TVA sur le logement social de 5,5 % à 10 %, l’USH estime à 14 milliards d’euros le montant des financements retranchés depuis 2017. Elle exprime une préoccupation croissante pour l’avenir, d’autant plus que le budget 2025 laisse présager de nouvelles coupes.

Jérôme Latta

4/ L’équilibre géorgien entre l’Europe et la Russie perturbé par les élections

Les élections législatives en Géorgie ont été officiellement remportées par le parti au pouvoir Rêve géorgien, le 27 octobre. Cependant, la victoire de cette formation pro-russe est largement contestée, tant par l’opposition pro-européenne que par de nombreuses ONG indépendantes, observateurs internationaux, et même par l’UE et les États-Unis.

La présidente de la Géorgie, Salomé Zourabichvili, refuse de reconnaître le résultat du scrutin et accuse la Russie d’ingérence électorale et de « guerre hybride » contre son pays, dont une partie du territoire est occupée par la Russie depuis 2008, rappelons-le.

Bien qu’une majorité significative de la population géorgienne se revendique pro-européenne, comme le révèlent les sondages, le pays du Caucase maintient des liens solides avec Moscou, notamment sur le plan économique et commercial : la Russie étant son quatrième fournisseur après l’UE, la Turquie, et les États-Unis.

La Communauté des Etats indépendants, regroupant d’anciennes républiques soviétiques restées dans l’orbite de Moscou, demeure également un partenaire commercial de premier plan pour la Géorgie. À l’exception de la Russie, elle est la principale destination des exportations géorgiennes, suivie par l’UE et la Russie. Tbilissi a longtemps su jongler habilement entre ses deux grandes voisines. Ces élections pourraient marquer un tournant décisif vers Moscou, en dépit de la volonté populaire.

Eva Moysan

Avec Lula, le Brésil renoue avec son élan des années 2000.

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Avec Lula, le Brésil renoue avec son élan des années 2000.

Enlisée depuis 2015 dans une crise sans fin, l’économie brésilienne semble cette année faire l’objet d’un nouveau revirement. S’agit-il d’un coup de chance passager ou des résultats favorables des politiques mises en œuvre par Luiz Inácio Lula da Silva (« Lula ») depuis son retour au pouvoir il y a deux ans ?

Lorsqu’il accède à la présidence pour la première fois en 2003, avec un programme de gauche en rupture avec ses prédécesseurs, peu d’analystes parient sur une réussite, tant les défis économiques paraissent colossaux pour un président nouveau, issu des syndicats et sans expérience.

Parmi ces défis : un service de la dette publique colossal atteignant 10,3 % du PIB, la nécessité urgente de reconstituer des réserves en dollars pour stabiliser une monnaie nationale vulnérable aux spéculations, et la contrainte de rembourser les prêts souscrits au Fonds monétaire international (FMI).

Contre toute attente, Lula adopte alors une politique monétaire stricte et une rigueur budgétaire pour rassurer les créanciers brésiliens et anticiper le remboursement au FMI.

Deux ans plus tard, profitant de la montée des prix des matières premières agricoles et minières, qui revigorent l’économie brésilienne, le président change de cap et choisit une politique économique plus expansive.

Conséquence, entre 2003 et 2011, le produit intérieur brut (PIB) croît en moyenne de 4,1 % par an, permettant au Brésil de se hisser au rang de septième puissance économique mondiale. 21 ans plus tard, est-il en train de réitérer sa performance des années 2000 ?

Une hausse largement supérieure aux attentes

À la fin de 2023, les évaluations des organismes internationaux et des banques convergeaient vers une prévision de croissance modeste (maximum 1 %) pour 2024 et 2025. Un an plus tard, le tableau a radicalement évolué.

Lors du seul second trimestre 2024, l’activité a progressé de 1,4 %, et la croissance pourrait atteindre jusqu’à 3 ou même 3,5 % en 2024. 2025 s’annonce également sous de bons auspices, plaçant le Brésil parmi les rares pays du G20, aux côtés de l’Inde ou des États-Unis, à afficher une croissance dynamique. Cette perspective n’a pas échappé à l’agence Moody’s qui, le 1er octobre, a amélioré la note du pays.

De plus, l’inflation est maîtrisée à moins de 4 %, le taux de chômage est maintenant de 6,9 %, son niveau le plus bas depuis 2014, et le déficit public, initialement projeté à 2,6 % du PIB, sera finalement largement revu à la baisse.

À l’instar des années 2000, le secteur primaire exportateur reste le principal moteur de l’économie brésilienne grâce à une production et des exportations en hausse de soja, maïs, canne à sucre, poulets, porcs et bœufs. En 2024, la production devrait augmenter grâce à l’expansion des terres cultivables.

Bien que la déforestation en Amazonie ait ralenti depuis la fin du mandat de Jair Bolsonaro, elle demeure à des niveaux historiquement élevés, et la déforestation augmente désormais dans le Cerrado, un macro-biome équivalent à trois fois la France, couvrant 23 % du territoire national dans la région centrale.

En parallèle, l’industrie agroalimentaire (abattage, découpe, transformation, congélation) connaît elle aussi une forte croissance, soutenue par des groupes de portée mondiale comme JBS.

Élargir l’élan des secteurs dynamiques

Cependant, il est complexe d’attribuer ce rebond impressionnant de la croissance uniquement au boom des matières premières, comme au début des années 2000. En 2024, la contribution de ce secteur à la croissance sera même négative, selon l’Institut brésilien de statistiques IGBE, en raison d’une baisse des prix de certains produits agricoles et miniers, ainsi que des impacts du phénomène climatique El Niño.

Toutefois, le Brésil peut s’appuyer sur le secteur industriel de l’énergie, qui s’affirme de plus en plus comme un pilier de l’économie nationale. Cela est vrai tant pour le pétrole, dont l’industrie est en expansion depuis la découverte de nouveaux gisements il y a vingt ans, que pour le gaz et les énergies renouvelables, qui représentent déjà 88 % du mix électrique national.

À l’image de 21 ans auparavant, Lula soutient les secteurs en croissance par une politique de stimulation de la demande intérieure pour propager cet élan au reste de l’économie. L’objectif : générer de la croissance et de nouvelles recettes fiscales en dynamisant à la fois l’investissement public et la consommation des ménages.

Pour inciter à l’investissement, le gouvernement mise sur les entreprises publiques (notamment le géant pétrolier Petrobras) et la banque publique de développement brésilienne (BNDES). Entre 2022 et 2023, celle-ci a injecté, sous formes de prêts avantageux, l’équivalent de 2,5 points de PIB dans l’économie, principalement pour financer d’importants projets d’infrastructure.

Concernant la demande des ménages, le gouvernement a utilisé plusieurs leviers : une augmentation de plus de 50 % de la « Bolsa Familia » (une allocation familiale versée à 18 millions de foyers), une hausse de 6,8 % du salaire minimum (et des retraites indexées sur ce minimum), soit 3 points de pourcentage au-dessus de l’inflation.

On peut également noter l’augmentation du seuil d’exonération de l’impôt sur le revenu de 1 900 à 2 700 réaux par mois (600 euros) ainsi que l’annulation de 57 milliards de réaux (10 milliards d’euros) de dettes après des négociations avec les créanciers, ce qui a soulagé 15 millions de ménages.

Le tabou de la taxation des plus riches

En fin de compte, selon l’IBGE, la consommation des ménages a grimpé de 3,4 % et les dépenses publiques de 2,6 % en l’espace d’un an. Cela peut-il perdurer ? Rien n’est moins sûr.

D’une part, un taux d’intérêt réel élevé, destiné à maîtriser l’inflation, impactera bientôt la croissance. D’autant plus que l’investissement total, qu’il soit privé ou public, demeure désespérément faible au Brésil.

D’autre part, la hausse des importations de 1,4 % au second trimestre 2024 et de 4,1 % sur un an, consécutive à une augmentation de la demande interne, met en lumière le déficit chronique de productivité de l’industrie brésilienne dans son ensemble (hors énergie et agroalimentaire) et des services en particulier.

Surtout, le gouvernement actuel semble ne pas avoir retenu une leçon essentielle des années 2000, à savoir qu’il est illusoire de maintenir un modèle de croissance basé sur la distribution des richesses sans s’attaquer aux revenus élevés.

Or, il n’existe aucun signe indiquant une volonté de faire contribution des plus riches, alors même que le système fiscal brésilien, qui exonère, par exemple, les dividendes de tout impôt, est connu pour sa régressivité.

Cela s’explique politiquement : Lula semble vouloir apaiser le puissant milieu des affaires.

L'augmentation des tensions entre Bruxelles et Pékin met en difficulté le cognac charentais

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L’augmentation des tensions entre Bruxelles et Pékin met en difficulté le cognac charentais

En tant que victime indirecte d’un conflit ayant pris naissance à des milliers de kilomètres, la Charente se voit obligée de détruire ses vignes. En septembre 2023, la Commission européenne a ouvert une enquête sur les véhicules électriques en provenance de Chine, soupçonnés d’être commercialisés à des prix très bas grâce à des aides injustes délivrées par le gouvernement chinois.

À l’issue de cette enquête, l’Europe a définitivement instauré, le 29 octobre, des droits de douane supplémentaires allant de 18 % à 45 % selon les constructeurs, en plus des 10 % déjà en vigueur. L’initiative, soutenue par la France, a été fermement condamnée par cinq États européens (Allemagne, Hongrie, Malte, Slovaquie, Slovénie), tandis que douze pays, dont l’Espagne et la Suède, se sont abstenus.

Mesure pour mesure. La Chine a réagi en lançant, en janvier 2024, une enquête sur les brandies européens, qui inclut le cognac, l’armagnac et le brandy de Jerez, dont 95 % des expéditions européennes proviennent de France.

« La France est le seul pays européen touché par cette politique, avec des exportations de cognac atteignant 1,1 milliard de dollars en 2023 », précise le Crédit agricole.

Depuis le début d’octobre, Pékin impose donc à ses importateurs de brandies européens un dépôt douanier compris entre 30 et 39 % des montants importés. Ces fonds seront gelés jusqu’à la conclusion de son enquête, prévue pour janvier 2025, et seront débloqués uniquement si la taxe devient définitive.

L’enquête chinoise connaîtra-t-elle le même sort que celle de l’Europe, entraînant la mise en place de surtaxes permanentes ? C’est peu probable, selon Florent Morillon, président du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC), qui rappelle que « le secteur du cognac ne bénéficie d’aucune aide déloyale, ses pratiques respectant parfaitement le droit international ». Quoi qu’il en soit, la taxe temporaire impacte déjà les 283 négociants de la zone d’appellation Cognac.

Le cognac, un enjeu stratégique

La Chine n’a pas agi sans y penser : elle sait que ce secteur repose fortement sur ses ventes à l’international – 98 % du cognac est exporté, d’après le BNIC – et que le marché chinois est crucial pour sa survie.

En 2021, les négociants avaient déjà subi une taxe identique de 25 % imposée par les États-Unis, dans le cadre d’un conflit relatif aux subventions accordées par l’Union européenne à Airbus et par les États-Unis à Boeing.

À l’époque, les négociants avaient été moins touchés car les bouteilles concernées, de qualité supérieure, étaient peu prisées par les consommateurs américains. De plus, ils pouvaient compter sur une demande mondiale en forte hausse post-pandémie, notamment en Asie.

Les bouteilles de prestige dans le viseur de la Chine

Concernant la taxe chinoise, les bouteilles visées sont celles les plus populaires : des cognacs premiums, plus coûteux que ceux destinés à d’autres marchés. En Chine, où le cognac est synonyme de luxe, le coût n’est en effet pas un frein à l’achat. Une étude menée par les économistes Charlotte Emlinger et Viola Lamani a ainsi démontré qu’une hausse de prix n’influençait pas la part de ces cognacs dans les exportations françaises.

De quoi rassurer, en théorie, les maisons de négoce. Toutefois, cette fois-ci, les consommateurs chinois semblent réceptifs au message de représailles politiques émis par Pékin.

« Depuis l’annonce du dépôt, le cognac français n’est plus le bienvenu sur les tables chinoises », raconte le BNIC.

Pour les maisons de cognac, les répercussions de ce boycott varient selon leur dépendance vis-à-vis du marché chinois. Les quatre grands, à savoir Hennessy, Martell, Rémy Cointreau et Courvoisier, qui représentent 90 % des exportations vers la Chine, devraient en principe être temporairement préservés.

« Ce sont leurs filiales en Chine qui doivent acquitter la taxe », souligne le BNIC. Si l’importation devient trop onéreuse, ces maisons évalueront l’intérêt de maintenir leur présence sur le marché. »

Pour l’heure, les maisons de cognac françaises ont ordonné à leurs filiales de continuer d’importer, bien qu’un risque de paiements élevés se profile si les surtaxes se transforment en mesures définitives.

Une approche impensable pour les maisons familiales telles que Hine, Frapin ou Meukow, qui tirent 97 % de leur activité du cognac. En effet, ces entreprises dépendent des importateurs chinois pour que leur cognac soit disponible en rayons.

Or, ces importateurs sont beaucoup plus réticents face à la perspective d’un prélèvement ultérieur des dépôts, et préfèrent donc, pour certains, annuler dès maintenant leurs commandes en France.

Conséquence, les maisons se retrouveront avec un stock invendu, difficile à écouler sur d’autres marchés.

« Chaque type de cognac est adapté à son marché, les préférences des consommateurs américains ne sont pas celles des consommateurs chinois », explique Marie-Laure Coste, secrétaire générale de la maison Meukow.

De plus, « l’inflation et la chute qui s’ensuit du pouvoir d’achat depuis la fin de la pandémie ralentissent la consommation mondiale de tous les spiritueux », a également énoncé François-Gaël Lataste, directeur du BNIC, lors d’une conférence sur l’avenir du secteur organisée par le média Charente Libre.

Un seul mot d’ordre donc : restreindre la production afin d’éviter une surcapacité.

Les viticulteurs contraints de réduire leur production

Cependant, après le regain des expéditions post-Covid, le BNIC avait donné son accord pour la plantation de 3 129 hectares supplémentaires de vignes. En 2023, les récoltes « exceptionnelles » d’ugni blanc, cépage utilisé pour le cognac, avaient permis de produire 12,8 millions d’hectolitres. Que va-t-il arriver à ces bouteilles ? « C’est la question qui taraude tout le secteur », répond le BNIC.

Pour gérer l’excédent de raisins de la dernière vendange, le BNIC propose des « plans d’urgence pour réaffecter les surfaces à d’autres débouchés rentables et pour procéder à une destruction temporaire des vignes, afin de les replanter lors de la reprise des expéditions ».

Le quota de raisin que les viticulteurs peuvent cultiver par hectare a également été abaissé à un niveau historique depuis la crise de 2009. Une décision difficile à accepter pour les viticulteurs, dont les coûts de production n’ont pas diminué.

Des emplois en danger

« Les 4 000 viticulteurs de la région ressentiront la crise, mais à des moments différents », met en garde la viticultrice Mathilde Thorin, qui ne voit d’autre option pour surmonter cette période difficile que de « réduire les investissements, diminuer les charges fixes et reconsidérer les modèles de production ».

Cette consigne est scrupuleusement respectée, puisque les producteurs ajustent déjà leur personnel. Les projets de recrutement saisonniers dans le secteur de Cognac ont chuté de 32 % par rapport à 2023, selon une étude de France travail.

Et cette baisse ne touche pas uniquement les viticulteurs. « Les premiers impacts se font sentir sur les partenaires de la filière, comme les producteurs de bouchons et de bouteilles », s’inquiète Anthony Brun, président de l’Union générale des viticulteurs pour l’AOC Cognac. Le secteur du cognac emploie 14 500 personnes et 72 500 individus en dépendent, des tonneliers aux divers prestataires de services.

La Chine, elle, n’est pas prête de s’arrêter là : elle a indiqué que « les enquêtes sur le porc et ses produits dérivés (notamment les abats) ainsi que sur les produits laitiers étaient toujours en cours », relèvent les économistes du Crédit agricole. Elle n’exclut pas non plus d’augmenter les droits de douane sur les véhicules à moteur thermique de forte cylindrée, ciblant cette fois-ci les fabricants allemands ».

L'ardue adaptation du logement social face au vieillissement des occupants

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L’ardue adaptation du logement social face au vieillissement des occupants

Une baignoire que l’on remplace par une douche, un ascenseur devenu essentiel pour accéder à son habitation… Les intervenants du logement social doivent s’ajuster au vieillissement de leurs résidents. « En tout, 13 % des ménages locataires du parc social [soit environ 600 000, NDLR] affirment avoir besoin d’aménagements spécifiques dans leur logement suite à une perte d’autonomie, que ce soit en raison du vieillissement ou du handicap », soulignait un rapport de l’Ancols (Agence nationale de contrôle du logement social) publié en août 2024.

En réponse à ce constat, les bailleurs sociaux ont déjà commencé à transformer leurs biens de manière significative. En 2022, 36 000 logements ont été adaptés à la demande des ménages. Le souci, c’est que ces aménagements coûtent cher (entre 5 000 et 10 000 euros par logement en moyenne) et que les organismes n’ont pas toujours les ressources nécessaires pour les mettre en œuvre.

Les situations diffèrent d’un organisme à l’autre et selon le territoire où ils se trouvent. C’est ce qu’indique Cécile Belard du Plantys, directrice générale de Paris Habitat, l’organisme public de logement parisien. « Nous avons la chance de bénéficier d’un fort soutien de la ville », se félicite-t-elle. Mais la responsable est consciente que « ce n’est pas le cas de tous les bailleurs dans toutes les zones ». Certains reçoivent peu de soutien, limitant ainsi leur agir.

Les options d’adaptation ne dépendent toutefois pas uniquement des ressources financières disponibles, mais également d’autres facteurs, comme la nature des bâtiments. De fait, avec 40 000 logements sur 126 000 construits au début du 20e siècle et une population dans laquelle 38 % ont plus de 65 ans, Paris Habitat doit réaliser davantage d’efforts d’adaptation que d’autres organismes. Un défi confirmé par Thierry Asselin, directeur des politiques urbaines et sociales à l’Union sociale pour l’habitat (USH) :

« Un bailleur possédant un patrimoine plutôt ancien aura proportionnellement plus de personnes âgées et de logements non adaptés. »

Heureusement, certains territoires sont moins touchés par ce problème, comme certaines villes de Normandie. C’est ce qu’affirme Sébastien Coeuret, responsable handicap et vieillissement de la CDC Habitat dans les zones de Caen, Rouen et Le Havre. Dans cette région, l’organisme gère un total de 20 000 logements, plus récents. Il confie qu’il répond à « 60 demandes d’adaptation par an avec un budget de 300 000 euros, ce qui, pour le moment, ne pose pas de difficultés ».

Un cadre financier vulnérable

Cependant, même dans ces territoires, la question du financement va inévitablement surgir, compte tenu du vieillissement démographique. Actuellement, le principal mécanisme financier en place est le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Ceci permet aux bailleurs de bénéficier d’une exonération de taxe foncière équivalente au coût des travaux réalisés. « Dans de nombreux cas, cela couvre l’intégralité de la dépense », explique Cécile Belard du Plantys. Cependant, le logement doit être soumis à la taxe foncière, ce qui exclut ceux construits il y a moins de 25 ans.

Dans ces situations, les bailleurs doivent trouver d’autres sources de financement. « Cela peut être la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) qui, via la Prestation de compensation du handicap (PCH), finance une partie des travaux, généralement à hauteur de 60 % », précise Sébastien Coeuret.

La CDC Habitat peut compenser le reste avec ses propres fonds, mais ce n’est pas le cas pour tous les bailleurs. « À ce moment-là, c’est souvent le locataire qui doit avancer le coût, ce qui constitue un obstacle évident. »

Le vieillissement de la population met en péril cet équilibre déjà fragile. « Les personnes âgées représentent déjà plus d’un tiers de nos locataires, met en lumière Florian Maillebuau, directeur des politiques sociales de Paris Habitat. Et nous prévoyons une augmentation de 20 % d’ici 2030. » Cela implique un besoin de financement accru. En Normandie, « il faudra clairement, dans les années à venir, ajuster le budget pour faire face à l’augmentation des demandes », renchérit Sébastien Coeuret.

Face à ce challenge, certains bailleurs semblent mieux préparés que d’autres. Les organismes les plus armés, comme Paris Habitat, sont déjà « assistés par une convention avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), ainsi que par des partenariats avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) », souligne Cécile Belard du Plantys. D’autres, plus modestes, affichent des ressources humaines plus limitées et pourraient avoir plus de difficultés à obtenir ce type de soutien.

Crise de la construction

Ces incertitudes sont d’autant plus vives que les bailleurs ont de plus en plus de mal à puiser dans leurs fonds propres. Ceux-ci ont en effet été considérablement réduits suite à la baisse des APL (Aide personnalisée au logement) votée en 2017 sous Emmanuel Macron. En effet, pour compenser cette baisse, les bailleurs doivent acquitter la Réduction de loyer de solidarité (RLS), une diminution de leurs loyers qui représente une perte de revenus de 1,3 milliard d’euros par an.

Ces fonds propres sont pourtant essentiels pour les bailleurs, car les aides à l’adaptation des logements ne suffisent pas à elles seules. « Le dégrèvement de la TFPB est un outil important, mais qui ne suffit pas à lui seul », souligne Thierry Asselin. Dans le cas où le logement ne peut être adapté, les bailleurs ont deux options : reloger la personne dans un autre bien, à court terme, ou, à plus long terme, construire de nouveaux logements adaptés.

La création de nouveaux logements constitue donc une partie de la solution. Cependant, celle-ci est en difficulté : elle est passée d’environ 120 000 logements en 2016 à 82 000 en 2023. Les raisons en sont la diminution des revenus des bailleurs, ainsi que l’explosion des prix du foncier et l’inflation, qui a fait grimper le coût des matériaux. Ces contraintes poussent les bailleurs à privilégier l’adaptation des logements existants.

« Pourtant, il est également nécessaire de construire de nouveaux logements de petite taille, adaptés aux besoins des demandeurs », affirme Thierry Asselin.

Manque d’initiative budgétaire de l’État

Face à la difficulté de construire, les bailleurs les plus solides choisissent de racheter directement des biens privés déjà existants. La CDC Habitat a ainsi acquis, il y a deux ans, l’équivalent de 30 000 logements à l’échelle nationale. Paris Habitat agit de la même manière, avec la ville de Paris qui « préempte de l’existant et nous le revend à un prix inférieur », explique Cécile Belard du Plantys. Cependant, même pour les organismes « solides », la facture devient de plus en plus élevée.

Au congrès HLM d’octobre 2023, les bailleurs sociaux avaient obtenu de l’État un engagement d’1,2 milliard d’euros sur trois ans pour la rénovation thermique. Les bailleurs espéraient ainsi faire d’une pierre deux coups, en utilisant les rénovations thermiques pour adapter les logements.

Toutefois, l’enveloppe a été réduite à 350 millions pour 2 ans, selon l’Union sociale pour l’habitat, qui considère cette baisse comme « inacceptable ». La fédération des organismes HLM déplore aussi « l’absence de mesures budgétaires de relance » dans le Projet de loi de finances pour 2025, malgré « l’ampleur de la crise du logement ».