Guyane : la sécheresse perturbe la vie quotidienne

INVESTIGATIONS

Guyane : la sécheresse perturbe la vie quotidienne

Il « bientôt, il n’y aura plus de combustible pour partir à la pêche et à la chasse » en pirogue à moteur, craint Michel Aloïké, conseiller municipal de Maripasoula et chef coutumier de Taluen, en observant les effets visibles de la période sèche : un niveau d’eau exceptionnellement bas dans les rivières et des difficultés pour l’approvisionnement en biens. « Depuis deux mois », son activité de transport fluvial et touristique est également à l’arrêt, en raison des obstructions à la navigation provoquées par les rochers émergents.

Les librairies autonomes, cruciales et fragiles

ECONOMIE

Les librairies autonomes, cruciales et fragiles

Être entouré de livres n’immunise pas contre les fluctuations économiques. Depuis le printemps passé, Emilie Grieu, créatrice de la librairie Les Pipelettes à Romainville (Seine-Saint-Denis), a « souvent été à découvert dès le dix de chaque mois », partage-t-elle. « C’est inédit », précise cette quadragénaire dynamique.

Pour les environ 3 700 librairies indépendantes présentes en France (au sein de 25 000 points de vente de livres au total, y compris hypermarchés et stations-service, selon le ministère de la Culture), l’année 2024 s’annonce comme un challenge. Après l’enthousiasme des lecteurs et lectrices pour leur librairie de quartier, qualifiée de « commerce essentiel » durant la crise de la Covid, les ventes stagnent.

Selon l’Observatoire de la librairie française, les ventes reculent même pour les livres, hors papeterie (- 0,9 % de janvier à septembre 2024 par rapport aux neuf premiers mois de l’an passé).

Pour les plus petites librairies, celles dont le chiffre d’affaires annuel ne dépasse pas 500 000 euros, comme Les Pipelettes, la condition devient alarmante. D’après une analyse du cabinet Xerfi, de nombreux commerces pourraient faire face à la faillite dès l’année prochaine. Unique au monde grâce à la densité de son réseau, essentielle pour le lien social et le tissu territorial autant que pour l’échange d’idées, cette industrie se retrouve prise dans un redoutable effet ciseau.

Augmentation des coûts

D’une part, les coûts ont fortement grimpé depuis 2021. L’énergie en tête. Les plus grandes librairies indépendantes, parmi les plus coûteuses à chauffer, ont enregistré une hausse de 150 % de leur facture d’électricité.

Contrairement aux boulangers, d’autres commerçants « essentiels », les libraires n’ont pas bénéficié de tarifs plafonnés. Résultat ? Comme beaucoup de patrons de PME, certains libraires expriment parfois le sentiment de « travailler pour Engie », confie Amanda Spiegel, à la tête de Folie d’encre à Montreuil (Seine-Saint-Denis) et vice-présidente du Syndicat de la librairie française (SLF).

En outre, la flambée des prix des carburants impacte également les frais de transport (+13 % depuis 2021) que supportent les libraires : ils doivent financer l’acheminement des livres commandés et le retour des invendus au distributeur.

Ce n’est pas tout. Les commerces indépendants, généralement situés en centre-ville, doivent aussi gérer la hausse des loyers, un important poste de dépenses. Dans le quartier populaire en transformation de Romainville, Emilie Grieu doit débourser 3 000 euros par mois pour 70 mètres carrés de surface de vente en rez-de-chaussée et un sous-sol de 30 mètres carrés.

Concernant le personnel, souvent mal rémunéré, il a fallu augmenter les salaires (+10 % de masse salariale) pour faire face à l’inflation, atteignant en 2024 un salaire moyen de 1 720 euros nets, somme modeste pour des diplômés engagés et cultivés.

Dans les librairies indépendantes, la masse salariale représente une part plus conséquente du budget (environ 20 % contre 14 % à la Fnac, 10 % en grande surface, 5 % sur Amazon). C’est logique : conseiller les clients, valoriser des titres méconnus et inviter des auteurs requiert du temps et des compétences. « C’est vital », résume Emilie Grieu, qui emploie Cécile, libraire expérimentée en CDI, et un stagiaire, Alexis, apprenti libraire et passionné de sciences humaines.

À l’opposé, les prix ne suivent pas. Fixés par les éditeurs selon la loi Lang de 1981 sur le « prix unique du livre », ils n’ont crû que de 2,2 % en moyenne en 2024. Cette législation a le mérite de protéger l’écosystème des librairies indépendantes de la concurrence des grandes surfaces, sauvegardant ainsi la pluralité éditoriale.

Le souci, c’est que les remises accordées par les éditeurs aux libraires, d’environ un tiers du prix de vente, ne suffisent plus : « Il faudrait obtenir 38 % à 40 % », estime Emilie Grieu. En conséquence, les marges des librairies se resserrent. Cette année, elles ne dépassent pas 1 % de leur chiffre d’affaires moyen, l’un des taux de marge les plus bas dans le commerce de détail, « avec les fleuristes », nous informe-t-on.

Trois fois plus qu’il y a trente ans

Les livres deviendraient-ils jetables ? En termes logistiques, c’est certain. Toutes catégories confondues, du manuel scolaire au livre de cuisine en passant par le roman, environ 75 000 publications voient le jour chaque année, soit trois fois plus que dans les années 1990. Et ce, alors même que la population n’a augmenté que de 20 % et que les Français ne lisent pas davantage.

Bien que cette richesse puisse illustrer une diversité bienvenue dans l’offre de lecture, il en résulte qu’à peine arrivées en rayon, les nouveautés doivent céder la place à des titres encore plus récents. « Nous passons notre temps à décharger et à remplir des cartons », témoigne Anne Martelle. La production éditoriale pousse les cadences à un rythme insoutenable :

« On n’a plus le temps de lire ! s’écrie sa collègue Amanda Spiegel. Dans ces conditions, on ne parvient plus à faire découvrir les livres, on perd l’essence même du métier. »

Cette précipitation impacte également l’empreinte carbone de la filière : l’écologie était l’un des thèmes majeurs des rencontres nationales de la librairie, tenues à Strasbourg en juin dernier. Au début de l’année, l’association de libraires indépendants Pour l’écologie du livre a lancé une « trêve des nouveautés », sous l’égide de sa cofondatrice Anaïs Massola, libraire au Rideau rouge, à Paris.

Ingénieux, les participants ont refusé certains ouvrages selon des critères délibérément surprenants (comme la couleur de la couverture…). Cette initiative incitera-t-elle les éditeurs à réduire leur production (un peu) ? Les libraires auraient tout à y gagner, car le rythme élevé des commandes et des retours pèse sur leur budget.

Diversité de l’offre culturelle

Et après ? « Déjà sur le fil, écrivent les spécialistes de Xerfi, la situation financière des librairies (indépendantes, NDLR.) pourrait encore se détériorer dans les années à venir ». Dès 2025, précisent-ils, les plus petites pourraient encaisser des « pertes considérables » et des fermetures.

Cette vulnérabilité menace la pluralité de l’offre culturelle en France et soulève également une question politique. Dans un contexte économique délicat, les libraires se trouvent en effet exposés aux manœuvres de riches entrepreneurs d’idées, souvent proches de l’extrême droite. En septembre 2023, Vivendi, le groupe dirigé par Vincent Bolloré, a acquis l’Écume des pages, célèbre enseigne parisienne située à Saint-Germain-des-Prés.

Cet automne, un autre milliardaire « patriote » (sic) s’intéresse aux librairies indépendantes : Pierre-Edouard Stérin, leader du fonds Otium Capital, finance le projet nommé « Périclès » à hauteur de 150 millions d’euros pour « l’enracinement, l’identité » et « l’anthropologie chrétienne ».

Après avoir échoué l’an passé à acquérir le groupe Editis (Belfond, Julliard, Robert Laffont…) puis, en août dernier, le magazine Marianne, il a publié une annonce. Il recherche « un entrepreneur » afin de constituer d’ici cinq ans « un réseau de 300 librairies indépendantes dans les régions françaises » qui organiseraient « plus de 5 000 événements culturels locaux ». L’objectif ? « Réinventer le concept de librairie multi-activités avec une offre culturelle au service des familles ». Une bataille culturelle est en cours.

Un avion postal découvert un siècle après son accident dans une région montagneuse au nord de Béziers

HERAULT NEWS

Un avion postal découvert un siècle après son accident dans une région montagneuse au nord de Béziers

Les débris d’un Breguet XIV, qui s’est crashé le 6 novembre 1924 au nord de Béziers, ont été découverts cet été dans une zone très accidentée et difficile d’accès sur les hauteurs de Cabrerolles, près de Roquebrun, dans l’Hérault. Abandonné et oublié par le temps depuis son accident, l’appareil a néanmoins attiré l’attention d’un groupe de passionnés d’aviation.

Après plusieurs mois d’investigation, les bénévoles de l’association toulousaine Aéro Recherche ont pu, grâce aux récits de certains habitants, déterminer l’endroit où le pilote Georges Payan a trouvé la mort, après avoir frappé les pentes rocheuses. Il était le seul occupant de l’appareil.

L’appareil était la propriété d’une entreprise de transport postal

Ce pilote expérimenté avait pris son envol depuis Perpignan en direction de Marseille. Âgé de 31 ans et longeant la côte méditerranéenne, il s’est écarté d’une trentaine de kilomètres à cause du brouillard et des intempéries avant de s’écraser. À l’époque, les moyens de navigation étaient bien éloignés de ceux d’aujourd’hui.

Les autorités s’étaient rendues sur le site à l’époque pour constater le décès après que des habitants aient donné l’alerte. Le courrier a été récupéré et la victime, sans descendance, a été enterrée dans son caveau familial à Nîmes, mais l’appareil a été laissé à l’abandon au cœur de la végétation.

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Georges Payan a reçu la légion d’honneur à titre posthume en 1925

Georges Payan pilotait un Breguet XIV. Ce modèle, développé en France, a d’abord été utilisé comme avion de reconnaissance ou bombardier à partir de 1917. Après la Première Guerre mondiale, il a été réorienté pour le transport de courrier.

Ancien fantassin devenu pilote, Payan a été recruté par les lignes Latécoère. Il sera ensuite un des pionniers de ce qui deviendra la Compagnie générale d’entreprises aéronautiques, laquelle sera renommée Aéropostale. En 1922, près de 1,5 million de lettres sont acheminées. La compagnie est alors le leader mondial avec 3 000 kilomètres de réseau (75 avions, 22 pilotes et 120 mécaniciens).

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Deux ans plus tard, la CGEA se décide à tester le segment de ligne Perpignan Marseille. C’était la mission de Georges Payan.

L’accident a eu lieu dans une zone difficile d’accès et escarpée, au sein d’une garrigue devenue assez dense où de nos jours seuls des sangliers circulent. Cependant, en 1924, certains villageois se sont aventurés pour récupérer des morceaux de l’appareil, qui pouvaient être sans aucun doute utiles, tels que les tôles, les roues…

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Georges Payan,le pilote décédé au nord de Béziers aprés le crash de son avion
Georges Payan,le pilote décédé au nord de Béziers aprés le crash de son avion
Association Aéro-Recherche

Une expédition soigneusement orchestrée sur plusieurs mois pour retrouver les débris

Un siècle plus tard, au printemps 2024, l’association toulousaine Aéro-recherche s’est donc lancée à la recherche de cet appareil afin de commémorer ce drame et d’honorer le pilote. Un énorme travail de recherches débute alors dans les archives, suivi de la collecte de témoignages sur le terrain à Cabrerolles. Certains chasseurs et anciens du village étaient informés de cette histoire. L’expression “chercher une aiguille dans une botte de foin” n’a jamais été aussi représentative.

“Nous avons rencontré dans le village une personne âgée de 94 ans, qui nous a déclaré qu’il y avait encore quelques pièces sur place” indique Gilles Collaveri, président fondateur de l’association Aéro-Recherche.

Georges Payan – Breguet 14 Aéropostale

“Nous avons passé une journée entière à nous frayer un chemin à travers les montagnes et nous avons réussi à découvrir la première pièce en fin de journée”

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Une exposition en projet avec les pièces retrouvées

Le moteur et le yoke de l’appareil ont été retrouvés sur le site. Ces découvertes sont particulièrement stupéfiantes, surtout autant de temps après le crash, souligne Gilles Collaveri. “Vous ne pouvez pas imaginer notre joie lorsque nous avons retrouvé sur place un si grand nombre de pièces”. Celles-ci seront reconnues grâce à la documentation technique.

Des effets personnels de Georges Payan ont également été mis au jour, comprenant une bretelle, une ceinture, des boutons et une pièce de monnaie espagnole.

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Un avion produit à 8.200 unités entre 1917 et 1926

Actuellement, il ne subsiste que deux exemplaires de Breguet XIV dans le monde. L’un se trouve au musée de l’air et de l’espace au Bourget et l’autre en Finlande. Toutefois, une réplique a été fabriquée en 1992 par un passionné à Moissac (Tarn-et-Garonne).

Cet avion devrait survoler la région de Béziers, notamment Cabrerolles, le 9 novembre prochain en mémoire de Georges Payan. Ses deux neveux seront présents le jour de cet hommage.

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Un week-end de commémoration

Tout au long du week-end des 9 et 10 novembre, un programme spécial sera mis en place pour rendre hommage à Georges Payan, mais également pour célébrer et préserver la mémoire de l’épopée remarquable des Lignes Latécoère et découvrir des vestiges uniques.

  • Inauguration d’une stèle en mémoire du pilote
  • Participation de la famille du pilote ainsi que des familles Latécoère, Breguet
  • Survol par le Breguet XIV F-POST, unique réplique volante au monde de l’avion postal emblématique
  • Expositions, conférences, spectacles de rue…

Les organisateurs, des associations à but non lucratif, ont lancé une campagne de financement en lignepour collecter des fonds afin d’organiser cet événement.

  • Si vous êtes témoin d’un événement, ou si vous avez des informations à partager, appelez au 04.67.06.65.42
Archer Aviation reçoit une autre grande commande pour ses taxis aériens futuristes

TECHNOLOGIES

Archer Aviation reçoit une autre grande commande pour ses taxis aériens futuristes

Archer Aviation, une entreprise leader dans le domaine du vol électrique basée à San Jose, en Californie, amène ses taxis aériens futuristes au Japon. L’entreprise vendra 100 de ses avions Midnight alimentés par batterie à Soracle, une coentreprise entre Japan Airlines et Sumitomo Corporation, dans un contrat d’une valeur d’environ 500 millions de dollars. Archer déclare que Soracle prévoit de déployer ses avions — qui ressemblent à un croisement entre un drone et un hélicoptère — « dans des villes où les moyens de transport terrestres existants sont contraints par le trafic ou des barrières géographiques », a déclaré l’entreprise. Cependant, Archer devra atteindre « certains jalons dans la livraison avancée d’avions » avant que Soracle n’approuve les paiements préalables à la livraison. « dans des villes où les moyens de transport terrestres existants sont contraints par le trafic ou des barrières géographiques » Ce contrat est le dernier à renforcer les perspectives d’Archer pour lancer des services de taxis aériens commerciaux dans des villes à travers le monde, ce que l’entreprise prévoit de faire dans les années à venir. Midnight est un avion de quatre places plus un pilote, avec une portée de jusqu’à 100 miles (près de 160 km), bien qu’il soit conçu pour des vols consécutifs de 20 à 50 miles avec un temps de charge minimal entre. Il peut voyager à des vitesses allant jusqu’à 150 mph (241 km/h) en mode batterie pure. Et grâce à des rotors inclinables, Midnight est conçu pour décoller et atterrir verticalement comme un hélicoptère avant de passer au vol horizontal comme un avion. Archer déclare qu’il travaillera avec Soracle et le Bureau japonais de l’aviation civile pour obtenir les autorisations et certifications nécessaires. Archer affirme avoir déjà entamé des discussions et « a l’intention de demander officiellement une validation de…

Peut-on imposer davantage le secteur aérien ?

ECONOMIE

Peut-on imposer davantage le secteur aérien ?

Le secteur aérien est l’une des rares industries pour lesquelles l’État envisage un relèvement de l’imposition. Dans le projet de budget actuellement debattu au Parlement, le gouvernement se propose d’accroître la taxe sur les billets d’avion, ce qui en fait un sujet de débat. Le rendement fiscal espéré : un milliard d’euros. Parmi les 19,3 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires souhaitées par Bercy, cette mesure n’est donc pas négligeable.

Le domaine, notamment la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (Fnam), s’est naturellement mobilisé contre cette décision, évoquant un risque de disparition de «segments entiers du transport aérien », d’érosion des compagnies nationales face aux étrangères ou de «pénalisation de l’attractivité de la France comme destination ».

Au-delà de ce discours attendu, une interrogation se pose : est-il réellement envisageable d’augmenter la fiscalité sur le secteur aérien ? Pour soutenir la réponse négative, la Fnam souligne la composition du prix d’un billet d’avion, prenant comme exemple un trajet Paris-Nice à 130 euros, où les taxes représentent 40 %.

Cependant, ce chiffre s’avère trompeur, car il englobe des redevances aéroportuaires équivalentes à 16 % du coût de ce Paris-Nice, qui ne constituent pas une taxe, mais un coût d’utilisation des aéroports – tout comme 30 à 40 % du montant d’un billet de train sert à l’entretien du réseau : voies, gares, etc.

Les prélèvements qui relèvent des taxes – TVA, tarif de solidarité (TSBA), tarif de l’aviation civile, taxes sur les nuisances sonores (TNSA) – ne représentent que 15 % d’un vol Paris-Nice, à quoi peut s’ajouter une taxe sur la sûreté et sécurité, financant les missions régaliennes dans l’aéroport, portant le total des taxes à 21 % du prix.

Un secteur très soutenu

Une analyse de la situation fiscale de l’aérien révèle un secteur largement soutenu. Les billets d’avion pour les vola internationaux, y compris intra-européens, sont exemptés de TVA, dont le taux est réduit à 10 % pour les vols domestiques. Le kérosène ne subit pas la fiscalité énergétique (TICFE), contrairement à toutes les autres énergies, et le secteur bénéficie d’une exemption partielle du marché carbone européen.

L’ONG Transport & Environnement a ainsi conclu qu’en 2022, le secteur aérien a engendré un manque à gagner de 4,7 milliards d’euros pour l’État. Avec la tendance haussière du trafic, ce montant pourrait atteindre 6,1 milliards d’euros d’ici 2025.

Peut-on alors penser qu’une augmentation d’un milliard des prélèvements pour le secteur serait facilement supportable pour les compagnies aériennes ? La réalité est plus complexe : les compagnies constituent le maillon le moins rentable de la chaîne, et de nombreuses entreprises reçoivent un soutien de l’État, avec des recapitalisations fréquentes.

Bien que des disparités notables existent, les low-cost comme Ryanair et Easyjet affichent des marges supérieures à celles d’Air France-KLM ou Lufthansa, leurs bénéfices demeurent proportionnellement bien inférieurs à ceux des avionneurs et des aéroports.

Alors que le trafic aérien a atteint des niveaux records cette année et que le secteur se porte bien, les compagnies devraient générer environ 9 milliards de dollars de bénéfices nets sur le marché européen, représentant une marge positive, mais relativement faible, de 3,8 % selon les prévisions de l’Association du transport aérien international (IATA). Sans ces avantages fiscaux, le secteur pourrait-il maintenir un équilibre ? Ou plutôt : serait-il en mesure de soutenir un trafic aussi massif et en forte croissance ?

Un impact limité sur les prix et le trafic

Revenons aux conséquences de la taxe. Comme l’indiquent les compagnies, elle devrait être répercutée sur les voyageurs, les entreprises ayant du mal à diminuer leurs marges, ou très légèrement. Quelles en seraient les répercussions sur leur modèle économique ?

Les augmentations de prix des billets devraient être, pour un vol vers l’Europe, de l’ordre de 7 euros en classe économique et de 10 euros en classe affaires, et de 32 à 60 euros pour les longs courriers. Cela pourrait significativement augmenter le prix des billets de quelques points de pourcentage.

Il est difficile de prévoir les conséquences sur l’évolution du trafic, car elles dépendent de l’élasticité-prix des billets d’avion, c’est-à-dire de la variation à la baisse de la demande lorsque le prix augmente.

Cependant, comme l’expliquent les économistes Emmanuel Combe et Paul Chiambaretto, cette élasticité est faible : « L’impact du PIB est deux fois plus conséquent que celui du prix du billet : cela signifie que […] le PIB explique les deux tiers de l’évolution du trafic aérien dans le monde. » En somme, la croissance économique et l’évolution des revenus auront bien plus d’impact sur le trafic que l’augmentation d’une taxe.

« Selon nos analyses, une telle augmentation de la taxe ne devrait pas stopper la hausse du trafic aérien, mais seulement permettre d’en modérer quelque peu la croissance », déclare Jérôme du Boucher, en charge de l’aviation au bureau français de l’ONG Transport & Environnement.

Une étude du Secrétariat général à la planification écologique avait d’ailleurs anticipé qu’une hausse de la taxe sur les billets d’avion réduirait la croissance des vols internationaux au départ de la France de seulement 2 % à 1,8 %.

Comment atteindre la sobriété ?

Le mouvement Transport & Environnement souligne cependant que cette augmentation de la fiscalité ne devrait être qu’un début, incitant à ce que la taxe française rejoigne à moyen terme le niveau de son équivalent britannique, qui est deux à trois fois plus élevée.

« Pour réussir la décarbonation du secteur, il est essentiel de gérer le trafic afin que les solutions techniques puissent jouer leur rôle », soutient Jérôme Le Boucher.

En effet, le renouvellement des flottes d’avions devrait déjà permettre de diminuer la consommation de carburant, avec des gains d’efficacité énergétique de 15 à 25 %. Dans un second temps, les biocarburants devraient, selon les prévisions, remplacer le kérosène afin de diminuer la dépendance aux énergies fossiles.

Cependant, il sera impératif d’activer le levier de la sobriété en réduisant ou en maîtrisant le trafic, pour éviter l’effet rebond, c’est-à-dire que les gains d’efficacité énergétique se traduisent par une augmentation du trafic.

<pAinsi, si la voie d'un relèvement de la fiscalité est poursuivie, ce qui n'est pas du tout certain aujourd'hui, nous n'en serons qu'au début de la transformation du modèle économique des compagnies.