La Âme Divisée de “Bad Kreyòl”
Dominique Morisseau médite sur l’identité et sur les possibilités du langage dans sa nouvelle pièce, qui se déroule en Haïti.
Dominique Morisseau médite sur l’identité et sur les possibilités du langage dans sa nouvelle pièce, qui se déroule en Haïti.
Ne vous fiez pas aux critiques : Anora ne constitue pas une énième reprise, même sombre et dorée, de Pretty Woman. Ce huitième long métrage de l’Américain Sean Baker, qui a reçu des distinctions à Cannes, ne prend véritablement son envol qu’après environ trois quarts d’heure, moment où se dissout l’union enchantée de l’escort girl et du jeune milliardaire russe. Le film commence réellement à avancer lorsque, l’héritier quittant la scène la tête basse, le rythme effréné de la première partie – strip-teases, fêtes, et sexe à New York suivi d’une noce à Las Vegas – ralentit pour faire place à un autre, plus posé et instable à la fois. À cet instant, Anora révèle sa véritable force. Et cette dernière n’est pas négligeable. Ivan – joué par le Timothée Chalamet russe, Mark Eydelshteyn – est trop riche pour Baker. Trop fortuné et trop puissant. Trop apathique : l’idée même de travailler lui semble absurde. Cependant, depuis toujours, Baker a un faible pour ceux qui s’activent. Les travailleurs et les travailleuses du sexe, dont Anora fait partie, tout comme l’héroïne de Starlet (2012) – enfin disponible en France la semaine dernière – et les personnages de Tangerine (2015), ainsi que le protagoniste de Red Rocket (2021), son film précédent. Mais également tous ceux qui peinent pour gagner leur vie et se battent pour conserver un emploi qu’ils viennent tout juste de décrocher. Depuis toujours, Baker a un faible pour ceux qui s’activent. Ne vous laissez pas tromper par les critiques : Anora n’est pas simplement un nouveau film sur le rêve américain et son revers cauchemardesque. À moins qu’on considère Anora comme tel uniquement in fine, lorsque le conte de fées de la première partie a disparu et qu’un autre, légèrement moins irréaliste, semble prêt à prendre la relève. Semble seulement, car quand…
La stigmatisation des travaileuses du sexe (TDS) est sans doute aussi vieille que le travail du sexe lui-même (et le travail forcé aussi vieux que la notion de travail). On doit notamment cette stigmatisation au fait que les TDS sont victimes d’exploitation, d’oppression et sont souvent contraint·es par la nécessité ou par des tiers. Hollywood a par exemple contribué à véhiculer l’image d’une Égypte antique comme terre mystique où la prostitution au sein même des temples était répandue, et où la majorité de la population était esclave. Mais les TDS à l’époque étaient-elles forcément victimes d’exploitation sexuelle ? Négatif, selon Leen Bokken, qui a rédigé son mémoire, publié en 2021, Les filles du delta : l’agentivité chez les prostituées en Égypte de 323 av. J.-C. au 7e siècle ap. J.-C. dans le cadre de son Master en histoire ancienne à la KU Leuven. Avec ses recherches, Leen montre qu’à cette époque, le travail du sexe était en réalité susceptible de permettre aux femmes plus d’indépendance, sur le plan financier entre autres. En soi, rien de très différent d’aujourd’hui, mais il n’empêche qu’avec ses conclusions, elle fait voler en éclats le débat sur ce sujet, généralement assez rigide. L’hypothèse de Leen selon laquelle toutes les prostituées* de cette période n’étaient pas obligatoirement forcées de travailler dans l’industrie du sexe va à contre-courant de ce qui se dit généralement dans le milieu académique, une idée qui la place immédiatement en opposition directe à un tas de chercheur·ses. De l’esclavage à la prostitution dans les temples, elle répond aux arguments inexacts et nous permet de revoir l’histoire sous un autre oeil. Qui dit Égypte Antique, dit esclavage Faux. L’Égypte antique n’a pas toujours connu l’esclavage. « On oublie souvent que l’esclavage n’a été introduit dans la société égyptienne qu’après sa période grecque (323…
Sur le site Sexemodel où s’affichaient leurs profils, elles se faisaient appeler Layana Sodo, Mia Marocaine, Inès Sexy, Anissa Beurette. Ces jeunes femmes venaient travailler quatre à six jours avant de retourner chez elles en région parisienne, à Marseille ou à Montpellier. Dans les chambres où étaient reçus les clients, les tablettes Milka et les briques de Candy Up se mélangeaient aux boîtes de préservatifs et aux sachets de lingettes. Eux se prénomment Jean-Pierre, Johnny, Fabrice, Jérôme, François-Xavier. Le plus jeune a 28 ans et le plus âgé 58. Ils vivent dans des petites communes de Loire-Atlantique pour la plupart. L’un est conducteur de train à la SNCF, un second commercial, un troisième ouvrier dans le bâtiment, un autre « petit paysan. » Entre les mois d’août et de novembre 2021, le temps d’une passe ou à plusieurs reprises, ces deux mondes se sont retrouvés dans l’intimité de trois locations Airbnb, une maison et deux appartements situés à Saint-Herblain, commune limitrophe à l’Est de Nantes. À une exception près, « j’étais trop stressé je suis reparti au bout de quinze minutes d’échanges verbaux » dira-t-il, ces hommes convoqués les 16 et 17 novembre dernier au commissariat central de Nantes ont reconnu avoir payé pour du sexe, entre 80 et 150 euros selon le type de prestation. Pour le client le plus accroc, qui pouvait voir trois filles par semaine, cette audition arrivait à point nommée. « Concernant mon addiction, je suis suivi pour cela, je vais voir un psychologue et mon médecin traitant est au courant » a-t-il confessé aux policiers de la Sûreté départementale en charge de l’enquête. Même son de cloche pour le commercial : « J’ai des problèmes de couple avec ma femme depuis 2018, elle a fait un burn-out. Votre convocation est un soulagement pour mettre fin à cette spirale. » « À la journée j’te…
Avec ses photos de femmes dénudées et ses prix démesurés, la devanture de ce salon parisien ne laisse aucun doute sur les prestations qu’il propose. Il en existe des centaines de similaires, rien que dans la capitale et un seul établissement peut rapporter entre 35 000 et 45 000 euros, selon la Police Nationale. Derrière le terme naturiste, les boutiques proposent toute sorte de faveur sexuelle à destination d’un public aisé. Publicité Marina, 32 ans, travaille dans différents salons de massage, tous tenus par le même patron, depuis trois ans. Avec un CDI en tant que masseuse, la jeune femme n’a pas le profil que l’on imagine lorsque l’on pense à une travailleuse du sexe. Avec son contrat stable, elle ne souhaite jamais avoir à travailler ailleurs que dans un lieu clos et “sécurisé” comme un salon de massage. Elle a accepté de raconter son expérience à VICE France. VICE France : Comment en es-tu venue à travailler dans un salon de massage naturiste ? Marina : J’étais hôtesse en intérim depuis mes 17 ans, je bossais principalement dans l’événementiel. J’ai étudié le droit, ça ne me plaisait pas trop, et en deuxième année de licence, j’ai fait une année de césure en pensant reprendre mes études et finalement je ne l’ai jamais fait et j’ai enchaîné les CDD en tant qu’hôtesse. Au bout de dix ans à faire ça, j’avais envie de me tirer une balle, je voulais changer de travail mais je n’avais pas envie de reprendre mes études ou faire une formation. Et je suis tombée sur une annonce sur internet qui indiquait chercher une masseuse naturiste, ça avait l’air assez sérieux et bien payé alors j’ai postulé. Est-ce que tu savais d’avance qu’on allait te demander plus qu’un massage ? Je n’étais pas sûre. J’avais un…
Il est une heure du matin, à quelques mètres de la gare de Lyon, en pleine semaine. Quelques soiffards errent encore et des groupes de jeunes rentrent chez eux, ce quartier animé semble s’éteindre le soir en même temps que les trains. Pourtant, quelques enseignes d’une rue sont encore illuminées, malgré l’heure tardive. Il s’agit de ces fameux faux salons de massage. On passe devant régulièrement sans vraiment y faire attention. Ces petits néons bleutés allumés de jour comme de nuit, ces épais stores qui dissimulent l’intérieur et les noms des massages ne laissent pas de place au doute. « Body body », « naturiste », « quatre mains » ou encore « tantrique » sont proposés tous les jours de vingt-deux heures à deux heures du matin. Avec un confrère masculin, nous décidons de visiter la première boutique encore ouverte. Après discussion, la jeune masseuse habillée en nuisette rouge et noire lui propose rapidement un « massage finition », autrement dit une masturbation. Face à son hésitation, elle perd rapidement patience. Non loin, quelques petits sièges d’attente sont disposés à l’entrée. En dessous de deux d’entre eux, des paires de chaussures. Elles attendent peut-être leur propriétaire. Dans le deuxième établissement encore ouvert, l’hôtesse d’accueil, d’une quarantaine d’années, chuchote de peur d’être entendue. Elle éprouve quelques difficultés avec la langue française et tente d’expliquer à sa manière : « Je touche et vous touchez. C’est très bon. » Lorsque mon confrère mime la pénétration avec les doigts, elle hoche la tête mais montre avec insistance du regard la caméra qui filme la salle d’accueil. « Les prestations consistent le plus souvent en un petit peu de massage et ensuite cela passe rapidement en une masturbation » L’appareil ne sert pas à protéger la masseuse mais au contraire à l’espionner et…
Lorsqu’un hôte Airbnb s’inquiète pour son logement en location, il s’imagine souvent des fêtes bruyantes, des dégâts voire des vols mais rarement son appartement en maison close. Ce genre de cas s’accentue pourtant avec la crise sanitaire. Le marché des locations touristiques au point mort, les activités des travailleurs et travailleuses du sexe dérangées par le couvre-feu et le confinement ont fait le cocktail parfait pour transformer les Airbnb en lieux de passe. Publicité Julien, qui tient à rester anonyme pour ne pas impacter son business sur Airbnb, loue depuis cinq ans plusieurs logements sur la plateforme. Il y a deux mois, il a découvert qu’une cliente qui lui louait régulièrement un de ses appartements parisiens n’était autre qu’une travailleuse du sexe qui l’utilisait pour faire ses affaires. « J’avais baissé mes prix dès le premier confinement pour continuer à toucher un peu d’argent de mes logements et cette femme m’a contacté fin 2020. Elle m’a dit qu’elle venait souvent à Paris pour le travail. Je ne me suis pas méfié » raconte-t-il. Les réservations de la part de la même cliente se succèdent au fil des mois sans problème notable et c’est seulement un appel d’un voisin qui lui met la puce à l’oreille. Ce dernier se plaint de cris et d’allées et venues aussi bien en journée que la nuit. Inquiet, Julien pense tout de suite à la prostitution et décide d’en avoir le coeur net. Il se déplace et reste plusieurs heures dans la rue, caché dans sa voiture, pour observer l’immeuble. « J’ai vu deux hommes différents entrer et repartir, à quelques heures d’intervalle. J’ai trouvé ça louche vu que c’est un petit immeuble de deux étages et que je connais tout le monde. Mais ce n’était pas une preuve suffisante pour aller sonner à la…
Interrogées sur l’hypothétique possibilité de prendre un autre métier, Fatoumata et ses collègues ne se voient pas faire autre chose de leur vie pour le moment. Puis, elles en sont persuadées, un jour, bientôt peut-être, les clients reviendront. « Tant qu’il aura des hommes, il y aura toujours des clients », conclut Colette. Source
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