Dans les quartiers de Bagdad où le temps s’est arrêté
Cet article a été rédigé par Aya Mansour, poète, écrivaine, journaliste et photographe irakienne née et élevée à Bagdad. Il a été préalablement publié sur VICE Arabia. J’adore les vieilles ruelles traditionnelles de Bagdad. Des quartiers comme Al Fadl, Bataween, Kareemat, Qanbr Ali, Shawaka et Sadriya ont conservé leur identité unique, portée par les maisons et boutiques centenaires. En me promenant dans ces quartiers, je suis à la fois nostalgique et triste. Une tristesse qui fait écho au peu de soin apporté à ces rues ayant autrefois façonné Bagdad, avant que la guerre en Irak et les constructions modernes ne modifient le paysage. En tant que journaliste, j’aime beaucoup venir ici. J’écris sur les personnes que je rencontre, des individus dont les voix et les visages ne sont généralement pas représentés dans les médias traditionnels. Mais ce que j’aime par-dessus tout, c’est me promener et prendre des photos. Au cœur de ces quartiers, tout est imprégné de cette simplicité propre aux traditions ancestrales. Les objets artisanaux exposés sur les étals du marché, les voisins qui échangent des kleicha (biscuits traditionnels irakiens aux dattes), ceux qui se réunissent chaque après-midi pour prendre le thé pendant que les enfants jouent au foot dans la rue, les mères qui discutent en arrière-plan. On pourrait croire qu’ici, rien de grave n’est jamais arrivé. En réalité, le fait que ces rues soient encore là aujourd’hui tient du miracle. Au lendemain de l’invasion américaine, les vieux quartiers résidentiels de Bagdad ont été le théâtre de nombreux attentats-suicides et d’attaques à la voiture piégée, notamment entre 2007 et 2008. Des milliers de personnes ont perdu la vie alors qu’elles vaquaient à leurs occupations dans les quartiers de cette ville en proie à de graves troubles. Des civils sont morts alors qu’ils étaient en train de prier à…