Meilleur film, meilleur scénario, meilleur acteur, mais également meilleure photographie et meilleur montage. The Power of the Dog est nommé dans douze catégories. C’est aussi la deuxième fois que la cinéaste néo-zélandaise concourt pour le titre de la meilleure réalisation (la première fois étant pour La leçon de piano en 1968). Une première pour une femme dans l’histoire de la prestigieuse cérémonie.
Deux semaines plus tôt, son western a été sacré aux Bafta Awards, à Londres. Avant ça, c’était au mois de mars, aussi, aux Directors Guild of America, et, en janvier dernier, aux Golden Globes. En juillet 2021, c’est le Lion d’argent qu’elle a décroché à la Mostra de Venise. Jane Campion est-elle sur le point de remporter son Grand Chelem? Les critiques laissent entendre que oui.
Depuis la mise en ligne du film sur Netflix, au mois de décembre, la presse est unanime: The Power of the Dog est un chef d’oeuvre. “Fascinant”, selon Libération, il offre à Benedict Cumberbatch “sans doute son meilleur rôle”. Télérama, lui, le résume en un mot: “magistral”.
Un film “ennuyeux”?
Inspirée d’un roman éponyme de Thomas Savage, son histoire prend pour décor un ranch du Montana au début du XXe siècle, le plus grand de cet État américain. On y suit la vie de leurs propriétaires, deux frères, dont le cours des choses va être bouleversé à l’arrivée de la nouvelle épouse d’un des deux hommes et de son fils, issu d’un précédent mariage.
Furieux de cet emménagement, le beau-frère se met à harceler la nouvelle venue et son enfant, un garçon somme tout plus délicat que les cow-boys sur place, instaurant un climat suffocant et une atmosphère insupportable dans ce lieu perdu au milieu des paysages déserts.
Comme en France, le drame anti-masculinité toxique a fait son petit effet à l’étranger. Pour le Washington Post, la cinéaste nous prouve une fois de plus “sa capacité à mettre en lumière des vérités dissimulées et à nous faire voir ce qui se cachait sous notre nez depuis le début”. S’il est l’un des films les plus réussis de la réalisatrice, selon l’un des critiques ciné du Guardian, The Power of the Dog renouvelle le genre du western avec brio, au gré d’une histoire libératrice, d’après le New York Times.
Au HuffPost, les avis sont plus mitigés. Malgré ses paysages et sa photographie magnifiques, son jeu d’acteurs brillant (Kirsten Dunst est elle aussi nommée aux Oscars), son discours important (bien qu’on ne peut plus calibré), le film n’est pas très surprenant. La balade à cheval est longue et lente, vraiment très lente. Un point de vue partagé par de nombreux spectateurs.
“Je suis au regret de vous informer que ‘The Power of the Dog’ est nul, ennuyeux, lent et n’a aucune intrigue.”
“Voici comment les gens ont pitché ‘The Power of the Dog’: ‘On veut faire quelque chose de légèrement gay, mais incroyablement ennuyeux.’”
Laisser sur sa faim
Certains s’interrogent sur la fin, qu’ils n’ont d’ailleurs pas comprise. C’est ce qui a poussé bien des sites, comme Allociné, le New York Times, Pop Sugar et d’autres, à donner leur propre explication. D’autres pointent du doigt le caractère intello du film. “Ennuyeux, abrutissant, prétentieux. Vous savez, le film typique qui gagne des prix”, écrit un commentateur sur le site Rotten Tomatoes, équivalent américain de SensCritique.
Chouchou des critiques ciné, The Power of the Dog n’a visiblement pas trouvé les faveurs universelles du public. Le contraste interroge. Le film mérite-t-il vraiment autant d’honneurs?
D’après le journaliste du Times Jonathan Dean, la disponibilité du long-métrage sur Netflix lui a permis d’être regardé par un public qui ne se serait pas rendu spontanément au cinéma pour le voir. Selon lui, ce n’est pas un film dit “grand public”. “C’est pourquoi les gens le trouvent ennuyeux”, écrit-il sur Twitter.
Faut-il les yeux d’un critique ciné pour apprécier The Power of the Dog? Cela nécessite en tout cas de connaître un brin sa réalisatrice. Jane Campion est une cinéaste acclamée. César du meilleur film étranger, Oscar du meilleur scénario, Grand Prix du jury à Venise… Des distinctions, elle en a eues. L’une d’entre elles a marqué l’histoire du cinéma: c’est la Palme d’or. La réalisatrice de 67 ans l’a reçue en 1993 pour son adaptation du roman de Jane Mander, La Leçon de piano.
L’art de la suggestion
Elle a, depuis longtemps, été reconnue pour son regard féministe et ses personnages féminins complexes. À la tête du jury du Festival de Cannes en 2014, la cinéaste avait, dès la première conférence de presse, donné le ton de sa présidence. “Sur 1800 films soumis au jury, seulement 7% ont été réalisés par des femmes”, a-t-elle dénoncé, avant d’ajouter dans une interview accordée au Guardian que “les hommes ont trop souvent tendance à se faire confiance entre eux”. D’après elle, “il y aurait beaucoup plus d’histoires dans le monde si les femmes faisaient davantage de films”.
Ces mots d’hier font aujourd’hui écho aux revendications qui ont suivi le mouvement #MeToo, celles notamment d’une remise en question du haut patronage des hommes dans tous les domaines.
KIRSTY GRIFFIN/NETFLIX
Jane Campion n’assène pas de vérités. Ses films chutent souvent sur une fin suspendue, comme dans Portrait d’une femme ou The Power of the Dog. Pour beaucoup, elle maîtrise l’art de la suggestion. Au plus grand plaisir de certains. Au grand dam des autres.
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