Putain, plus je regarde autour de moi et plus j’ai l’impression que la société dans laquelle on vit veut nous faire croire qu’on a tou·tes cette chance d’être reconnu·es à notre juste valeur ; qu’on vit dans un monde de bisounours où des slogans marketing du style « Venez comme vous êtes », « United Colors », ou encore « Oui, ma petite-fille est trans » seraient des marqueurs d’égalité, garantissant une certaine hétérogénéité équilibrée dans les rapports sociaux. Sauf que tout ça, c’est du bullshit. Beaucoup d’entre nous restent, aux yeux de la masse, ces personnes qu’on ne cherche pas franchement à comprendre ni à inclure. 

Juliette (26 ans) est non-voyante depuis qu’elle a 18 ans. Elle a un diplôme de kiné, a travaillé à Paris, Nancy puis Lyon, toujours en s’adaptant comme tout le monde. On s’est rencontré·es à Anvers, à une soirée chez des potes. J’avais déjà bu quelques (beaucoup) de Cara Pils et j’entamais mon deuxième pétard quand je décide de m’asseoir à côté d’elle pour discuter. On passe quelques minutes à parler de tout et de rien quand je lui montre une des fameuses vidéos des clashs de gitans en France. Je ne sentais aucun retour de sa part quand, au milieu d’une de ces vidéos, une pote m’interpelle en me disant « Mais t’es con, elle est aveugle ». Moi, assez distrait et juste déçu de ne pas pouvoir partager ça, j’avais lâché un simple : « Ah mince, bon… dommage. Du coup, laisse tomber. » 

Quand on en a reparlé quelques années plus tard, elle m’a confié que c’était l’une des plus belles attitudes qu’elle avait vécues : c’était une réaction spontanée et, dans une certaine mesure, banalisante. Donc normalisante. Puis on s’est dit que c’était important de debunker ensemble toutes les préconceptions et les questions que l’on n’ose pas poser aux personnes aveugles, afin d’éviter quelconque gêne mal placée et déstabilisante. Voici donc les questions que vous n’avez jamais osé poser à une personne aveugle.

VICE : Tout d’abord, est-ce qu’il y a un terme qu’il faut plus utiliser qu’un autre, entre aveugle ou malvoyant ?
Juliette :
Ce qui est assez compliqué, c’est qu’il y a malvoyant et non-voyant. Non-voyant c’est simple : tu vois pas du tout les ombres ou les perceptions lumineuses, ou alors à très faible intensité. Le plus compliqué avec la malvoyance, ce sont les degrés très différents qui existent dans cette appellation. Beaucoup de pathologies entraînent des conséquences différentes. Tu vas avoir des gens qui ne voient pas au centre, d’autres sur les côtés, certain·es auront du mal à distinguer les couleurs, les reliefs, d’autres auront une vision très floue mais sans perte de champ visuel. Je dirais que le prisme de malvoyance dépend de chaque individu.

De ton côté, c’est arrivé petit à petit ?
Quand j’avais 7 ans, ma mère s’est rendu compte que je réagissais différemment quand elle me tendait le goûter sur la gauche. Je mettais plus de temps à comprendre ce qu’il se passait. J’ai fait une série de tests dans plusieurs hôpitaux. C’est un peu le système de l’entonnoir : tu vas du plus commun diagnostic à la maladie la plus orpheline. Finalement, les médecins se sont rendu compte que je ne voyais plus de l’œil gauche et que j’avais la vision de l’œil droit réduite, c’est-à-dire pas de vision périphérique. Diagnostic : j’avais une rétinite pigmentaire. C’est une maladie qui réduit ta vision périphérique et tu vois comme dans un tube, jusqu’à ce que tout s’éteigne. Ces maladies se déclenchent généralement tard, vers 30-40 ans. Je n’ai plus vraiment de souvenirs de ma vie où ça n’existait pas.

Et tu te souviens du moment où tout s’est éteint ?
Très bien, c’était à mes 18 ans. Ce qui est ultra pervers dans ce genre de pathologie, c’est que t’as pas un jour clé où tu te retrouves dans le noir. Tu vas te rendre compte que tu ne revois plus les choses que tu voyais il y a un mois par exemple, tu te cognes sur plus de choses. Le tableau clinique que j’avais ne ressemblait pas forcément à une rétinite pigmentaire classique. Normalement, t’as les deux yeux qui s’éteignent à peu près en même temps

« Quand on était plus jeunes et que Roméo Elvis faisait le buzz, j’étais persuadée qu’il était noir. »

Aujourd’hui, quand tu fais des rencontres, t’arrives à t’imaginer qui t’as en face de toi ?
Le fait de ne plus voir fait que t’es pas concentrée sur les mêmes sens. Il y a beaucoup de choses qui se dégagent de la personnalité ou même dans la manière qu’on a de se mouvoir. En fait, on dégage quelque chose que nous-même on ne perçoit pas. C’est facile de dire si quelqu’un est bien dans ses baskets. Je pourrais pas te dire comment j’imagine les gens mais j’ai toujours une image qui se fait dans ma tête ; j’imagine toujours un visage et ce qui est marrant, c’est que souvent ça tombe juste. Quand j’étais en formation pour devenir kiné, je jouais à deviner à quoi ressemblaient les visages des gens autour de moi et j’avais presque toujours juste. Tellement qu’un jour, pour rigoler, une amie m’a dit, en parlant de ma non-voyance : « Tu fais ça pour les allocs, c’est pas possible. » J’aimais beaucoup la photo, et quand j’ai compris que j’allais perdre la vue, je me suis dit qu’il fallait que je regarde un maximum de choses ; il fallait que je remplisse ma bibliothèque visuelle pour recréer des visages dans ma tête.

Il reste quand même des trucs difficilement repérables comme l’origine des gens ou leur couleur de peau. Me dis pas que t’arrives à déceler ça aussi ?
Des fois oui et des fois non, ça peut être très bizarre. Quand on était plus jeunes et que Roméo Elvis faisait le buzz par exemple, j’étais persuadée qu’il était noir. Il y a des expressions qui vont me mettre la puce à l’oreille ou des façons de parler, mais c’est surtout la personnalité que ça trahit. La voix est un témoignage assez exceptionnel de la personnalité qu’on a. 

Comment est-ce que t’entretiens ta culture dans un monde où presque tout se base sur le visuel ?
J’ai toujours baigné dans la culture, via mes parents. Aujourd’hui, c’est assez difficile pour moi d’entretenir ça ; les gens n’y pensent pas forcément quand ils sortent un film, de le rendre accessible aux personnes non-voyantes. Il y a plein de films que je suis pas allée voir parce qu’il n’y avait pas d’audiodescription. Mentalement c’est fatiguant. Ça commence à bouger de plus en plus et c’est cool mais ça me paraît aberrant que les audiodescriptions soient en option. Quand t’es handicapée, t’es un peu parkée dans la case des handicapé·es. Je peux pas aller à une expo solo. Je suis obligée d’avoir un·e intermédiaire. Et puis, si jamais t’y vas avec quelqu’un, il y a toujours ce côté où t’as pas envie de déranger la personne qui est avec toi. Je veux pas casser ce moment de contemplation et de découverte de l’œuvre à la personne avec qui je suis parce que je lui demande de décrire une scène. Dans les musées, t’as quand même beaucoup d’audioguides, ça c’est cool. Ce qui pourrait être plus adapté c’est d’en avoir qui expliquent l’œuvre sans forcément la décrire.

Est-ce que t’as un·e artiste préféré·e ?
Il y a des artistes qui m’ont chamboulée pour plein de raisons différentes. L’un des derniers bouquins qui m’a marqué, c’est Cent Ans de solitude de Gabriel Garcia Márquez. Il m’a fait réfléchir, il m’a ému. J’aime beaucoup lire, je trouve ça fou le nombre de mots qui existent pour décrire une émotion. Plus on a la chance de pouvoir exprimer le plus justement possible ce que l’on ressent, plus on a de chance d’être compris·e. Y’a un album de jazz qui m’a beaucoup touchée, c’est Black Focus de Yussef Kamaal. Sinon, en arts visuels t’as Francis Bacon. Il y avait une espèce d’énergie spéciale dans ses œuvres. J’ai été à une expo avec ma mère qui me les décrivait et c’était presque comme si elle n’en avait pas besoin tellement l’œuvre dégageait une puissance phénoménale. Comme quelque chose de viscéral. J’ai même eu besoin de temps pour digérer ça tellement c’était puissant. Georgia O’Keeffe m’a aussi fait vibrer, mais de manière plus tendre. Elle décrit les tableaux avec une justesse déconcertante. 

Pour ce qui est de l’expérience du tourisme, comment est-ce que tu découvres une nouvelle ville ?
Ça va dépendre de la personne avec qui je suis. Y’a des gens avec qui j’aime voyager et d’autres, ça a beau être des super potes, ça va être l’enfer. J’ai cette sensibilité qui fait que je vais être touchée par la banalité du quotidien. Il y a plein de petits moments suspendus dans la vie, qu’on peut saisir ou alors qu’on peut totalement manquer. En général, avec mes potes et moi, on essaye de capter des choses qui nous entourent. Quand je suis avec des ami·es qui décrivent uniquement les beaux monuments ou les attractions touristiques, c’est pas ça qui me plaît. Je veux qu’on me parle de la façon dont les gens étendent leur linge à la fenêtre, les gribouillis sur les mûrs, les bizarreries architecturales. Ce qui fait qu’un décor est un décor qui te touche. Un ensemble qui fait que cette vision est propre à cet endroit là.

« C’est comme si je devais prouver en permanence que je suis une adulte. »

Est-ce que t’arrives à suivre niveau réseaux sociaux ?
J’ai Facebook, mais j’y suis pas du tout. Instagram, ça n’a aucun sens pour moi. Au début c’était frustrant parce que quand ça commençait à prendre de la place, je passais à côté de plein de choses, de plein d’infos. Je passais à côté de contenus sympas, j’étais pas à la page. Je suis restée sur Facebook parce que c’est utile quand les gens veulent faire des groupes pour des annifs ou des évènements. Par contre, je suis obligée de scroller je sais pas combien de fois pour avoir l’info que je veux. Mon iPhone est en mode voiceover, du coup il te lit tous les putains de « http// » quand t’as un lien dans une publication. Quand je veux participer à un événement et qu’il y a des liens pour la billetterie ou pour d’autres choses, dans ma tête ça fait : « Arrêtez, je voudrais juste avoir les dates du concert. »

Sur Facebook t’as des photos de profil, tu les as choisies toute seule ?
Elles sont vieilles. En fait, j’en ai pas mal en stock parce que j’ai un bon pote qui est photographe. Un jour, il m’a proposé de faire des photos parce qu’il trouvait que celles que je postais étaient bof. Vu que je fais extrêmement confiance aux jugements de mes potes, je les laisse décider de celles qui passent ou pas. Iels me disent parfois « Sur celle-là t’es mimi, vas-y, let’s go », mais en fait j’en sais rien. Je pense même que l’image qu’il y a de moi sur les réseaux n’est pas du tout la mienne. 

Quand tu pratiques ton métier de kiné, t’as besoin d’avoir quelqu’un avec toi ?
Dans le libéral, t’es payée en fonction de l’acte que tu fais. Il faut d’office une ordonnance. On est payé·es, en gros, en fonction de l’ordonnance, ça correspond à une cotation et la sécu te verse de l’argent par rapport à cette cotation. Il faut coter tes actes. Une fois que t’as rentré l’ordonnance, il faut cocher ce que t’as fait sur un logiciel. Le problème c’est que le logiciel qu’ils ont au cabinet, je peux pas mettre de synthèse vocale dessus. Il y a quand même beaucoup de malvoyant·es et de non-voyant·es en kinésithérapie, c’est connu. Le logiciel n’est pas adapté, c’est un délire. C’est fou qu’on envoie des milliardaires tourner autour de la planète Terre pendant des mois, mais qu’on soit pas foutu d’adapter ces logiciels. Ça devrait être obligatoire que n’importe quelle personne puisse avoir accès à la plupart des outils informatiques. J’aime pas du tout l’idée d’être dépendante de quelqu’un, mais malheureusement je suis obligée de l’être. C’est frustrant, t’as un sentiment d’oubli, t’as l’impression d’être invisibilisée parce que les gens n’y pensent pas.

Tu dirais que t’as une sensibilité particulière en tant que kiné, du fait d’avoir développé tes autres sens ?
Quand un·e patient·e arrive et que je lui demande s’iel a été prévenu·e que je suis non-voyante, je me retrouve avec des cas de discrimination positive, du genre : « Ah mais du coup, vous avez un toucher incroyable ? ». Il y a quelque chose dans leur tête qui fait que mon soin va être meilleur que celui de quelqu’un d’autre parce que je suis non-voyante. Je pense pas que ça change quoi que ce soit, si une personne voyante se concentre sur ce qu’elle fait, elle le fait tout aussi bien. Ce qui est bizarre, c’est que moi quand je touche quelqu’un, que je palpe ou que je cherche un endroit en particulier, j’ai le réflexe de fermer les yeux. Comme si je fermais cette fenêtre là pour me concentrer sur mes mains. Une collègue me disait que depuis qu’elle me connaissait, elle s’était mise à faire la même chose.

Ça c’est ta relation aux autres, mais la relation que t’entretiens avec toi-même aussi est différente. Par exemple, tu fais comment pour choisir tes habits, pour que ça match
Quand je dois acheter de nouvelles fringues, je peux pas le faire seule. J’ai besoin d’ami·es ou de ma famille pour me conseiller. Pour ce qui est de l’habillage c’est différent, j’ai des petits tips. Par exemple, toutes mes fringues noires, j’ai enlevé les étiquettes. Pareil pour les jeans, il y en a qui se ressemblent vachement entre un jean noir et un jean bleu. Du coup, tous mes trucs noirs, j’ai enlevé les étiquettes derrière, comme ça pas de doutes. Après, sur les t-shirts, je sais pas comment dire mais je me souviens de ce que c’est. Si c’est une chemise, je sais que c’est ma chemise à fleurs parce que le tissu va me l’indiquer grâce à sa forme ou ses boutons. Dans ma pile de vêtements, je fais juste un scan rapide, je passe mon doigt sur chaque fringue et je sais ce que j’ai à disposition. Au lieu d’avoir une bibliothèque visuelle, j’ai une bibliothèque tactile. Franchement, fais l’expérience. Quand j’ai un doute sur une association, j’attends d’être avec quelqu’un pour demander si ça match ou pas, en fonction de la réaction je garde en tête si c’était payant ou pas.

« La MD ça me perturbe moins dans mon environnement, dans l’espace que la weed. »

Bon, et niveau drogue t’as l’impression de ressentir les choses différemment ?
Oui, alors j’ai jamais pris des trucs très durs en vrai. Je fume assez régulièrement de la weed. On va dire qu’il a toujours un pochon chez moi quoi et j’ai testé de la MD mais c’est tout.

OK. Du coup, ça te fait quoi comme effet la weed ?
Ça te rend con putain ! La weed, c’est très bizarre parce que j’ai vraiment eu des expériences où je fumais et j’étais très mal. Ça m’a fait arrêter pendant un petit moment parce que je flippais ou je devenais parano, ça me mettait pas dans un bon mood. Là, j’ai trouvé mon rythme et ma variété de weed, un truc qui passe bien. Je me suis réconciliée avec la weed. Quand je bois de l’alcool, je vais être extrêmement extravertie, mais quand je fume ça va me rendre plutôt spectatrice et je vais suranalyser ce que disent les gens. Je dirais que le plus spécial c’est mon rapport à la musique. Les seules fois où je fume seule, c’est quand je me pose face à la platine et j’écoute profondément le son. Ça me fait m’enfouir dans ce monde musical bien plus profondément que quand je suis sobre.

Et avec la MD, t’as ressenti quoi ?
Extrêmement extravertie, mais surtout pas fatiguée. Il était 5 heures du matin mais j’avais l’impression qu’il était 23 heures, que je pouvais ingurgiter des litres et qu’en fait le temps était une espèce de notion totalement vague qui n’avait plus d’importance. La MD ça me perturbe moins dans mon environnement, dans l’espace que la weed

T’es toujours au top niveau maquillage, comment tu fais ?
Je me maquille de moins en moins, c’est pas lié à ma cécité. C’est parce que je tends à être de plus en plus naturelle. Comme je me maquillais déjà quand je voyais, j’ai pas de problème à mettre un trait d’eye liner par exemple. Mais à chaque fois que je me débarbouille le contour des yeux, je passe toujours un coup de coton au cas où. Quand j’ai vraiment un doute parce que j’ai dû faire vite, je demande à la première personne que je connais : « Ça passe ? » Ça m’est même déjà arrivé de demander à un patient.

Et niveau toilettes et hygiène intime, c’est difficile à gérer quand on voit pas ce qui se passe en bas ?
Les règles, ça a été un souci pendant un moment. Pendant longtemps, j’ai eu la pilule, donc je savais exactement quand ça allait arriver et y’avait pas de soucis. Quand j’ai arrêté, c’est devenu le bordel, hormonalement. Je suis plus attentive aux signaux que m’envoie mon corps, je sais qu’une semaine avant, je vais avoir envie de bouffer tout ce qui me passe sous la main. Quand je vais avoir envie de sucre pendant une semaine, c’est que la semaine d’après je vais avoir mes règles. J’ai de la chance, depuis, d’avoir un cycle régulier. J’ai des pics de libido à des moments très précis, du coup je sais que cinq jours après, normalement, je vais avoir mes règles. J’ai appris à faire plus attention à ce que me disait mon corps. Avec la pilule, tu te poses pas de questions. C’est simplement des cycles fictifs. Là, j’ai acheté des culottes de règles et ça change la vie parce que dans le doute, je mets juste un slip particulier. Pour ce qui est des toilettes, quand j’ai un doute, je suis capable de prendre plus de PQ et mettre un peu d’eau dessus et nettoyer comme ça. Ça m’a jamais posé de soucis. J’ai toujours fait ça. Je pense qu’il faut prendre exemple sur d’autres pays comme en Asie ou au Moyen-Orient, où iels ont une petite douchette et des bidets. Tout le monde devrait les utiliser, c’est plus propre.

« J’ai pas besoin qu’on me propose de faire mes lacets, ma vaisselle, j’ai pas besoin qu’on m’ouvre les portes. »

Est-ce qu’il y a des questions que t’en as marre d’entendre par rapport à ta cécité ?
Il y a des trucs qui pouvaient m’agacer parce que c’est toujours les mêmes questions qu’on te pose. Mais avec du recul, je considère que si on ne me les pose pas, personne ne peut savoir. C’est davantage certains comportements qui me saoulent : il y a des gens qui t’infantilisent, qui veulent bien faire dans le fond, mais c’est comme si je devais prouver en permanence que je suis une adulte. Je sais où sont mes limites, je sais ce que je peux faire et pas faire. Je sais le formuler. J’ai pas besoin qu’on me propose de faire mes lacets, ma vaisselle, j’ai pas besoin qu’on m’ouvre les portes. La dernière fois, je buvais un coup avec des potes, on rentrait un peu tard. Comme on avait bu, une amie demande à un pote si je vais pouvoir rentrer chez moi, alors que j’étais juste à côté. Ça m’a énervée, parce qu’outre le fait qu’on doute de mes capacités, j’étais tout d’un coup invisible. Je pense que c’est de la maladresse, c’est pas de la méchanceté. C’est une vraie communication à avoir avec les autres parce qu’en fait, personne mieux que moi ne peut savoir ce dont j’ai besoin. Je crois que la vraie solution c’est déjà de demander aux gens directement. Le souci, c’est qu’à force de vouloir tellement faciliter les choses, les gens ne savent plus rien faire. Comme pour tout le monde, il faut que j’apprenne à vivre avec cet handicap et si tu me laisses pas me foirer et être en échec par rapport à une situation, je pourrai jamais réussir seule.

Y’a d’autres comportements, en société par exemple, qui te saoulent  ?
Moi, ça se voit pas forcément que je vois pas. Ce qui est chiant, c’est quand t’annonces ça, t’as des gens qui vont le prendre cool et d’autres que ça va terroriser. En fait, certain·es vont drastiquement changer leur manière de parler, leur manière d’être avec toi. Ce qui est extrêmement difficile à gérer, c’est le silence que ça crée parfois. Souvent, quand je marche dans la rue, je croise des gens qui discutent, je passe et ils arrêtent de parler, jusqu’à ce que je les dépasse, puis reprennent. C’est un peu cette impression horrible d’être toujours un ovni. Même si je ne les vois pas, le poids des regards, tu le sens et il y a des fois où t’as juste envie d’exploser. Ça te renvoie en permanence l’image de quelqu’un de différent. Beaucoup de gens vivent ça, à plein d’échelles, mais c’est vrai que le silence que ça crée est dur. Il est froid. Tu sens qu’en fait ça induit une distance qui n’existe pas.

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