La loi “sécurité globale” a été votée à l’Assemblée nationale, la même semaine où un déferlement de violence policière gratuite s’abattait sur les exilés de la place de la République et sur le producteur Michel Zecler sous les caméras des passants. L’article 24 cristallise la colère et nous couvre de honte à l’étranger: pour le Financial Times, Macron “protège la police de ses propres excès”, à Bruxelles, Le Soir évoque une “affaire Georges Floyd à la française”, pour le Frankfurter Rundschau, “Emmanuel Macron gouverne la France de façon plus autoritaire que Donald Trump les États-Unis”.
Si le gouvernement a cédé à la pression populaire en proposant la réécriture de cet article, c’est bien l’intégralité de la loi qui acte une dérive dangereuse, liberticide et anti-démocratique du régime macroniste.
La doctrine de maintien de l’ordre combine militarisation et pratiques poussant à aller au contact des personnes.
Le signal politique envoyé est dangereux: si même le pays des droits de l’Homme réprime comme il le fait, alors pourquoi les autres s’en empêcheraient?
À Hong Kong, la loi anti-masque qui interdit à la population de dissimuler son visage est directement inspirée de notre loi anti-manifestants votée en avril 2019. Les véhicules anti-émeutes avec lanceurs d’eau sont “Made in France”, et des journaux locaux ont indiqué que des officiers français s’étaient rendus sur place pour former les autorités chinoises à leur utilisation. Françaises, comme les armes soi-disant “non létales” utilisées au Pérou pour réprimer les manifestants en lutte contre la corruption et pour le départ du président par intérim Mérino. Bilan: 3 morts parmi les manifestants.
La semaine de la honte fait dire à un haut cadre de la sécurité: “Ce pays sombre, on se croirait en Hongrie”.
Au Liban, ce sont des grenades lacrymogènes françaises qui ont aveuglé les manifestants contre les dirigeants du pays, une semaine après l’explosion à Beyrouth. Le 12 août, Amnesty International recensait 738 blessés, dont 7 manifestants hospitalisés pour lésion oculaire. Un manifestant avait perdu son œil. “Arrêtez de viser les yeux!”, avaient massivement scandé les Libanais sur les réseaux sociaux, faisant écho à un slogan tristement connu en France.
Au Chili, le sénateur Rodrigo Galilea avait pris la France comme exemple pour justifier le déploiement des forces armées locales pour mater la contestation. Il s’exprimait ainsi au Sénat: “Dans un pays comme la France, les choses ont été résolues de la même manière dont elles doivent être résolues au Chili. Évidemment que le président Macron a dû faire appel à la police et à l’armée”.
Notre pays sert désormais de caution de la répression, avec une doctrine de maintien de l’ordre qui combine militarisation tous azimuts et pratiques poussant à aller au contact des personnes. Cette doctrine conduit à une escalade inédite de la violence et à une défiance continue entre la police et la population. En Europe, la France s’isole et refuse de participer à toute réflexion relative au concept de désescalade. Ainsi, nos pays voisins expérimentent des méthodes de désescalade, là où ce gouvernement réprime tout opposant.
La France s’isole et refuse de participer à toute réflexion relative à la désescalade.
Depuis trois ans, nous avons formulé des propositions à l’Assemblée nationale pour enclencher la désescalade de la violence: une réflexion sur la militarisation de la police à travers l’interdiction des LBD, des grenades GLI-F4, de certaines techniques d’interpellation comme le plaquage ventral, des pistes de réforme de l’IGPN et du défenseur des droits, le renforcement de l’effectivité du contrôle judiciaire, la défense d’un budget renforcé de la police nationale et de la gendarmerie, en particulier sur l’immobilier et le parc automobile, la prise en compte des revendications légitimes des effectifs comme le paiement des heures supplémentaires des policiers.
Le gouvernement d’Emmanuel Macron doit impérativement cesser sa fuite en avant autoritaire. Nous pouvons choisir d’être à la hauteur de notre histoire et du symbole de liberté, d’égalité et de fraternité que nous envoyons au monde.
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