Sur son site internet, l’ONG Reporters sans frontières dévoile ce lundi 21 mars les détails de ce témoignage très dur, qui relate les très longues heures de la captivité de ce fixeur qui a l’habitude de travailler depuis 2013 pour plusieurs médias français comme France 2, BFMTV ou encore RFI.
“Un témoignage glaçant qui confirme l’intensité des crimes de guerre perpétrés par l’armée russe contre les journalistes”, souligne Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Aujourd’hui à l’abri dans une ville ukrainienne, celui qui est qualifié par Reporters sans frontières de “miraculé” se remet encore de ses blessures.
Enlevé le 5 mars dans un village du centre de l’Ukraine, il raconte sous couvert d’anonymat son effroyable calvaire: “fusillade de son véhicule, séances de torture au couteau et à l’électricité, coups de crosse de fusils mitrailleurs sur le visage et sur le corps à plusieurs reprises, simulacre d’exécution, privation de nourriture pendant 48 heures…”, liste notamment l’ONG en introduction.
Capture par l’armée russe
Voulant rejoindre sa famille pour l’évacuer après avoir appris qu’un chemin vers son village était libre d’accès, Nikita (son nom a été modifié) est capturé seul et au volant d’un véhicule identifié par un sigle “presse” par des militaires russes. Ils “se saisissent de lui, le jettent à terre, le fouillent, le frappent. Il crie encore qu’il est un civil. Ils le prennent apparemment pour un militaire en repérage pour guider les tirs de l’artillerie”.
En découvrant sa profession, les Russes commencent alors à le torturer: “la lame d’un couteau effleure son œil, descend le long de sa joue, ils menacent de lui couper le visage […] les coups pleuvent, des coups de crosse de fusils mitrailleurs, sur le visage et sur le corps. Les soldats le jettent dans un fossé, à côté d’un chien mort, et le soumettent à un simulacre d’exécution: un soldat prétend vouloir vérifier que son arme fonctionne, le coup de feu effleure la tête de Nikita”.
Rapatrié ensuite dans un camp russe, il reçoit alors de “violents coups de barre de fer sur les jambes” après avoir été attaché à un arbre et s’être fait voler son alliance. Il raconte que les soldats semblaient agir par jeu.
Chocs électriques et lettre de soutien à l’armée russe
Parmi les traitements subis par Nikita, le récit raconte des séances de tortures d’une rare violence effectuées après le 8 mars: “Un soldat remonte son pantalon, à la jambe droite, jusqu’au genou. Un autre lui assène des chocs électriques. La vue bouchée, le visage collé au sol, Nikita est incapable de décrire avec quel instrument. Mais il raconte trois ou quatre chocs électriques, pendant cinq à dix secondes à chaque fois”.
Il doit également, sur ordre des militaires, ”écrire et signer une lettre où il déclare son soutien à l’armée russe et à l’invasion de l’Ukraine”. Avec trois autres civils, il est ensuite transporté d’une cave de maison à une autre, où il sera rejoint par un autre prisonnier, un ancien haut fonctionnaire ukrainien le 10 mars.
Une libération inespérée
Le 13 mars, le calvaire prend finalement fin après avoir été informé la veille qu’il allait être libéré. “Nikita est relâché dans une forêt après une heure de route. Il pense être exécuté et court”, mais les balles ne sifflent pas.
“Après avoir de nouveau été confronté à des soldats russes sur la route et craint d’être à nouveau enlevé, Nikita parvient à embarquer dans une voiture de civils ukrainiens. Si vous ne le prenez pas, dit un militaire aux civils réticents ‘on l’abat sur-le-champ’”.
Afin de s’assurer de la véracité de son témoignage, Reporters sans frontières explique avoir recueilli son histoire lors de plusieurs séances les 17 et 18 mars.
“Les différentes parties de son récit ont été corroborées par des entretiens avec un membre de sa famille, un de ses anciens codétenus et deux journalistes de Radio France. Un collaborateur de RSF l’a accompagné lors de son examen médical, qui a permis de confirmer les traitements subis, notamment des commotions et des marques sur les jambes, là où les chocs ont été infligés”, détaille ainsi l’ONG qui a décidé de transmettre ce récit au procureur de la Cour pénale internationale.
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