Une vidéo, transmise par la famille du jeune homme à la BBC et publiée le mardi 4 août, montre ses conditions de détention, sans que l’on ne sache à aucun moment de quoi il est exactement accusé. Au lieu d’un studio fastueux, la toile de fond consiste ici en une pièce nue aux murs sales, avec de l’acier posé sur les fenêtres. Et à la place de prendre la pose, Merdan Ghappar s’assied en silence, une expression anxieuse sur le visage.
“Mon corps entier est couvert de poux”
Tenant la caméra de la main droite, il révèle ses vêtements sales, ses chevilles enflées et des menottes fixant son poignet gauche au cadre métallique du lit, le seul meuble apparent de la pièce.
Attn: @AmbLiuXiaoMing: “The list of questions sent by the BBC to the Chinese authorities”—whether Merdan Ghappar is suspected any crime, why he “was shackled to a bed,” about “torture…
None of the questions was answered.” More for the prosecutor. https://t.co/EIzntfNR2x— Sophie Richardson (@SophieHRW) August 4, 2020
“J’ai vu de 50 à 60 personnes détenues dans une petite pièce ne dépassant pas 50 mètres carrés, des hommes à droite, des femmes à gauche. Tout le monde portait un soi-disant ‘costume quatre pièces’: une cagoule noire sur la tête, des menottes, des chaînes pour les jambes et une chaîne en fer reliant les poignets aux chaînes.”
“J’ai soulevé ma cagoule et dit au policier que les menottes étaient si serrées qu’elles me blessaient les poignets”, écrit-il dans l’un des messages transmis au groupe de presse anglais. “Il m’a violemment crié dessus en disant: ‘Si vous enlevez à nouveau votre cagoule, je vais vous battre à mort’. Après cela, je n’ai pas osé parlé. Mourir ici est la dernière chose que je veux.”
“Mon corps entier est couvert de poux. Chaque jour, je les attrape et je les enlève de mon corps. Ça me démange tellement”, écrit-il encore, racontant aussi qu’“une fois, (il a) entendu un homme crier du matin au soir”.
Des personnes détenues sans chef d’inculpation
Cette vidéo et ces messages fournissent un compte rendu de l’intérieur effrayant du système de détention hautement sécurisé et secret en Chine. Outre les allégations claires de torture et d’abus, le récit de Merdan Ghappar semble apporter la preuve que malgré l’insistance de la Chine à affirmer que la plupart des camps de rééducation aient été fermés, les Ouïghours y sont toujours détenus en grand nombre et sans inculpation.
Les Ouïghours constituent le principal groupe ethnique du Xinjiang, une immense région qui a notamment des frontières communes avec l’Afghanistan et le Pakistan. Régulièrement frappée par des attentats meurtriers, attribués par Pékin à des séparatistes ou des islamistes ouïghours, elle est sous haute surveillance policière.
Devant l’Assemblée nationale, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait jugé mardi 21 juillet “inacceptable” l’internement de membres de la minorité ouïghoure.
Le ministre avait évoqué “des camps d’internement pour les Ouïghours, des détentions massives, des disparitions, du travail forcé, des stérilisations forcées, la destruction du patrimoine culturel ouïghour et en particulier des lieux de culte, la surveillance de la population et plus globalement tout le système répressif mis en place dans cette région”.
La Chine avait dénoncé le lendemain des “mensonges”. “Nous sommes fermement opposés à l’utilisation des questions religieuses à des fins politiques et d’ingérence dans les affaires intérieures de la Chine”, avait déclaré devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin.
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