Ce lundi 6 juin, les syndicats le martèlent d’ailleurs à l’envi. Le SCSI (Syndicat des cadres de la sécurité intérieure) réclame un “grand plan d’action” contre un “fléau” qui toucherait davantage la France que ses voisins, le secrétaire général d’Unité-SGP demande une présomption d’innocence pour les policiers qui en sont victimes, et son homologue chez les commissaires du SICP exige que “les voyous qui veulent envoyer nos collègues dans des cercueils” soient condamnés sévèrement.
Depuis qu’il est ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin a aussi évoqué ce chiffre. Fin 2021, il le répétait pour défendre l’action du gouvernement, comme vous pouvez le voir ci-dessous, après avoir parlé, à l’automne 2020, à la suite de la mort d’un policier tué par un chauffard au Mans, d’un refus toutes les 30 minutes.
Mais d’où vient ce chiffre? Il a fait son apparition en 2019 après la publication du rapport annuel de l’Observatoire national interministériel de la Sécurité routière, comme le rapportent nos confrères de BFMTV dans ce reportage.
Des refus d’obtempérer, mais pas seulement…
Dans le rapport, on peut effectivement lire que 29.485 infractions “faisant obstacle au contrôle des forces de l’ordre” ont été dénombrées en 2019, et quelques dizaines de plus l’année précédente, avec une augmentation remarquable par rapport à l’année de référence précédente, 2014. Si l’on rapporte ce chiffre au nombre de minutes dans une année, on en arrive ainsi à 17,8, soit ce “refus d’obtempérer toutes les 15 à 20 minutes” en France.
Sauf qu’il y a un hic. Si parmi ces infractions faisant obstacle au contrôle des forces de l’ordre, l’Observatoire comptabilise effectivement les refus d’obtempérer, il n’y a pas que cela dans la catégorie statistique. On y retrouve aussi “les délits de fuite, les refus de vérification de l’état alcoolique ou l’utilisation d’appareils perturbateurs d’instruments de police”.
Or, et c’est là ce qui est intéressant, ces infractions sont bien plus larges et courantes qu’un refus d’obtempérer. Selon le Code de la route, ce dernier est défini comme suit: “Le fait, pour tout conducteur, d’omettre d’obtempérer à une sommation de s’arrêter émanant d’un fonctionnaire ou d’un agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité.”
Mais le délit de fuite, lui, peut consister en un simple accrochage avec un rétroviseur dans un parking sans s’arrêter par exemple, puisqu’il suffit, pour l’occupant de n’importe quel véhicule, “sachant qu’il vient de causer ou d’occasionner un accident, de ne pas s’arrêter et de tenter ainsi d’échapper à la responsabilité pénale ou civile qu’il peut avoir encourue”. De quoi nuancer assez largement la récurrence des “refus d’obtempérer” répétée par les représentants des policiers comme les responsables politiques.
Ainsi, au lieu des près de 30.000 infractions dénoncées dans leur globalité, le chiffre retombe à 17.432 pour ce qui concerne les seuls refus d’obtempérer. Soit 12.000 occurrences de moins par an et un fait délictuel toutes les plus de trente minute. Une différence importante: à l’échelle d’une journée, on passe ainsi de 72 “refus d’obtempérer” à 48.
Quoi qu’il en soit, le gouvernement précédent (avec déjà Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur) a déjà pris des mesures visant à sanctionner plus sévèrement les refus d’obtempérer. En mai 2021, sur le plateau de France 2, le Premier ministre Jean Castex avait ainsi annoncé “doubler la peine d’emprisonnement (d’un à deux ans, NDLR) et suspendre automatiquement le permis de conduire” des auteurs de ces refus, ou saisir le véhicule pour les personnes qui conduiraient sans permis ou avec un permis déjà suspendu. Des évolutions visiblement insuffisantes aux yeux des syndicats policiers.
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