Quelques jours plus tard, en Californie, Deets, qui ignorait complètement l’existence de Day, a découvert la vidéo dont elle faisait l’objet grâce à son ex-mari : « Il m’a dit que les gens disaient du mal de moi. Je n’ai pas voulu regarder et je lui ai dit de ne pas y prêter attention. » Deets explique qu’elle a déjà fait l’objet d’accusations similaires dans le passé, notamment de la part du youtubeur italien Ready to Glare, et qu’elle a développé une « peau dure » face aux critiques en ligne.
Mais l’affaire a rapidement dégénéré. Deets a été accusée d’appâter les pédophiles par Kate J. Oseen, une militante anti-pornographie qui se décrit comme une « alliée dans la lutte contre la traite des êtres humains ». « C’est la pire chose dont on puisse être accusé. C’est à l’opposé de ce que je suis et de ce que je cherche », se défend Deets, qui dit n’avoir jamais eu l’intention d’attirer un public porté sur les filles mineures.
Deets partage également des nudes et des histoires érotiques sur OnlyFans, aussi sous le nom de Coconut Kitty. Elle dit que le fait qu’elle ait laissé des photos non retouchées sur son feed est une preuve de sa bonne foi et que @coconutkitty143 doit être compris comme une création fictive, de pure fantaisie.
« Je suis une artiste, explique-t-elle. J’ai peint pendant des années, puis j’en ai eu assez que les gens ne me reconnaissent que comme une travailleuse du sexe. J’ai donc créé un personnage inspiré des anime japonais et des princesses Disney, comme Ariel ou Jasmine. » Tous ces personnages, souligne-t-elle, présentent également une apparence extrêmement jeune, avec des visages enfantins et des corps aux courbes irréelles.
La vidéo TikTok postée par Day a déclenché un grand débat en ligne : le comportement de Deets est-il mauvais, voire immoral ? Selon certains internautes dans les commentaires, « il s’agit d’un contenu dangereux qui va au-delà des fantasmes personnels », tandis que d’autres y voient une promotion de la pédophilie. Mais est-ce vraiment si simple ? Ne sommes-nous pas tous le produit de notre environnement ? S’il y a une limite, où est-elle, et qui décide quand elle a été franchie ? Et s’il existe un marché pour ce type de contenu, ce qui est clairement le cas si l’on en croit les trois millions de followers de Coconut Kitty sur Instagram, qui en est responsable : le créateur ou le consommateur ?
« Je désapprouve le fait de se faire paraître plus jeune, mais je comprends les raisons », explique Catjira, une cosplayeuse active sur OnlyFans. Selon elle, la responsabilité revient aux téléspectateurs masculins : « C’est eux qui le veulent. J’ai commencé à bosser comme camgirl à 22 ans et je faisais plus jeune que mon âge. Puis j’ai commencé à perdre de plus en plus de téléspectateurs parce qu’ils voulaient des modèles plus jeunes. En vieillissant, j’ai cessé de m’intéresser à ce genre de public. »
Mistress Harley, une findomme et dominatrice californienne, affirme que le problème se résume finalement à l’obsession de la société pour la jeunesse. « J’ai d’énormes faux seins et des tatouages. C’est ainsi que j’aime paraître, explique-t-elle. J’aime avoir l’air jeune parce que je comprends le rôle et la valeur de la jeunesse dans notre société. Je pense qu’il faut faire la distinction entre le fantasme et les activités illégales telles que définies par la loi. Le fantasme appartient au travail du sexe, c’est son domaine. Et les professionnels du secteur, à l’instar de tous les autres artistes, ne sont pas responsables de la façon dont leur art est consommé. »
Je demande à Deets – qui refuse de communiquer son âge car elle le considère comme « non pertinent » – si elle ressent la pression de paraître jeune en tant que créatrice de contenu. « J’ai grandi à l’époque de la famille Kardashian et de la pression qu’elle exerce sur les jeunes femmes, dit-elle. Suis-je un produit de cette époque ? Bien sûr. Le contraire serait impossible. »
Pense-t-elle que des pédophiles regardent son contenu ? « Je ne sais pas, répond-elle pensivement. C’est une grosse accusation. Personne n’a jamais semblé me considérer comme une mineure. » Si quelqu’un l’approchait en pensant qu’elle est une enfant, elle le dénoncerait « à 100 % ».
Si Chelsea Ferguson, fondatrice de la plateforme de contenu pour adultes Admire Me VIP, n’a jamais modifié ses photos pour paraître plus jeune, elle comprend ce qui peut pousser certaines à le faire. « Le montage et les filtres sont devenus des éléments essentiels de ma carrière et de mon quotidien, tant les attentes sur les réseaux sociaux sont élevées de nos jours », dit-elle. Et d’ajouter à propos de Deets : « Si elle ne fait de mal à personne et que ses fans apprécient son contenu, pourquoi pas ? Il y a beaucoup de fétichismes et de kinks dans l’espace adulte, et si vous exploitez une niche, vous pouvez gagner plus d’argent. »
L’intensité du mépris déversé sur Deets au cours des dernières semaines suggère toutefois que les gens lui attribuent un niveau de responsabilité personnelle qui va bien au-delà de ce que l’on peut raisonnablement attendre d’un seul être humain pour un problème de société extrêmement vaste et complexe.
« C’est de l’hypocrisie de dénoncer cette femme parce qu’elle est une travailleuse du sexe, alors que personne ne dénonce les millions de femmes qui ont recours aux filtres et à la chirurgie plastique pour paraître plus jeunes dans la vie de tous les jours », estime Mistress Harley. Depuis sa maison en Californie, Deets n’a pas été impressionnée par cet acharnement en ligne. « Cette intimidation de masse et cette chasse aux sorcières sont bien plus nuisibles que tout ce que j’ai pu faire », dit-elle.
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