Aurélien faisait déjà partie de l’aventure, il y a cinq ans. Il sortait du lycée et rejoignait les rangs d’un mouvement politique qui mènerait un jeune ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, en tête des sondages. Il toquait aux portes, s’activait sur les réseaux sociaux et aidait à la préparation de meetings en même temps qu’il préparait les concours des instituts de sciences politiques. Aurélien était en marche. Cinq ans plus tard, jouit-t-il toujours de la même énergie à porter son candidat jusqu’au pouvoir ? Lui demander de nous raconter une journée de militantisme était l’occasion de voir ce qui a pu changer depuis la dernière élection présidentielle.
Aurélien place toujours ses espoirs en Emmanuel Macron et ses marcheurs. Il est convaincu que la gauche et la droite sont des notions dépassées, reliques d’un ancien monde. Lui, jeune électeur, croit en l’Union Européenne, l’innovation et le numérique. Son engagement se poursuit… Mais, plus près des arcanes du pouvoir. Il gère désormais l’agenda stratégique du bureau des Jeunes avec Macron (JAM) et a enfilé le costume de collaborateur auprès de la ministre du Logement. Preuve que le militantisme est aussi un pont vers les cabinets.
Aurélien raconte aussi la fatigue que peut engendrer le militantisme : le risque d’isolement et la perte de prise avec le réel. S’il est toujours engagé dans le mouvement En Marche, il a pris du recul par rapport au terrain. Pris par ses activités de collaborateur, il s’active moins. Il faut dire aussi que son poulain a mis du temps à se déclarer candidat et, qu’accessoirement, il est devenu président de la République.
VICE : Tu étais déjà engagé dans la campagne d’Emmanuel Macron, en 2017, qu’est ce qui a changé en cinq ans ?
Aurélien : Nous sommes arrivés au pouvoir. Je suis fier qu’on soit parvenus à renouveler la classe politique. C’est vrai qu’il y a eu des ratés, des députés franchement pas bons. Mais nous avons amené la société civile dans l’hémicycle. D’un point de vue personnel, je ne m’occupe plus tout à fait des mêmes choses au coeur de mon engagement.
Quel bilan tu tires de la présidence du candidat pour qui tu avais voté en 2017 ?
Je soutiens toujours Emmanuel Macron. Cela me plaît qu’il ait associé des écologistes, la droite, la gauche au sein de ses gouvernements. Oui, il y a eu un fort ascendant de la droite dans les ministères régaliens. Mais je vois pleins de mesures sociales qui me plaisent : la PMA pour toutes les femmes ; le congé paternité ; le quoi qu’il en coûte au moment de la crise Covid.
Et tu as toujours envie de le soutenir ?
Si je m’investis, c’est que je pense qu’Emmanuel Macron n’a pas pu faire tout ce qu’il avait promis avec la crise Covid. C’est aussi parce que je ne me retrouve pas dans le reste de la classe politique.
Comment ta rencontre avec les idées d’Emmanuel Macron s’est faite ?
En septembre 2017, je suivais pas mal l’actualité et j’étais intéressé par ce ministre de l’Economie. J’aimais ce qu’il incarnait. Avant, je ne m’étais jamais engagé. J’ai commencé à fréquenter les comités locaux du mouvement. J’appréciais cette volonté de dépasser le clivage gauche-droite. Pas vraiment intéressé par ce que représentait le PS ou LR, je partageais cette volonté de bouger les choses. J’étais aussi sensible au discours selon lequel on pouvait avancer avec l’Union européenne en matière de défense, d’innovation ou de numérique.
« Quand tu mets un pied dedans, ça prend très vite beaucoup de place dans ta vie. Tu crées un nouvel univers autour de toi où les militants prennent rapidement la place de tes amis »
Et tu as très vite adhéré à En Marche…
Oui en allant sur le site. Ensuite, j’ai été invité à une réunion publique dans un bar avec une quinzaine de personnes. Puis, j’ai rejoint les jeunes avec Macron. Je me suis mis à coller des affiches et à faire des choses, comme je le disais, que je fais moins…
Qu’est-ce qui a changé ?
Aujourd’hui, je fais moins de terrain. Je suis chargé de mission sur le logement. Je coordonne un groupe de travail d’une dizaine de personnes. Je m’occupe de centraliser toutes les propositions dessus. Mon rôle est de faire remonter des informations sur les dispositifs existants et proposer des mesures concrètes.
Tu ne fais plus que ça durant la campagne ?
Je suis aussi en charge de l’agenda stratégique des JAM. On s’informe avec la presse, on surveille les réseaux sociaux, les sites des autres candidats. Cela nous permet d’avoir un aperçu de ce qui se passe un peu partout et d’y répondre par des mobilisations. On cherche à rebondir au mieux. Si on sait qu’il y a un salon étudiant, on va y aller. On repère aussi les déplacements des adversaires pour ensuite faire une riposte numérique notamment.
Ça arrive de venir perturber le meeting d’un adversaire ?
Non, pourrir l’évènement adverse nous renvoie une mauvaise publicité. Ça tache notre image. Donc on se concentre sur nous. On essaie plutôt de proposer des rendez-vous parallèles. De proposer des choses qui se confrontent aux propositions d’un autre candidat.
Toi qui a déjà cinq ans d’expérience de militantisme, est-ce que tu en retires aussi des aspects négatifs ?
Quand tu mets un pied dedans, ça prend très vite beaucoup de place dans ta vie. Tu crées un nouvel univers autour de toi où les militants prennent rapidement la place de tes amis. On prend conscience avec les années qu’il n’y a pas que ça. Il ne faut pas s’enfermer dedans. C’est important de garder un équilibre et de sortir un peu de ce réseau militant. Surtout que la plupart de tes amis sont très éloignés de cet univers. Il ne faut pas oublier qu’on est un peu déconnecté par rapport à pleins d‘autres jeunes. La plupart ont une méfiance à l’égard de la politique. En ayant la tête baissée dans ses combats, on peut s’éloigner de la réalité.
« Quand tu es dans un parti de jeunesse qui appartient à la majorité qui gouverne le pays, tu as accès facilement aux députés ou aux ministres. C’est plus simple »
C’est aussi pour ça que tu milites moins ?
Sûrement. Mais c’est surtout lié au fait que j’ai rejoint le ministère du Logement.
Ta trajectoire militante t’a été utile pour entrer dans un cabinet ?
Oui, je le reconnais. Quand tu es dans un parti de jeunesse qui appartient à la majorité qui gouverne le pays, tu as accès facilement aux députés ou aux ministres. C’est plus simple. Ça rassurait le cabinet qui recherchait des gens fiables. Mais sans mon master, je n’aurais pas postulé à ce poste-là par exemple. Le côté militant n’a pas suffi dans les entretiens que j’ai passé.
Tu te vois, du coup, faire une carrière politique ?
Franchement je pense pas. Quand je me suis engagé chez En Marche, je croyais qu’il fallait ouvrir la politique à des Français n’étant pas des pros de la politique. Je me vois mal devenir une figure contre laquelle je me suis battu, il y a cinq ans.
Cet article fait partie d’une série dans laquelle nous avons donné un appareil photo à un(e) militant(e) d’un parti politique pendant la campagne présidentielle de 2022. Retrouvez les autres papiers ici.
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