S’il est question, en se lançant aux côtés d’un candidat à l’élection présidentielle, de défendre une idée de la France, Emmanuel sait parfaitement pour laquelle il milite. Celle d’un pays que ses parents et ses grands-parents lui ont décrit. Le souvenir d’une France avec ses clochers, ses familles nombreuses et une puissance qui alimente ses fantasmes. Il le reconnaît lui-même : il regrette une nation qu’il ne connaîtra pas. Qu’importe d’ailleurs que cette incarnation ait véritablement existé. L’important est ailleurs : s’inspirer du passé pour construire le futur. Pour lui, ne jamais oublier d’où il vient ne signifie pas regarder en arrière mais plutôt arrêter une certaine fuite en avant. Emmanuel déplore l’abaissement du niveau scolaire, s’inquiète de la dégradation de l’Histoire nationale et compare les grandes villes à un coupe-gorge que prédit depuis des années un vendeur de livres à succès qui s’est déclaré candidat, à l’automne : Eric Zemmour.
Il suivait l’éditorialiste à la télévision et dans les journaux depuis longtemps. L’étudiant en troisième année d’école d’ingénierie aimait l’irrévérence de ses prises de position et l’aplomb de son amour pour la France. Il n’a pas mis vraiment longtemps à être convaincu de s’engager quand la rumeur bruissait que l’éditorialiste s’envisageait candidat. Alors, il s’est lancé dans la bataille. Emmanuel décrit avec précision l’offensive numérique de la jeune garde du candidat réactionnaire entamée dès l’été 2021. En pleine pandémie de Covid-19, le militantisme sur les réseaux sociaux a pris une ampleur qui dépasse celle de 2017. Le parcours de l’homme de 23 ans témoigne aussi de la manière dont on peut gravir les échelons dans l’organisation d’une campagne. Désormais référent de la région Île-de-France de la Génération Z, le jeune homme en convient : il coordonne des réunions et des points stratégiques plutôt qu’il ne colle ou tracte. Une campagne, c’est aussi des gars dans des bureaux.
VICE : Salut Emmanuel, à quoi ressemble une journée d’un jeune avec Eric Zemmour ?
Emmanuel : Il y a quelque temps, on a organisé une réunion publique. C’était un lundi. Je peux la raconter. On avait mis plusieurs semaines auparavant pour trouver une salle dans les Hauts-de-Seine. Le gros du travail de cette journée était de préparer la soirée : briefer les intervenants, participer à l’installation de la salle, vérifier la sono, s’assurer que tout le monde soit confortablement assis. Etant en troisième année d’école d’ingénieurs, je devais aussi bosser un peu mes cours durant la journée. Puis, dès que la soirée a débuté, je veillais à ce que la communication autour de l’évènement se passe comme on le souhaitait.
Justement, Génération Z, le mouvement de jeunesse du candidat Eric Zemmour, est particulièrement actif sur le plan de la communication numérique ? Quels rôles jouent les réseaux sociaux dans une campagne ?
On essaye d’être le plus présent possible sur Instagram, Tik Tok, Facebook ou Twitter. On s’active un peu partout pour créer de la viralité. Chacun réseau social touche un public différent. Il faut donc adapter les mesures mises en avant en fonction des réseaux. Si on parle des retraites à des jeunes de 16 ans ça leur parlera moins que si on parle pouvoir d’achat et insertion professionnelle. Dans ce cas, il vaut mieux aller sur Tik Tok, axer nos contenus sur des formats courts et peu idéologisés.
C’est aussi une manière de répondre à une campagne marquée par la pandémie ?
C’est sûr qu’on fait attention. Je veille à ce que sur chaque évènement, chacun porte le masque. Je fais gaffe aux cas contact et au respect du port du masque.
« Le début de tout c’est 2019, le jour où je me suis fait agresser à la fête de la musique à Paris sans raison apparente. Ça m’a fait prendre conscience de l’ampleur de l’insécurité en France et j’ai eu envie de m’engager pour faire bouger les choses »
Tu parles beaucoup de ta fonction de référent. Comment un militant atteint un poste de direction dans une campagne ?
J’ai d’abord collé un peu partout en Île-de-France. Dès qu’on a commencé à grossir, j’ai pris la direction du mouvement dans les Hauts-de-Seine. Puis fin décembre, Stanislas Rigaud, porte-parole, m’a appelé pour me demander de m’occuper de la région. Désormais, je coordonne l’ensemble des départements. Je structure les services ressources humaines, les services communication, les équipes… Je fais aujourd’hui beaucoup moins de militantisme de terrain. Je colle une fois par semaine.
Qu’est ce qui t’a poussé à t’investir autant dans cette campagne ?
Le début de tout c’est 2019, le jour où je me suis fait agresser à la fête de la musique à Paris sans raison apparente. Ça m’a fait prendre conscience de l’ampleur de l’insécurité en France et j’ai eu envie de m’engager pour faire bouger les choses. Eric Zemmour, je le suivais depuis longtemps. J’ai toujours voté pour les Républicains et quand je voyais les candidatures de Valérie Pécresse ou Xavier Bertrand, je ne me reconnaissais pas. J’ai donc décidé de rallier Génération Z, en juin. Il n’était pas encore candidat. Avec nos différentes actions, on s’est tous bougés pour pousser le gars à se présenter. Je voulais faire en sorte de voter pour quelqu’un en qui je crois.
Tu crois en quoi ?
Je me bats pour retrouver une France que m’a décrite mes parents et mes grands-parents. Une France fière. Je ne veux pas avoir à me balader dans la rue en ayant peur. Je pense qu’aucune de nos femmes, de nos soeurs ne rentrent le soir sans avoir à affronter des sifflements, à baisser les yeux ou plus grave encore à être victimes d’agressions. Zemmour fait ce constat depuis trente ans. En ayant conscience de ça et en ne m’engageant pas, je pense que je n’aurais pas pu me regarder dans un miroir.
S’engager auprès d’un candidat qui a été condamné pour haine raciale, est-ce aussi s’exposer à une forme de reniement social ?
Il y a beaucoup de personnes dans ma famille qui ne sont pas d’accord avec moi, mais ils trouvent ça bien que je m’engage pour mes convictions. Les gens qui ne me parlent plus parce que j’ai dit que je votais Zemmour : je n’estime pas que je suis le problème. Ils ne figuraient pas parmi mes meilleurs amis. Ce n’est pas une grande perte.
Merci Emmanuel.
Cet article fait partie d’une série dans laquelle nous avons donné un appareil photo à un(e) militant(e) d’un parti politique pendant la campagne présidentielle de 2022. Retrouvez les autres papiers ici.
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