Pour connaitre leur nombre et la diversité formant ces “prairies marines”, une étude publiée le 1er juin dans la revue Royal Society a testé leur ADN. Plus précisément, les chercheurs sont allés prélever des échantillons de la plante Posidonia australis entre 2012 et 2019 dans 10 herbiers marins différents. Ces derniers sont situés dans les eaux peu profondes et ensoleillées de Shark Bay, sur la côte ouest de l’Australie.
Et le résultat a été pour le moins surprenant: il s’agissait en fait d’une seule plante. Plus exactement, c’est une unique usine végétale qui s’est développée sur 180 km (soit la distance entre Paris et Auxerre), reproduisant et “clonant” à une échelle jamais vue auparavant ces herbes marines.
Un papy plante de 4500ans
Shark bay, auparavant simples dunes de sable, a été immergée il y a environ 8500 ans; le niveau de la mer l’a engloutie à la fin de la période glaciaire. S’il demeure difficile de déterminer l’âge exact de ces herbiers marins, ils auraient approximativement 4500 ans si l’on se fie à sa taille et son taux de croissance.
En se développant, les herbiers marins ont façonné le récif, créant de véritables champs marins. Cela démontre la résilience de ces végétaux, car les eaux de Shark Bay sont baignées d’une forte lumière, de faibles niveaux de nutriments et de grandes fluctuations de températures.
Outre sa taille gigantesque, ce qui rend cette plante unique vient de son nombre de chromosome, deux fois supérieur à celui de ses parents. Les chercheurs nomment ce genre de plante un “polyploïde”. Généralement, un herbier hérite de la moitié du génome de chacun de ses parents, mais ici, elle porte l’ensemble des deux géniteurs. Les pommes de terre ou les bananes font également partie de cette famille, qui réside généralement dans des conditions environnementales extrêmes.
Résistante face au changement climatique
Si d’autres organismes comme les coraux sont très fragiles au réchauffement et à l’acidification des océans, les herbiers marins tiennent mieux le coup. Comment réalisent-ils cette prouesse? Cela est d’autant surprenant que ces plantes, et plus largement les polyploïdes sont souvent stériles. Étrange alors que se reproduire sexuellement est la meilleure option pour s’adapter. En effet, le sexe et la progéniture qui en découle permet de favoriser la diversité génétique, augmentant la capacité à faire face à des environnements changeants.
Mais il n’y a pas que le sexe dans la vie de ces herbiers marins qui se développent d’une seconde manière. Pour croître, ils étendent leurs rhizomes, des tiges souterraines d’où émergent de nouvelles pousses. Autre avantage, les chercheurs pensent que l’herbier de Shark Bay possède des mutations somatiques (modifications génétiques mineures) lui permettant d’être extrêmement bien adapté à son environnement local, malgré sa variabilité.
En effet, les eaux de cette baie peuvent varier entre 17 et 30 degrés en températures, alors que le niveau de salinité peut passer du simple au double. Néanmoins, les chercheurs précisent que des expériences doivent être menés afin de vraiment comprendre comment cette plante réussit cette prouesse. Cela notamment dans le but de la protéger car, s’il est résiste mieux, elle n’est pas immunisé contre le changement climatique.
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