Signe de l’importance de l’événement, l’ensemble de l’état-major vert (y compris Sandrine Rousseau) fait le déplacement. Une après-midi qui se veut festive avec les mini-concerts de Yael Naim ou Arsenik… loin de l’ambiance confidentielle des rendez-vous organisés depuis l’automne à Marseille ou Strasbourg. En résumé, tous les ingrédients sont réunis pour offrir au candidat écolo une démonstration de force… et mettre sa campagne en orbite à deux semaines du premier tour de la présidentielle.
Le temps presse car en réalité, la fusée Jadot n’a pas encore décollé. Elle reste pour l’instant scotchée juste au-dessus de la part fatidique des 5% d’intentions de vote, comme vous pouvez le voir à travers notre compilateur ci-dessous, à des années-lumière des ambitions initiales.
Symbole de ces difficultés? Yannick Jadot, qui pariait, en début de campagne, sur la multiplication de petits rassemblements ici ou là pour “mettre la politique dans la rue” a annulé ses trois derniers événements en plein air -à Bordeaux, Toulouse et Poitiers- avant de rassembler ses troupes ce dimanche à Paris.
Décollage raté
Si son entourage évoque des incompatibilités d’agenda, difficile de ne pas voir, derrière ces changements de dimension, la volonté des écolos d’accélérer le mouvement. Exit les petites prises de paroles devant quelques centaines de personnes- et presque autant de kakémonos diraient les esprits chafouins- pour “mettre en avant les énergies citoyennes”, l’heure est donc au “grand meeting” et à la “parole descendante” que critiquait Delphine Batho, sa porte-parole, en décembre dernier.
Plus globalement, c’est toute la campagne menée à bas bruit par l’eurodéputé qui peine à convaincre. En externe, chez les électeurs, comme en interne, parmi les responsables écolos. Sandrine Rousseau a fait les frais de ses remarques répétées. Le présidente du conseil stratégique du candidat a été virée de l’organigramme au début du mois de mars après une énième salve de critiques dans la presse. En cause, une campagne trop lisse, selon elle.
D’autres préfèrent livrer leur analyse à visage couvert. “J’apprécie Yannick, il sait mettre le bleu de chauffe et mener nos combats”, nous dit un élu écolo, discret sur la scène nationale depuis que son candidat à perdu la primaire EELV, pour mieux atténuer un reproche latent chez les Verts “mais il lui manque ce supplément d’âme, ce truc qui donne envie d’y croire, de s’engager à fond, de passer ses week-ends à tracter.”
“C’est un peu la mort ouais”, acquiesce laconique, une militante des jeunes écologistes, très active lors des campagnes municipales ou régionales, quand on l’interroge sur la tournure des événements. Leur candidat n’imprime pas, selon la formule?
Panne sèche chez les jeunes
Force est de constater, aussi, que Yannick Jadot n’a pas été servi par les événements. Il s’est d’abord retrouvé englué dans des bisbilles internes, avec une victoire plus serrée que prévu face à Sandrine Rousseau, Éric Piolle et consorts. Puis il a du mené une campagne étouffée par la crise sanitaire, les thématiques sécuritaires, les débats autour d’une éventuelle primaire et, désormais la guerre en Ukraine.
“Les questions climatiques et écologiques ne représentent que 3% du temps de débat politique”, se désole par exemple son directeur de campagne Mounir Satouri dans Paris Match. Un élément qui revient souvent dans la bouche de l’entourage du candidat quand on l’interroge sur ses difficultés. “Il n’y a pas de campagne. Les fachos racontent leur truc et le président essaie de faire de l’élection une formalité administrative”, résumait déjà l’ancien patron des Verts, David Cormand, dans les colonnes du Point, fin février.
Mauvaise stratégie ou circonstances désavantageuses, le résultat est là: Yannick Jadot qui pouvait entrevoir les 10% au lendemain de sa désignation est désormais à la moitié. Son projet reste sous les radars, ses propositions ou déclarations n’infusent pas dans le débat public. Plus inquiétant encore, il ne parvient pas à capter le vote des jeunes ou des partisans du mouvement climat après un quinquennat de mobilisation et de prise de conscience en la matière.
Selon un sondage Elabe publié le 22 mars par BFMTV, le chef de file des écologistes (12%) est largement distancé par Jean-Luc Mélenchon (26), Marine Le Pen (21) ou Emmanuel Macron (21) chez les électeurs âgés de 18 à 24 ans. Il serait également derrière le chef de file des Insoumis chez les militants du “mouvement climat” selon l’enquête d’un collectif de chercheurs en sciences sociales.
TotalEnergies comme carburant?
L’enjeu, pour Yannick Jadot, au Zénith de Paris, est donc de passer, enfin, le mur du son. Et montrer que le projet écologiste peut être la “force motrice” sur la scène politique, selon la formule employée à l’envi par Julien Bayou. Et ce, contre le “vote utile” ou “efficace” agité par les cadres LFI en faveur de leur leader.
Le candidat des Verts pourra compter en ce sens sur un projet qui veut répondre à ces temps troublés. “On nous disait que ce que l’on prône -accueillir les réfugiés, sanctionner les banques corrompues ou qui favorisent les énergies fossiles, saisir les biens des oligarques…- était impossible. Or ça vient d’être fait en un claquement de doigts!”, argue le patron des Verts dans Match, avec une note d’optimisme.
C’est aussi ce que montre le bras de fer de son chef de file pour la présidentielle avec TotalEnergies. Yannick Jadot s’est effectivement offert son premier coup d’éclat dans cette campagne -et la visibilité qui va avec- en accusant la firme -toujours présente en Russie- d’être “complice des crimes de guerre perpétrés en Ukraine”.
L’eurodéputé a même organisé une conférence de presse de dernière minute, mercredi, pour taper sur les dirigeants de la multinationale avant de les accuser de vouloir le “faire taire” à travers une action en justice pour diffamation. Une présence politique et médiatique qui lui permet de défendre les grands axes de son projet et de se différencier de Jean-Luc Mélenchon, lequel reste discret sur le dossier. En d’autres termes: prendre la lumière. Il doit désormais en atteindre la vitesse pour rattraper son retard et réaliser le coup des européennes: le jour du vote, il avait réalisé un score 5 points supérieurs aux derniers sondages.