De son arrivée mouvementée et contestée notamment après ses propos injurieux à la convention de la droite, en passant par les clashs en pagaille, l’éditorialiste a fait couler beaucoup d’encre. Et en quelques semaines, l’émission dans laquelle il croise le fer avec un invité a multiplié les records, comme vous pouvez le voir dans notre graphique ci-dessous.
Les passes d’armes parfois houleuses, comme en février dernier avec l’ancien Ministre Jack Lang ont surpassé les scores de Laurence Ferrari qui présentait jusqu’alors le talk “Punchline” entre 18-20h (aujourd’hui proposé de 18h à 19h). En l’espace d’un an, l’audience de la tranche 19-20h sur CNews a presque été multipliée par six.
En réalité, “Face à l’info” a surtout brillé durant l’après-confinement, profitant des élections municipales pour surpasser LCI et BFM TV et ainsi devenir première chaîne info de France entre 19h et 20h. Une place de leader occupée jusqu’en juillet alors que le polémiste avait pourtant quitté l’antenne pour deux mois de congés.
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En seulement un an, “Face à l’info” est devenu un moteur pour la chaîne. Les autres émissions qui précèdent et suivent ce rendez-vous ont connu des hausses significatives d’audience.
“L’heure des Pros 2″ animé pas Pascal Praud de 20h à 21h à presque sextuplé l’audience de sa case, passant de 58.000 téléspectateurs en septembre 2019 à 330.000 téléspectateurs en septembre 2020. Même constat pour la tranche horaire 18-19h occupée par Laurence Ferrari (18-19h), dont l’audience a été multipliée par trois en l’espace de quelques mois, comme vous pouvez le voir ci-dessous.
Pour autant, le “facteur Zemmour” ne peut pas être la seule explication d’une telle envolée des audiences globale de CNews, selon Jean-Marie Charon, sociologue des médias. “En réalité, c’est assez rare qu’une seule émission ait autant d’impact sur les audiences des autres programmes de la grille”, explique-t-il au HuffPost. “Il faut prendre en compte d’autres facteurs comme le réajustement éditorial de CNews. Pour moi, la coloration générale de la chaîne est plus importante que telle ou telle émission dans la grille. C’est cette cohérence générale de ligne qui est perçue par le public et peut le séduire.”
Un réajustement opéré à la rentrée 2019 et qui vise à donner d’avantage de place aux débats plutôt qu’au décryptage et à l’information. Fin juin, le discret directeur général Serge Nedjar assumait publiquement cette décision dans les colonnes du Parisien, soutenant que les débats étaient dorénavant la priorité de la chaîne.
“Il y a une rupture avec CNews qui fait le constat d’une société fragmentée et réagit en construisant un média d’opinion, comme cela peut être le cas dans la presse écrite”, poursuit le sociologue des médias. “Mais en télévision, c’est une première en France.”
Une “Zémmourisation” de la société?
Si les émissions d’Éric Zemmour, Pascal Praud ou Jean-Marc Morandini séduisent c’est parce qu’elles sont le miroir de la société actuelle. Une société où les opinions les plus radicales sont mises en avant, quitte à enflammer encore un peu plus les débats.
“Le format court de Twitter et les débats à la télé n’appellent pas à la nuance”, analyse la philosophe Marylin Maeso dans les colonnes du magazine Elle.” “C’est la prime à la grande gueule. (…) Il y a une ambiance d’urgence, d’immédiateté, défavorable à la pensée. Les personnes qui refusent ça sont considérées comme des lâches qui se planquent alors qu’en fait elles ne souhaitent pas participer à des batailles rangées, binaires, dichotomiques ou l’on ressasse les mêmes arguments simplistes.” En 2014, Jean-Christophe Cambadélis alors premier secrétaire du PS allait dans ce sens et s’inquiétait déjà d’une “Zémmourisation de la société”.
Mi-septembre, l’écrivaine Leïla Slimani avait analysé sur France 5 cette polarisation de la société vers les extrêmes, où la parole mesurée est devenue inaudible. “Dès que vous êtes nuancé ou mesuré on vous dit que vous êtes lisse,” estimait la lauréate du prix Goncourt 2016 dans une vidéo à revoir dessous.
D’un point de vue purement comptable, la stratégie est une réussite, comme le montre le graphique ci-dessous, retraçant l’évolution des audiences globales des quatre chaînes info depuis le mois d’août 2019.
Mais les beau succès d’audience de ces clashs à répétition ne sont pas sans conséquence sur l’opinion. “Les signaux inquiétants que l’on peut observer c’est la propagation de la ‘haine ordinaire’”, explique le sociologue Ronan Chastellier au HuffPost. “C’est ce dépôt d’idées haineuses qui circulent de plus en plus et qui ont pourtant l’air de nous rendre indifférents.”
À la lutte avec Franceinfo et LCI il y a encore quelques mois, CNews peut désormais rêver plus grand en visant pourquoi pas le titre de première chaîne info de France. L’écart avec BFM TV -leader jusqu’ici incontestable- se réduit progressivement. Le mois dernier, 78.000 téléspectateurs séparaient quotidiennement en moyenne les deux chaînes selon les chiffres de Médiamétrie.
“Pour analyser ce qui se passe en France actuellement, il est intéressant de regarder ce qui s’est passé avec la bataille CNN/Fox News aux États-Unis”, souligne Jean-Marie Charon. “L’apparition du modèle Fox News était sur un registre très différent, loin de la ligne de CNN, à la recherche d’objectivité. Et ça a marché. C’est un peu ce qui est en train de se passer avec BFM TV et CNews.”
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