Depuis 2008, plus de la moitié de la population mondiale vit en milieu urbain, une tendance qui se poursuit. De 4 milliards d’habitants dans les villes aujourd’hui, nous devrions être 6 milliards en 2050. Elles sont des espaces d’habitat mais surtout de vie et de création. 80% du PIB mondial émane des villes. Nous savons également qu’elles sont responsables de 70% des émissions des gaz à effet de serre. C’est donc là que se joue l’enjeu de la coexistence de densités fortes, de la création de richesse et de son partage, du développement durable et de l’épanouissement des habitantes et des habitants.
À Paris, nous pensons que la Ville du quart d’heure est une façon de concevoir la ville qui améliore le bien-être des individus tout en répondant aux enjeux climatiques, à la crise sanitaire, sociale et démocratique que nous traversons.
L’idée est simple: elle vise à donner accès à l’ensemble des services et commerces répondant aux besoins essentiels d’une personne (se loger, s’approvisionner, travailler, apprendre, se soigner, s’aérer, se cultiver, faire du sport et s’engager) à proximité de chez soi.
C’est une vision de la ville qui tranche avec l’approche segmentée qui a pu prédominer au 20ème siècle dans laquelle la ville est étalée et divisée en grandes fonctions urbaines reliées par des axes routiers. La Ville du quart d’heure est compacte et mixte et l’ensemble des fonctions essentielles y sont accessibles à pied, en vélo ou en transport en commun. Il n’est pas question de faire table rase du passé, mais bien d’adapter le tissu urbain existant pour appliquer cette idée en tenant compte de l’histoire et de l’identité propre à chaque quartier. Faire la ville du quart d’heure, c’est se demander: comment densifier l’offre de service sans densifier le bâti?
Paris, qui s’est depuis longtemps engagée dans la lutte contre le changement climatique, n’est pas la première ville à développer et à repenser son organisation autour de ce concept, mais Anne Hidalgo a choisi de le placer au cœur de son programme en 2020 et d’en faire une priorité pour transformer la capitale.
Il y a 5 ans, à l’occasion de la COP 21, 1000 maires du monde entier s’étaient réunis autour d’Anne Hidalgo et Michael Bloomberg, alors envoyé spécial de l’ONU sur les villes et le climat, pour affirmer que des solutions existent et que les villes ont le pouvoir d’agir. Pour faire vivre la dynamique engagée il y a cinq ans, Paris souhaite faire de la “ville du quart d’heure” un axe de développement de ses relations internationales.
La pandémie de Covid-19 a imposé des changements dans les habitudes de chacune et chacun. Elle est venue bouleverser notre quotidien, qu’il s’agisse de notre façon de consommer ou de travailler mais aussi de pratiquer nos loisirs. Le télétravail, qui avait encore du mal à se diffuser en France, est devenu la norme, pour une partie des salariés, et ce en l’espace de quelques jours. Le confinement a imposé la proximité, à Paris, mais aussi dans le monde entier. Pouvoir s’approvisionner, se soigner, apprendre, travailler, se cultiver, se divertir, faire du sport, s’engager près de chez soi est devenu une nécessité à l’international pour se prémunir face aux potentielles crises à venir, qu’elles soient sanitaires ou climatiques. Il faut savoir tirer les enseignements de cette expérience que nous avons traversée collectivement; c’est probablement une occasion unique de promouvoir la Ville du quart d’heure dans toutes les villes qui voudraient elles aussi s’engager dans la lutte contre le changement climatique.
Déjà, de Portland à Melbourne en passant par Milan, des élus se sont appropriés ce concept et le développent depuis quelques années ou en réaction au contexte actuel.
Ainsi, Portland a conçu un schéma d’urbanisme garantissant un accès aux services en 20 minutes depuis le domicile à pied ou en vélo, et, il y a deux ans, Melbourne s’est emparée du sujet pour l’adapter à son territoire. Aujourd’hui, Milan propose une stratégie d’adaptation 2020 recentrée sur le quartier et promouvant des mobilités actives dans une ville où la voiture est aussi présente. Barcelone mène quant à elle un processus de réorganisation de son tissu urbain afin de créer des unités, appelées ”îles”, de 400 mètres par 400 mètres, qui deviennent des espaces d’amélioration de la qualité des espaces publics.
Un autre modèle d’organisation urbaine est possible. Contraints, nous l’avons expérimenté au cours des derniers mois et nous avons pu constater la place essentielle jouée par les élus locaux dans l’adaptation des territoires aux enjeux actuels. Il ne s’agit pas de créer des unités dans les villes renfermées sur elles-mêmes et exclusives. Bien au contraire, pour nous, la ville a du sens si elle permet la mixité et la rencontre.
Ce concept est enfin l’occasion de consolider la vie démocratique locale en invitant les habitantes et les habitants à prendre part en commun aux réflexions et décisions liées à l’aménagement de leurs quartiers par le biais de la concertation et de la participation citoyenne.
À l’occasion des cinq ans de l‘Accord de Paris pour le climat, Le Forum Paris Zéro Carbone, organisé par la Ville de Paris et la Tribune les 10 et 11 décembre prochains, entend dresser le bilan des avancées de la lutte contre le dérèglement climatique. De nombreux maires de tous les continents y sont associés afin qu’ils exposent leurs regards, engagements et propositions locales pour relever les enjeux dont nous faisons de plus en plus l’expérience partagée au niveau international. Face à ces enjeux, nous sommes décidés à dresser des perspectives d’avenir et de nouveaux moyens d’action.
Paris compte bien prendre toute sa place et être force de proposition pour rassembler les participants autour de ce concept de la Ville du quart d’heure et ainsi développer une autre façon de concevoir la Ville.
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