ÉCOLE – Le 10 janvier 2015, voici les mots que j’écrivais : «
L’indignation se doit d’être à la hauteur de la barbarie de l’acte commis. La République a été abîmée, ce mercredi 7 janvier 2015. La liberté souillée, la fraternité piétinée. ‘La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme’ comme le proclame la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. C’est effectivement l’encre et non le sang qui doit couler dans une démocratie. Le sentiment d’union nationale aujourd’hui doit se traduire en actes forts afin de résister à la haine qui s’est ainsi exprimée. Nous allons devoir faire preuve collectivement d’une force et d’une résistance à la hauteur de l’enjeu posé, et de ce bien commun qu’incarnent les valeurs portées par notre République. Nous devons relever ce défi avec calme, lucidité et une détermination sans faille. Si la haine engendre la haine, l’amour de l’autre doit constituer un des ferments de la réaction de tous ceux pour qui la liberté des pensées est un des fondements de notre vie en commun ».
J’ai le sentiment aujourd’hui, que la
haine distillée à travers les
réseaux sociaux, à nouveau, a conduit à l’irréparable. Ces derniers sont peut-être des caisses de résonance, des amplificateurs, des canaux facilitateurs,
mais la
haine est là, bien ancrée, tapie dans les angles morts de la
République. Comme
chef d’établissement,
mais aussi comme citoyen, père de
famille, je crois profondément que de
petites lâchetés en
petites lâchetés,
nous avons collectivement cédé face à la montée des obscurantismes venus de toute part.
Etre Charlie en 2015, c’était brandir un stylo pour symboliser la liberté d’écrire, de dire, de caricaturer. C’était dire la liberté d’expression, de conscience, de vivre la différence. Ce geste, je l’ai fait, comme des milliers, des centaines de milliers de concitoyens. Jamais je ne me suis interrogé sur qui était mon voisin, ma voisine de manifestation. Il y avait la gravité et l’espérance mêlées!
Aujourd’hui, l’acte innommable qui a touché d’abord un homme, un citoyen, un enseignant, a meurtri la République, ses valeurs et l’école en premier. La peine de mort a été abolie en 1981, mais aujourd’hui, ici, au pays des Lumières, un homme a décapité la République. Il a guillotiné à la fois la vie d’un homme, enseignant, ainsi que la liberté de transmettre les valeurs pour aider ses élèves à grandir. Les valeurs de la République, des Lumières, de la laïcité, que l’on ait en charge la responsabilité d’un établissement, ne se négocient pas, ne doivent pas se cacher par peur, par la terreur que les intégrismes de toutes obédiences veulent imposer.
Dans mon bureau, les convictions s’affichent
Mon
bureau recèle des convictions. Elles s’affichent. Le refus des haines, d’où qu’elles viennent, ne doit pas se cacher,
mais s’afficher. Le
discours sur le
jeunesse de Jaurès, datant d’avant la
loi de 1905 est un bel exemple. Le respect de la conscience de chacun est consubstantiel de celui des convictions. Il est parfaitement inacceptable de laisser seul un
collègue enseignant face à la souffrance qu’occasionne cette
haine ordinaire qui fait de lui une
femme ou un
homme seul face à la responsabilité immense de transmettre des connaissances et des valeurs. Cet acte gravissime qui
nous touche tous intimement ne peut avoir pour seule porte de sortie la sécurisation par les forces de l’ordre des établissements scolaires. C’est de la
liberté de pensée, de conscience dont il s’agit.
La
police de la pensée elle ne doit jamais avoir le
droit de cité dans nos écoles, nos collèges, nos lycées! Je ne rentrerai pas le 2 novembre prochain dans mon
bureau, ne saluerai ni les
élèves ni les
collègues comme si rien ne s’était passé ce vendredi 16 octobre. Je resterai un inlassable militant de la
liberté de pensée, de conscience, fier d’être au côté de mes
collègues enseignants sans céder un pouce de terrain face à ce qui pourrait les mettre en
insécurité dans ce qui fait le
coeur de leur délicate et noble
mission : faire que le
vivre ensemble ne soit pas mièvre,
mais tonique, dans le respect de ce qu’est l’
école: le creuset de la
République.
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