Charlène FAVIER – France 2020 1h32mn – avec Noée Abita, Jérémie Renier, Marie Denarnaud, Catherine Marchal, Muriel Combeau… Scénario de Charlène Favier et Marie Talon.
Du 26/05/21 au 22/06/21
Elles sont de tous les plans : la poudreuse, les montagnes majestueuses et puis Lyz (Noée Abita, formidable, renversante), avec ses grands yeux candides qui feraient chavirer toutes les certitudes. Elle est à la croisée des chemins, à cet âge où tout peut basculer, où l’on slalome à vue, tiraillé entre les conseils raisonnables des adultes et l’envie de suivre ses rêves sans plus rien écouter.
S’il y a une chose dont Lyz ne doute pas, c’est son envie de skier, de devenir une championne. Toutefois on ne donne pas cher de sa réussite quand on la voit débouler dans cette prestigieuse section sport-étude de Bourg-Saint-Maurice, plus vulnérable, moins aguerrie que ses congénères. À quinze ans, il est temps de comprendre que le partage des chances n’est pas équitable. Leur professeur et entraîneur ne manque pas de le souligner, sans ménagement. Fred (Jérémy Renier profond, complexe) n’est pas du style à mâcher ses mots. Pour le bien des jeunes qu’il entraîne ? Parce qu’il sait que l’univers sportif qui les attend ne sera jamais tendre et qu’il leur faut s’endurcir pour s’y faire une place ? Ou pour d’autres raisons plus personnelles, difficiles confesser ? Il ne fait de cadeau à aucun et surtout pas à Lyz. Lopez par-ci, Lopez par-là, il se garde de l’appeler par son prénom, comme pour marquer la distance, l’existence d’un plafond de glace. Il n’hésite pas à tenir haut et fort des propos humiliants sur cette nouvelle arrivée si réservée, lui attirant quelques railleries bien senties de la part de ses camarades. Ici se joue une lutte perdue d’avance entre classes sociales. Ces ados de 15 ans ne partent pas sur un pied d’égalité, n’abordent pas la vie avec les mêmes armes, les mêmes skis, sans que ce soit surligné. Rien n’est appuyé dans ce film subtil qui laisse la part belle à l’intelligence, à la complexité des personnages. Nul n’est blanc comme neige, nulle âme n’est complètement noire. Sans complaisance, jusqu’au bout, la réalisatrice se gardera d’asséner sa vérité au spectateur, laissant chacun face à la sienne propre, tout comme l’est Lyz à cet instant précis.
On va suivre l’adolescente à la trace, collés à son flanc, jusqu’à sentir son souffle, jusqu’à percevoir la plus intime de ses sensations. Elle aurait bien des raisons de baisser les bras, à force d’entendre qu’elle n’est pas à sa place, qu’elle ne le sera jamais. À force de sentir qu’elle est, pour sa mère, la dernière roue du carrosse, celle qui empêche d’aimer en rond, qui coûte en sacrifices. Pourtant, contre toute attente, Lyz va s’accrocher. Décrocher une première victoire. Ses camarades ne deviendront pas plus tendres pour autant, les moqueries se transformant tout aussi sec en jalousie. Elle passera, dans les gorges chaudes, du statut de nulle à celui de chouchoute de l’entraîneur. Même Justine, sa meilleure copine, déraillera un peu. Description lucide et sans concession de l’adolescence, prise en tenaille entre le désir conformiste de suivre le mouvement et une soif inextinguible de rébellion. Le prix à payer pour monter sur le podium sera de s’oublier, d’oublier le regard des autres. N’être plus que muscles bandés, se limiter à la recherche d’une posture parfaite. Plus rien ne semblera pouvoir atteindre notre jeune héroïne, prête à défier les lois de la gravité, et celles de la prédestination, tendue vers son but ultime, proche de se briser. Tout semble glisser sur Lyz devenue indifférente aux mots gratuits, aux maux qui traversent ses chairs, prête à tout endurer, jusqu’au geste fatidique qui la fera basculer dans une autre réalité…
Les prises de vue filent le tournis tant elles sont belles. Sur nos tempes résonne le tambour d’un cœur, le baiser glaçant du vent qui s’emballe ou celui trop brûlant d’une promiscuité malaisante. Des sensations intenses pour donner à ressentir, nous entraîner loin de nos zones de confort, pour mieux nous amener à réfléchir…Source