Salvatore Garau aurait aussi pu s’en emparer pour évoquer sa dernière œuvre, Io sono (« je suis »), une sculpture invisible que l’artiste sarde de 67 ans est parvenue à vendre pour la modique somme de 15 000 euros lors d’une vente aux enchères organisée le 18 mai dernier par la maison Art Rite à Milan. Au milieu des pièces de Maurizio Cattelan ou de Ian Tweedy, le lot 71 (estimé d’abord entre 6 000 et 9 000 euros) était présenté comme une « sculpture immatérielle à placer en habitation privée dans un espace sans encombrements ». Il est aussi précisé que l’œuvre est « à dimension variable » mais qu’elle fait environ 150 x 150 cm et qu’elle est accompagnée d’un certificat d’authenticité signé par l’artiste.
Dans un entretien accordé au quotidien espagnol AS, Garau s’interroge, « Ne donnons-nous pas une forme à un Dieu que nous n’avons jamais vu ? » et précise sa démarche : « Le vide n’est rien d’autre qu’un espace plein d’énergie. Même s’il n’y a plus rien, selon le principe d’incertitude d’Heisenberg, ce vide a un poids. Il y a donc quelque chose qui peut être transformé en particules. » Il poursuit : « Quand je décide d’exposer une sculpture immatérielle à un endroit, cet espace va concentrer un certain niveau de densité de pensées. À un point précis, cela va créer une sculpture qui, à partir du nom que je lui donne, va prendre des formes variées. »
Ce n’est pas la première fois que Garau s’empare du vide comme matière et qu’il en appelle aux forces de l’esprit. L’artiste, passé par l’Académie des beaux-arts de Florence et surtout connu pour avoir été le batteur du groupe de rock Stormy Six, avait installé en 2011, sur la Piazza della Scala à Milan, un Buddha in contemplazione (Bouddha en contemplation), sculpture invisible dont la présence était simplement délimitée par un marquage au sol. Quelques mois plus tard, il récidivait avec l’aide de l’Institut culturel italien de New York, plaçant une Afrodite piange (Aphrodite pleure) devant le Federal Hall. « Vous ne la voyez pas mais elle existe. Elle est faite d’air et d’esprit », expliquait l’artiste dans une vidéo sur sa statue milanaise. « C’est un travail qui demande que vous activiez le pouvoir de l’imagination, un pouvoir que tout le monde a, même ceux qui pensent ne pas l’avoir. »
À l’heure où l’apparition des NFT, ces jetons cryptographiques non-fongibles liés à la blockchain, interroge sur la numérisation de l’art, la sculpture invisible de Garau est un pied de nez plutôt anecdotique que son auteur pourrait prolonger comme il le confiait en février dernier dans les colonnes de l’Unione Sarda : « Cela fait des années que je pensais aux sculptures invisibles mais j’ai attendu qu’elles soient la métaphore parfaite de l’époque dans laquelle nous vivons pour les exposer. (…) Mon idée est d’en faire sept car c’est un chiffre chargé de symboles et de sens. »
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