Des scientifiques allemands se sont attaqués au problème en appliquant pour la première fois aux chiens un modèle expérimental largement utilisé. L’étude, publiée au début du mois dans la revue Scientific Reports, indique que l’examen de la capacité des chiens à discerner les intentions des humains pourrait aider à déterminer dans quelle mesure ils possèdent une « théorie de l’esprit », c’est-à-dire la capacité de se mettre à la place des autres. Une telle compétence aurait été d’une « immense valeur » dans l’histoire commune des chiens et des humains.
La question de savoir si les animaux ont une théorie de l’esprit est très importante en psychologie comparative, explique Juliane Bräuer, directrice du laboratoire DogStudies à l’Institut Max Planck pour la science de l’histoire humaine et auteure principale de cette étude. « C’est ce que nous faisons : nous comparons les animaux aux humains et nous voyons ce qui est unique. »
Les chercheurs ont utilisé le « paradigme de l’incapacité et de la réticence », un modèle de recherche dans lequel les récompenses sont refusées, soit dans des contextes non intentionnels (incapacité) ou intentionnels (réticence). En d’autres termes, l’étude examine si un animal peut sentir intuitivement si quelque chose est fait accidentellement ou intentionnellement. Ce modèle a déjà été appliqué à des enfants, des chimpanzés, des perroquets gris africains, des capucins, des macaques de Tonkean et des chevaux, mais jamais à des chiens.
Cette version canine comprenait trois scénarios dans lesquels une cloison transparente séparait un chercheur et un chien. Au total, 51 chiens (27 femelles et 24 mâles) de races et d’âges différents ont été testés dans le cadre de cette étude.
Dans le premier scénario, le chercheur faisait mine d’offrir une friandise au chien, avant de s’exclamer « Ha ha ! » et de la laisser à un endroit où le chien pouvait la voir, mais pas l’atteindre. Dans le deuxième scénario, le chercheur tendait une friandise au chien à travers l’ouverture, avant de la faire tomber du mauvais côté en disant « Oups ! » Et enfin, dans un troisième scénario, le chercheur essayait de nourrir le chien, mais n’y arrivait parce que l’ouverture était bloquée. Dans ce cas, le signal verbal était « Oh ! »
L’idée était de voir comment les chiens réagissaient aux différentes raisons pour lesquelles ils étaient dupés. Dans le premier scénario, la récompense semblait être retirée volontairement, mais dans les deux autres cas, elle semblait être retirée par accident. Les résultats ont montré que les chiens se comportaient différemment en fonction du caractère volontaire ou accidentel de l’action du chercheur, bien qu’il puisse y avoir d’autres explications à ce résultat « surprenant », selon l’étude.
La principale constatation est que les chiens dans le scénario non volontaire semblaient attendre plus longtemps avant de se diriger vers l’ouverture dans la cloison pour se rapprocher de la récompense retirée. Les chiens étaient également plus susceptibles de s’asseoir, de se coucher ou de remuer la queue dans ce scénario, peut-être parce qu’ils pensaient recevoir la récompense en retour.
« Ils se disent peut-être : “Je ne reçois pas cette friandise maintenant, mais peut-être que si je fais quelque chose de bien et que je me comporte comme un bon chien, on me la donnera enfin”, explique Bräuer. Ils s’attendent à ce que le chercheur change d’avis. »
Les chiens ont également attendu un peu plus longtemps dans la version « incapable-maladroit » que dans la version « incapable-bloqué », peut-être parce qu’ils ont compris qu’il n’y avait pas de moyen facile d’obtenir la récompense tant que l’espace était bloqué, ce qui les a incités à contourner la cloison.
Bräuer souligne que son étude ne confirme pas que les chiens ont une théorie de l’esprit, ni qu’ils peuvent percevoir les intentions des humains, car il existe d’autres explications possibles à leurs différences de comportement.
« Les futures recherches doivent déterminer si les chiens sont vraiment capables de percevoir les intentions des humains, ou s’il s’agit simplement d’un comportement basé sur des associations apprises, disent les scientifiques de l’étude. Néanmoins, nos résultats fournissent une première preuve importante que les chiens ont au moins une théorie partielle de l’esprit : la capacité de reconnaître l’intention dans l’action. »
L’expérience confirme également ce que tous les propriétaires de chiens savent depuis longtemps : les chiens sont très sensibles au comportement humain. « Ils sont très sensibles, dans le sens où ils peuvent faire la distinction entre trois situations tout à fait similaires, explique Bräuer. Cette sensibilité les rend très spéciaux. »
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