Jessica PALUD – France 2024 1h42mn – avec Anamaria Vartolomei, Matt Dillon, Yvan Attal, Marie Gillain, Celeste Brunquell, Stanislas Mehrar… Scénario de Jessica Palud et Laurette Polmanss, d’après le livre de Vanessa Schneider Elle s’appelait Maria Schneider.
Du 10/07/24 au 16/07/24
Maria, élevée par sa mère, est en quête de reconnaissance et d’amour, ignorée par un père biologique qui a fait sa vie avec d’autres. Il est un comédien de cinéma reconnu (Daniel Gélin) et elle se glisse un jour sur un plateau de tournage pour qu’il la voie enfin… Elle est jolie, son audace et ses dix-neuf printemps la font remarquer trois ans plus tard par un réalisateur italien renommé, en quête de fraîcheur : elle n’a joué que quelques rôles minuscules dans des films français oubliables, ignore tout du métier de comédienne, et sa façon de se mettre à disposition sans réflexion ni calcul est exactement la disponibilité qu’il recherche pour la mettre en face de la maturité d’un Marlon Brando, ici quarantenaire à la dérive…
Cette histoire est celle de Maria Schneider, devenue vedette grâce (?) au Dernier tango à Paris, film de Bernardo Bertolucci qui fit scandale dans les années 1970, déchaînant la fureur des associations familiales, et resté dans les mémoires pour la séquence où Brando utilise le beurre du petit déjeuner pour sodomiser Maria. L’acte était évidemment simulé, mais les larmes de Maria – qui n’avait pas été avertie de la nature réelle de la scène – étaient bien réelles. Bertolucci dira plus tard : « je ne voulais pas que Maria joue la rage et l’humiliation comme une comédienne, mais qu’elle ressente la rage et l’humiliation comme une fille »… La réalité, c’est qu’il la manipula sans aucune considération, avec la complicité de Brando.
Bien des années plus tard, Maria parlera de cette séquence comme d’un viol, longtemps prolongé par les commentaires, articles, débats, réflexions et ricanements salaces, faisant d’elle, durablement, la victime d’un film dont elle n’avait pas perçu la portée symbolique. À un moment charnière, où la société tanguait entre conservatisme et révolution des mœurs, ce huis-clos désespérant de sexe et de violence n’avait pourtant rien de très érotique, évoquant surtout l’impossibilité à communiquer entre humains, plus proche de L’Enfer de Dante que d’un film coquin. Mais le parfum de scandale occultait tout le reste. En Italie, le film fut interdit sous la pression du Vatican, Bertolucci privé de droits civiques et condamné comme Maria et Brando à des peines de prison avec sursis… Bien trop lourd pour une jeunette de dix-neuf ans, perdue dans ce tourbillon médiatique sans que personne ne lui apporte un quelconque soutien. La censure fut levée en 1987 par un juge italien et la sortie de sa vision intégrale ne suscita guère de remous… le temps avait passé, l’odeur de soufre s’était dissipée. Mais Maria continua à en porter les traces. Elle dira plus tard : « c’est un métier très dangereux, un métier que je ne conseillerais à aucune jeune personne de faire. Il faut une force, une santé, une tête bien là. ».
Ce que sera sa vie ensuite, son accoutumance aux drogues pas douces, puis sa sortie de la dépendance, le rôle que jouera dans son évolution l’écoute, le respect et l’amour d’une femme, son retour au cinéma… C’est ce que raconte Jessica Palud, s’appuyant sur le livre écrit par Vanessa Schneider sur la vie de sa cousine, et elle réussit avec Maria un film pudique, subtil et doux, remarquablement interprété (Anamaria Vartolomei est formidable), qui résonne fort en ces périodes de contestation du machisme dans le cinéma.
« Maria m’accusait d’avoir volé sa jeunesse et aujourd’hui seulement, je me demande si ce n’était pas en partie vrai » dira… quarante ans après, Bertolucci. Des regrets bien trop tardifs.