Eva Van Langenhoven (38 ans) a perdu son grand-père, « pépé », à l’âge de 11 ans. Quand il est mort, il a été enterré avec sa femme. Seulement, Eva ignorait qu’il existait une date limite dans les cimetières. Alors, quand ses parents ont reçu une lettre leur demandant de prolonger la concession et qu’ils ont choisi de ne pas le faire, elle a eu un peu de mal à accepter la décision.
« J’ai grandi dans un petit village, me dit-elle. J’ai jamais vraiment eu à me demander qui était telle ou telle personne, alors qu’avec mon grand-père oui. » Quand elle cherchait des éléments de réponse auprès de sa mère, celle-ci lui sortait souvent une réponse du style : « Euh, c’était un colombophile, une personne assez discrète. » C’est tout.
En l’absence de réponses claires et précises sur son histoire, c’est par elle-même qu’Eva a cherché à savoir qui était vraiment son grand-père. Grâce à un statut Facebook via lequel elle espérait trouver quelques contacts, elle s’est rendu compte que beaucoup de gens étaient encore impliqués dans la colombophilie – une discipline pratiquée en Belgique depuis le 19ème siècle plus ou moins. « Je m’attendais à quelques likes, raconte-t-elle, mais j’ai été inondée de messages. »
Appareil photo en poche, elle est allée rendre visite à un premier colombophile, Hubert. « J’étais là, assise à une longue table, dit-elle. On a parlé de pigeons pendant une heure et demie. » Elle a ensuite été autorisée à entrer dans le pigeonnier. « J’ai appris que chez Hubert, même sa femme n’avait pas le droit d’entrer dans le pigeonnier. » C’est comme ça qu’on apprend par exemple à quel point ce monde peut être fermé aux épouses et enfants.
« Y’a aussi beaucoup de règles à respecter, remet Eva. Les pigeons doivent être nourris tous les jours, la cage doit être nettoyée quotidiennement, et puis t’as les courses qui demandent plusieurs mois de préparation. Le veuvage est l’une des techniques de compétition que j’ai apprises. Les pigeons sont raccouplés et, juste avant qu’ils ne s’accouplent, les mâles sont transportés. » Une histoire d’amour tragique qui mène les mâles à rentrer chez eux le plus rapidement possible. « Un jour, j’ai été autorisée à regarder les pigeons revenir. J’ai dû me cacher dans les buissons pour ne pas les déranger. »
Door steeds meer tijd door te brengen met deze mensen en hun passie, begon ze ook een nieuwe connectie te leggen met haar grootvader. “Die Hubert deed mij echt denken aan mijn pépé, onze familie was, net als sommige mensen die in de buurt van een duivenmelker wonen, ook niet zo’n fan van die duiven. Dat is eigenlijk een fulltime hobby, maar die mensen halen daar echt ook hun rust uit.” Haar grootvader bracht veel van zijn tijd door met de duiven, tijd die hij misschien wel met haar had kunnen spenderen. “Toen wij de zondagen naar onze grootouders gingen, wilde ik daar vaak snel terug weg. Als kind ken je die mensen ook niet echt, ik verveelde me er vooral. Er werd gesproken en geroddeld tussen de volwassenen, maar als kind zit je er gewoon bij. Als volwassene kijk je daar zo anders naar.”
En passant du temps avec ces personnes, au plus près de leur passion, la photographe a commencé à établir un nouveau lien avec son grand-père décédé. « Ce Hubert m’a vraiment rappelé mon pépé. Notre famille, comme certaines personnes qui vivent à proximité d’un colombophile, n’était pas très fan de ces pigeons. » Son grand-père passait beaucoup de temps avec les pigeons, un temps qu’il aurait pu passer avec elle. « Quand on rendait visite à nos grands-parents le dimanche, j’avais souvent envie de vite rentrer à la maison. En tant qu’enfant, on ne connaît pas vraiment ces personnes et surtout, on s’ennuie. Les adultes parlent, racontent des ragots ; toi t’es une enfant, tu restes juste assise là. À l’âge adulte, on voit les choses différemment. »
Eva en a déduit – en observant les colombophiles – que son grand-père était une personne loyale et tranquille qui s’occupait de ses animaux avec amour. En prenant ces photos, elle a en quelque sorte reconstitué des moments de vie de son grand-père, quand il était seul avec lui-même et ses pigeons. Les histoires qu’on ne lui a pas racontées, la passion qui n’a pas été transmise, elle a été les chercher à travers le regard d’autres passionnés. « Je peux être fière de lui et j’espère que quelque part, il sait que j’ai fait ça », confie-t-elle. Même si la tombe de ses grands-parents est en train d’être retirée du cimetière, Eva a réussi à créer un nouveau lien avec son grand-père. « Je pense que pépé Rie était un peu solitaire, il préférait souvent la compagnie de ses pigeons aux fêtes de famille. Parfois, je me reconnais en lui. »
Mais les recherches sur sa famille ne s’arrêtent pas à son grand-père. « En fait, je suis à la recherche de mes racines, poursuit-elle. Je travaille sur un projet photo sur plusieurs membres de ma famille et j’espère, un jour, en faire un livre. » Les personnes décédées seront photographiées en noir et blanc, et les vivantes en couleur. Suivront des photos sur la vie de son oncle, chauffeur routier, et sur le lien entre sa grand-mère et l’église. « Souvent, la génération plus âgée n’est pas très loquace sur ses émotions et sur leur rapport aux autres. C’est par la photographie que j’ai découvert qui étaient ces gens-là, pour me faire une idée plus complète de la situation, conclut-elle. J’apprends à mieux les connaître, les comprendre et les apprécier. »
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