Le jour où Thomas a quitté son petit appartement parisien pour s’installer à Lille, le trentenaire a décidé d’offrir une seconde chance aux chiens âgés. Particulièrement reconnaissant de l’amour que lui donnent ses animaux adoptés, Thomas se surnomme même “la maison de retraite pour chiens”.
Entre balades un peu boiteuses, grosses siestes et jeux à gogo, il a bien voulu nous raconter son histoire. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, adopter des vieux chiens n’est pas aussi triste que l’on pense.
VICE : Pourquoi adopter des vieux chiens ?
Thomas : Je ne veux pas faire de l’âge un critère. Il y a déjà cette notion de double peine. Ce sont des chiens abandonnés et tu vas rajouter tes critères physiques pour qu’il soit joli sur Instagram et pas trop vieux. La démarche n’est pas sincère. Je suis peut-être un peu aigri quand je dis ça mais c’est tout simplement punir un chien que d’adopter en fonction de l’âge. Si tu as suffisamment de cœur pour adopter alors fonce et on s’en fiche de son âge. Il te le rendra mille fois.
Les gens qui me disent que mes chiens ont eu de la chance, je leur réponds que c’est moi qui ai eu de la chance. Tu t’en rends compte une fois que tu as l’animal. Adopter, c’est une rencontre. C’est le chien qui te choisit, comme dans la scène d’Harry Potter avec sa baguette. Alors bien sûr, il y a le côté satisfaisant parce qu’on fait un bon geste mais personnellement je le fais d’abord parce que j’aime les chiens et ensuite je sais que, s’ils ne sont pas adoptés, ces chiens sont condamnés à être piqués.
Comment en es-tu venu à adopter ton premier vieux chien ?
C’était en novembre 2009, je venais d’arriver à Lille et je suis allé avec ma partenaire à la LPA (Ligue Protectrice des Animaux). Je n’habitais pas encore avec elle mais vu qu’elle a un chien, on l’a amené pour être sûr qu’ils s’entendent bien. On n’avait pas le droit de rentrer dans le chenil avec son chien alors elle m’a attendu dehors. À l’intérieur, c’est vraiment La ligne verte avec de longs couloirs et des successions de cages et d’animaux tristes. Mais dans les chiens disponibles, il n’y en avait que des gros, ce que je ne recherchais pas vu que j’habitais en appartement. En sortant, j’ai vu que ma compagne promenait une petite chienne à l’adoption. J’ai vu que tout se passait bien et je suis tombée “in love” d’elle. Elle s’appelait Luna et était dans un état pitoyable, elle avait été abandonnée alors qu’elle portait des petits et venait de subir une césarienne. Elle avait encore des pansements et des fils de partout. Elle était vraiment dans un mauvais état. Je me suis dit : c’est elle que je veux.
Et ça s’est bien passé ?
J’ai vécu avec elle pendant trois semaines. Au bout de quelques jours, j’ai vu qu’elle était gravement malade, elle a chopé la maladie de Carré, c’est une maladie assez rare que les chiens peuvent attraper en refuge car facilement transmissible. Sauf que c’est une maladie mortelle qu’on n’avait pas vu dans la région depuis 10 ans. Mon vétérinaire a galéré à faire le diagnostic, on pensait que c’était une toux du chenil au début. Quand j’ai su ce que c’était, j’ai essayé de profiter au maximum du temps qu’il nous restait. Elle est décédée début décembre.
« Si tu es triste, c’est surtout parce que tu as été heureux avec ce chien et qu’il a réussi à t’apporter du bonheur. C’est ça le plus important »
Comment as-tu vécu cette première perte ?
Tout le monde ne réfléchit pas de la même façon quand il sait qu’il va perdre son animal. Une fois que j’ai su qu’elle était plus ou moins condamnée, je ne me disais pas que c’est la fin du monde. Mais c’est sûr que connaître l’imminence du décès de son chien, c’est un truc qu’on a tout le temps dans la tête. Je rentrais tous le midi manger chez moi pour passer du temps avec elle et j’avais toujours l’angoisse de la retrouver morte. Quand elle est partie, j’ai été malheureux mais si tu es triste, c’est surtout parce que tu as été heureux avec ce chien et qu’il a réussi à t’apporter du bonheur. C’est ça le plus important.
Justement, ce n’est pas trop dur d’adopter un animal qui va mourir assez vite ?
Je sais que mon chien va probablement mourir plus rapidement qu’un jeune chien. Les gens n’ont pas envie d’être confrontés au chagrin aussi rapidement, ce que je peux comprendre, mais il y a aussi énormément de bénéfices secondaires dans le fait d’avoir un vieux chien. Il est déjà socialisé et propre à l’intérieur. Les vieilles chiennes que j’ai adoptées étaient très obéissantes, elles étaient tellement attachées à moi que je pouvais facilement me balader avec sans les attacher. Mais il y a tout un travail comportemental à faire parce qu’ils sont très marqués par leur passé, souvent à cause de maltraitances.
« Ils ont ce côté “personne n’a voulu de moi” qui est très marquant »
Et financièrement ?
Forcément, c’est une charge financière inhérente. Je peux me le permettre aujourd’hui. J’ai déjà dû mettre le prix d’une bagnole dans mes chiens jusqu’ici mais c’est un choix. Quand tu adoptes un vieux chien, il y a toute une politique de promotion autour de ça, ça te coûte environ 70 euros, c’est bien moins cher qu’un jeune chien.
Est-ce que tu remarques une différence particulière dans le comportement des vieux chiens ?
Ils ont moins besoin de se dépenser que les plus jeunes. Ce sont déjà des chiens de canapé, ils ont besoin de moins d’espace et n’ont pas besoin de courir 5 kilomètres par jour. Ils ont juste besoin de se sentir aimé. Tous les jours, tu te rends compte qu’ils sont extrêmement reconnaissants envers toi, ils ont ce côté “personne n’a voulu de moi” qui est très marquant.
Tu as attendu combien de temps avant d’adopter à nouveau ? Environ 10 jours, je ne comprends pas l’idée d’attendre. Bien sûr que j’étais triste mais si je peux faire profiter un nouveau chien, je le fais tout en respectant mon ancien animal. J’ai adopté Wendy, un griffon noir de 13 ans.
Et là, comment s’est passée cette deuxième adoption ?
Ce qui m’a frappé avec Wendy, c’est qu’elle est restée en vie le plus longtemps possible pour rester avec moi, ça se voyait. Sur la fin, elle était à moitié aveugle, faisait des crises d’épilepsie, a été opérée plusieurs fois et elle avait toujours ce souci de toujours exprimer sa gratitude. Elle est restée deux ans chez moi avant de mourir et il y avait une telle gratitude de sa part parce qu’elle avait conscience du confort qu’elle venait d’acquérir.
Est-ce que tu comptes encore adopter un troisième vieux chien ?
Je viens d’adopter un nouveau chien qui, cette fois, est un chiot. Ma partenaire a eu beaucoup de mal à vivre le deuil de ma dernière chienne, elle m’a dit qu’elle préférait que je prenne un jeune chien. Elle avait mis de la distance involontairement vis-à-vis d’elle parce qu’elle ne voulait justement pas trop s’attacher. C’est lorsqu’elle est décédée que j’ai réalisé toute la tendresse et l’affection qu’elle avait pu développer pour ce chien. Aujourd’hui, on vit ensemble et je préfère prendre un animal plus jeune pour elle, comme pour moi.
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