Une interview eût été plus respectueuse des Français, qui se posent autant de questions que les journalistes auraient pu relayer. Considérez-vous que votre majorité a contribué à faire entrer le RN à l’Assemblée? Les députés RN sont-ils des députés comme les autres? Et les Insoumis? À quel groupe d’opposition va votre préférence pour la commission des finances? Où en est votre projet de planification écologique? Allez-vous renommer une ministre ou un ministre de l’Écologie vu la crise actuelle? Et de la Santé? Quel est concrètement votre projet pour l’école et pour la santé? Que contiendra le projet de loi Pouvoir d’achat?
Non. Au lieu de ça, le président s’est posé en “commentateur politique”, regrette un spécialiste de la Ve République, très déçu par le fond de l’intervention présidentielle. “La nouvelle assemblée exprime des inquiétudes”, convient Emmanuel Macron, sans préciser comment il entend y répondre. À la sortie de la crise Covid, il assurait aussi que “plus rien ne serait jamais comme avant”. Cette promesse n’a jamais été réalisée.
“La majorité est en effet relative, sa responsabilité est donc de s’élargir en construisant des coalitions ou des majorités texte par texte”, a décrit ce mercredi soir le président, qui semblait relativiser sa défaite avec cette formule: “Il a manqué une trentaine de députés sur 577″, quand il lui en manque plutôt une quarantaine à la sortie des urnes. “Nous devons collectivement apprendre à gouverner et légiférer différemment”, a-t-il appuyé, comme s’il entendait par là se dédouaner des changements de gouvernance qui s’imposent à lui et à son mode de fonctionnement, jusqu’ici très vertical et très éloigné des enjeux parlementaires dont il n’avait pas besoin.
Un président asphyxié qui reprend un peu d’air
Emmanuel Macron, qui vient de recevoir pendant deux jours les forces politiques à l’Élysée, s’en remet donc aux oppositions pour tenter d’avancer et éviter les blocages institutionnels qu’il redoute pour conduire les réformes et le pays. Il en appelle à leur “responsabilité” pour “bâtir des compromis, des enrichissements, des amendements à ciel ouvert, en transparence”. C’est exactement la définition du rôle du parlementaire qu’il semble découvrir ou faire semblant d’inventer.
Enfin, alors que le président de la République s’envole pour Bruxelles pour un sommet européen de deux jours, il prend à témoin les Français et demande aux oppositions de “clarifier” leurs positions pendant ce temps-là. “Il revient aux groupes politiques de dire en toute transparence jusqu’où ils sont prêts à aller. Entrer dans une coalition de gouvernement et d’action? S’engager à voter certains textes? Notre budget? Lesquels?”. Une façon -risquée- de gagner du temps alors qu’il n’a toujours pas proposé un projet de loi depuis sa réélection du 24 avril et que les oppositions ont du mal à se prononcer sur quelque chose qui n’existe pas, tant les grands écarts idéologiques et programmatiques du président, passé de la retraite à 65 ans au premier tour de la présidentielle à la “planification écologique” au second, sont importants.
“Dès mon retour, nous commencerons à bâtir cette méthode de responsabilité nouvelle”, a-t-il promis à la fin de son intervention, laissant deux jours aux groupes politiques pour faire connaître leurs options. Là encore, aucune obligation pour ces derniers de préciser, dès maintenant, sans connaître les contours des projets de loi, leurs positionnements, qui peuvent d’ailleurs évoluer au fil des textes et du quinquennat. Leur seule obligation, parlementaire celle-là, est de déclarer leur groupe à l’Assemblée nationale comme figurant dans l’opposition ou dans la majorité.
Face à cette prise de parole qui aura permis au président asphyxié de reprendre un peu d’air, les oppositions -RN en quête de respectabilité mis à part- faisaient part de toutes leurs incompréhensions et semblaient loin d’accepter la main tendue. Sur BFMTV, la porte-parole du parti présidentiel Prisca Thevenot faisait le SAV du président avec cette formule: “Chaque député pourra voter en conscience”. C’est normalement toujours le cas.
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