Emma et Anaïs ont fondé leur propre agence de wedding planer. Avec presque 30 mariages réalisés cette année, le duo travaille tous les week-ends pour satisfaire leurs clients amoureux. Si la plupart des unions se passent toujours bien, leur vision de l’amour a quelque peu évolué à force d’organiser le jour parfait des autres.
Alors que de nombreux mariages ont été décalés par la crise sanitaire, les wedding planner se retrouvent avec une tonne de travail sur les bras. L’organisateur des cérémonies se décharge les couples de plus de 200 heures de travail nécessaires à la préparation d’un mariage (moyenne donnée par l’INSEE). VICE les a interrogé pour nous raconter leur quotidien qui n’est pas de tout repos.
VICE : Comment en êtes-vous venus à faire ce métier ?
Anaïs : On s’est rencontrées lors de nos études, on a commencé dans le milieu de la mode. On adorait s’organiser des anniversaires, se faire plaisir et trouver le détail qui allait tout changer et on a commencé à se dire qu’on pourrait organiser de beaux moments dans la vie des gens et le mariage s’est imposé à nous. On a proposé à des connaissances d’organiser leur cérémonie parce qu’ils se plaignaient d’être complètement à l’arrache alors qu’il avait 300 invités et c’est comme ça qu’on s’est lancées.
À force de voir des gens se marier, est-ce que ça a changé votre vision de l’amour ?
Emma : Je n’ai jamais été vraiment branchée mariage, mes parents ne sont pas mariés, pour moi il n’y a pas besoin de ça pour s’aimer. Je reste persuadée que c’est une super journée mais je ne suis toujours pas dans la team mariage. C’est plus important pour moi de faire un enfant par exemple. Si je devais me marier, je ne saurais pas quoi faire, j’en ai tellement fait.
Anaïs : Oui forcément, surtout que je me suis mariée l’année dernière. On n’a pas envie de faire la même chose que tout le monde et en tant que wedding planner quand la demande de mon compagnon est arrivée, je me suis dit : putain qu’est ce que je vais avoir envie de faire ? Il y a aussi la déformation professionnelle qui rentre en jeu en me disant que les gens vont m’attendre au tournant. L’organisation a été facile vu que c’est mon métier mais c’était plus dur de trouver le thème. J’ai choisi du minimalisme industriel avec des fleurs très colorées pour égayer un peu tout ça.
« On a eu une mariée qui changeait d’avis en fonction de la météo, un jour ça allait bien et le lendemain elle ne voulait plus se marier »
Est-ce que ça vous est déjà arrivé de vous dire que le couple n’allait pas tenir jusqu’au mariage ?
Emma : Y en a certains on ne sait pas pourquoi ils se marient alors que d’autres sont très amoureux. Il y a aussi les tensions dans l’organisation du mariage, mais ça c’est normal. On est des assistantes de vie et des assistantes sociales. On a eu une mariée qui changeait d’avis en fonction de la météo, un jour ça allait bien et le lendemain elle ne voulait plus se marier et c’est son mari qui m’appelait en me demandant de la tempérer. D’ailleurs, ils ne sont toujours pas mariés et repoussent constamment la date.
C’est quoi la demande la plus improbable qu’on a pu vous faire ? Emma : Certains nous ont demandé d’installer une tente de test covid à leur mariage parce qu’il y avait des invités qui venaient de l’étranger et ils voulaient leur faire faire des tests. Ce n’est pas vraiment de notre ressort on a appelé des laboratoires pour savoir s’ils pouvaient se déplacer, on a fait tout ce qu’on pouvait mais ce n’était pas possible.
Anaïs : Cette année pour leur cérémonie laïque, un couple n’a pas voulu faire quelque chose de classique comme le rituel des rubans ou des bougies, ils trouvaient ça trop cucul. Ils ont décidé de se faire un tatouage commun directement après la cérémonie. Ils ont choisi le chiffre 4 car ils ont deux enfants. C’était très sympa surtout que le tatoueur était le frère de la mariée.
Quel est le pire mariage que vous avez pu faire ?
Anaïs : On n’a encore jamais eu de marié qui ne se présente pas à l’autel ou qui change d’avis heureusement ! Mais une fois, un traiteur n’est pas venu alors que c’était un mariage de 4 jours. C’était un enfer, on a fini par servir nous-mêmes les gens. Le plus important c’est de réussir à s’adapter. Une autre fois aussi, il y a eu une énorme tempête et on a dû sécher l’arche au sèche-cheveux dix minutes avant que la cérémonie commence parce qu’elle était trempée. Personne n’a rien vu et on adore raconter les péripéties le lendemain aux mariés parce qu’ils ne remarquent pas généralement et trouvent ça très drôle.
« On aimerait varier, qu’on nous dise je veux un thème cirque ou gothique ou encore cabinet de curiosités »
Pourquoi tout le monde a les mêmes envies, genre un château à la campagne ?
Anaïs : Ils ne veulent pas tous se marier dans un château mais oui ils ont souvent les mêmes idées. Nos clients ont entre 30 et 35 ans, ils vivent principalement à Paris, sont des CSP + et travaillent beaucoup donc ils n’ont pas forcément le temps de se poser pour organiser le mariage. Ils regardent sur Pinterest et ils veulent la même chose. Même si on est force de proposition, c’est hyper dur de les faire changer d’avis. On aimerait varier, qu’on nous dise je veux un thème cirque ou gothique ou encore cabinet de curiosités.
Emma : C’est la mode, ils ont tous l’impression de faire quelque chose de nouveau parce qu’ils se comparent seulement à leur cousin et au cercle proche. Même quand on est sur un thème très demandé, on essaye toujours de changer un peu mais ils ont vu tels verres et ils les veulent un point c’est tout. Ils n’ont pas fait de mariage la semaine dernière ou plusieurs ce mois-ci comme nous, pour eux c’est tout nouveau. Ils pensent tous avoir l’idée du siècle mais tout le monde veut la même chose.
C’est quoi le genre de mariage qu’on vous demande le plus ? Anaïs : C’est une ambiance bohème avec des couleurs terracotta (orangées, N.D.L.R). Les gens veulent que ce soit classe mais détente. On nous demande beaucoup de fleurs séchées et des bouquets déstructurés.
Est-ce que ce n’est pas un peu répétitif à force ?
Emma : On en a fait 28 cette saison et avec beaucoup de thèmes similaires. Même si les lieux changent, ça reste quand même plus ou moins similaire. Pour la décoration, c’est bien parce qu’on a du stock et on n’a pas besoin d’en racheter puisque les gens veulent la même chose.
Vous avez envie de faire ce métier encore longtemps ?
Emma : Ce n’est pas incroyable pour l’équilibre pro et vie perso. On en fait parfois trois par semaine, on n’a pas pris un seul jour de repos entre mai et octobre. La semaine, on finalise les mariages et le week-end sur le terrain et on est là jusqu’à 1h du matin le dimanche pour désinstaller. C’est dur. On n’en a pas fini un, qu’on a la tête dans l’autre.
Justine est sur Twitter.
VICE France est aussi sur Twitter, Instagram, Facebook et sur Flipboard.
VICE Belgique est sur Instagram et Facebook.