INTERNATIONAL – Contre-attaque médiatique. Le président biélorusse Alexandre Loukachenko, confronté à la plus grande vague de contestation depuis son arrivée au pouvoir en 1994, a appelé dimanche 16 août à défendre l’indépendance du pays devant une foule de soutiens à Minsk pendant que les protestations continuent, comme vous pouvez le découvrir dans la vidéo en tête de cet article.
“Chers amis, je vous ai appelés ici non pas pour que vous me défendiez, mais parce que, pour la première fois en un quart de siècle, vous pouvez défendre votre pays et son indépendance”, a-t-il lancé, sous les ovations, depuis la place de l’Indépendance où étaient réunies plusieurs milliers de personnes, selon un journaliste de l’AFP.
Le président biélorusse, 65 ans, a réagi à la volonté de l’opposition d’organiser une nouvelle élection présidentielle, après celle du 9 août qui l’a donné vainqueur, mais a suscité des accusations de fraudes massives.
“La Biélorussie ne sera pas divisée”
“Si nous faisons ça, nous partirons en vrille et nous n’en reviendrons jamais”, a-t-il prédit, face à la foule agitant le drapeau rouge et vert hérité de la période soviétique. “Les élections ont eu lieu, un score falsifié ne peut être de plus de 80%”, a-t-il affirmé, en référence aux résultats officiels qui l’ont crédité de plus de 80% des voix.
S’exprimant depuis une tribune, entouré de gardes du corps, Alexandre Loukachenko a dénoncé la volonté, selon lui, d’imposer au pays “un gouvernement depuis l’étranger”. Près de lui se tenait son fils cadet, Nikolaï Loukachenko, parfois présenté comme son successeur potentiel.
“Nous n’avons pas d’amis, tous veulent que nous nous mettions à genoux. La Biélorussie ne sera pas divisée comme en 1939. Nous n’oublierons pas”, a affirmé Loukachenko. Il a ensuite quitté la tribune sous les applaudissements.
“Pars!”
Face à lui, une manifestation d’une ampleur historique après une semaine de protestations dans tout le pays. Des dizaines de milliers de personnes étaient réunies dimanche à Minsk pour exiger le départ du président Alexandre Loukachenko, qui a refusé de lâcher le pouvoir une semaine après sa réélection contestée.
“Justice!”, “Pars!”, scandaient les protestataires à l’attention du dirigeant biélorusse. Après avoir marché le long de l’avenue de l’Indépendance, près de 100.000 personnes, selon des journalistes de l’AFP, se sont ensuite réunies autour d’un monument dédié aux victimes de la Seconde guerre mondiale
“Jamais les Biélorusses ne s’étaient unis comme ça. C’est la fête de la Liberté”, résume Iouri Sanko, un prêtre catholique venu rejoindre la foule après une messe. “J’ai attendu 30 ans que le Bélarus devienne libre. On va chasser les bourreaux qui sont au pouvoir”, ajoute un homme de 65 ans, sous couvert d’anonymat.
Portant des fleurs et des ballons, vêtus de blanc, les manifestants étaient réunis au milieu des chants et des klaxons. Certains portaient un gigantesque drapeau blanc et rouge, les couleurs de l’opposition.
Répondant à l’appel de Svetlana Tikhanovskaïa, la principale rivale d’Alexandre Loukachenko à la présidentielle, les Biélorusses ont également manifesté dans les principales villes du pays et dans de plus petites communes. La veille, plusieurs journalistes de la télévision ont démissionné publiquement de leur poste, citant leur désaccord avec les ordres du pouvoir en place.
Manifestations réprimées
Après l’élection de dimanche 9 août, les quatre premières soirées de manifestations avaient été matées par les forces antiémeutes, faisant au moins deux morts et des dizaines de blessés. Des hommages aux protestataires tués ont été organisés ce week-end.
Depuis jeudi, en réaction aux violences, la mobilisation s’est étendue: des chaînes humaines et rassemblements d’opposition ont éclos partout dans le pays, tandis que des ouvriers d’usines emblématiques ont lancé des actions de solidarité.
Ces grandes manifestations se sont déroulées sans arrestations, les autorités biélorusses ayant donné des signes de recul après des protestations occidentales, et annoncé la libération de plus de 2.000 des 6.700 personnes interpellées.
Soutien russe pour Minsk
Sous pression, le président biélorusse a agité samedi 15 août le spectre d’une intervention russe, affirmant que son homologue Vladimir Poutine lui avait assuré, lors d’un entretien téléphonique, son “aide” pour préserver la sécurité du Bélarus.
Dimanche, le Kremlin s’est dit prêt à fournir une assistance militaire, si nécessaire, dans le cadre du traité d’Union liant les deux pays, et de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTCS) composée de six ex-républiques soviétiques.
Des protestataires craignent la possibilité d’une intervention russe. “Si la Russie intervient, ce sera encore pire”, a dit à l’AFP Olga Nesterouk, une manifestante. L’Union européenne a de son côté ordonné des sanctions contre des responsables biélorusses liés aux fraudes électorales et à la répression. Des manifestants libérés ont raconté à l’AFP des conditions de détention atroces. Privés d’eau, passés à tabac ou brûlés avec des cigarettes, ils étaient incarcérés par dizaines dans des cellules prévues pour quatre ou six.
Minsk a reçu le soutien de Moscou, un allié historique, malgré des tensions récurrentes entre les deux pays. Le chef de l’État biélorusse avait notamment accusé la Russie de vouloir faire de son pays un vassal.
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