L’aspect de l’Inanna Studio n’est pas forcément celui auquel on peut s’attendre pour un donjon BDSM premium londonien. Les murs sont d’un doux gris tourterelle, le mobilier d’un rose tendre et la décoration est faite d’or rose et de noir. Il n’y pas de crucifix dégoulinant sur les murs et le latex rouge est caché dans un placard.

Donc quand un flot de femmes et de personnes non binaires commencent à passer la porte, accueillies avec des coupes de champagne et des plateaux de raisins, je me demande si je ne me suis pas malencontreusement retrouvée à un networking classe au lieu d’une soirée fétichiste. Puis, les personnes présentes commencent toutes à se dévêtir et à révéler des ensembles de lingerie désirables et coûteux, faits de dentelle, de cuir et de cotte de mailles. Je me rends alors compte que je suis bien au bon endroit.

One Night a été lancé en 2019 grâce à l’effort conjugué de la photographe fétichiste Miss Gold (moitié du duo de photographes et éditeurs de fanzine The London Vagabond), et Mistress Adreena, une dominatrice et mannequin professionnelle, et propriétaire de l’Inanna Studio. Le coronavirus ayant mis en pause aux événements du lieu après seulement deux séances, le retour du One Night à l’automne dernier a suscité beaucoup d’enthousiasme parmi la communauté de femmes coquines de Londres et au-delà (les participantes venaient aussi d’Irlande, d’Écosse, d’Espagne et des Pays-Bas).

L’idée est de proposer un espace loin du regard masculin pour que les femmes et personnes non binaires puissent célébrer leur corps, tisser de nouveaux liens et, oui, s’amuser si l’envie leur en prend. Les événements sont photographiés par Miss Gold, tandis que son partenaire – le seul homme présent – propose un service de toilettes humaines pour les personnes qui souhaitent y participer. Il y a également de vraies toilettes, au cas où l’on préfère l’option chasse d’eau.

Chaque soirée a un thème de lingerie imposé, et il y a des performances et des danses de strip-teaseuses et d’artistes shibari.

Lorsque je participe à une session en novembre, le thème de la lingerie est l’imprimé animal et les métaux précieux. C’est un joli mélange de talons aiguilles léopards, de ceintures à effet peau de serpent, de dentelle garnie d’or et de tenues cliquetant avec le même pimpant que les bijoux de votre crush de sixième.

Contrairement à d’autres événements fétichistes de plus grande échelle, il n’y a pas d’électro assourdissante ; juste une salle de réception avec un bar pour apprendre à se connaître, une salle de jeux avec des treuils et des bancs de fessées pour discuter et jouer, et du R&B à bas volume en fond.

L’obtention du ticket d’entrée, évidemment, est en soi une aventure. Les entrées ne sont accessibles qu’à une liste de diffusion contrôlée qui compte 2 000 membres. La capacité d’accueil de l’Inanna, toutefois, n’est limitée qu’à 40 personnes. Le dernier événement en date était complet en l’espace de 30 secondes.

Quelques jours après la soirée, Adreena nous invite, Miss Gold et moi-même, à déjeuner chez elle pour parler de One Night. Sa maison est décorée des mêmes roses et gros chics que son studio.

« Je ne pense pas qu’on fera de plus gros événements », dit Miss Gold. « On adorerait faire de plus grosses soirées, mais je ne peux pas concevoir de les faire autre part qu’à l’Inanna ».

Adreena est d’accord : « J’ai l’impression que là où de nombreuses soirées font les mauvais choix, c’est quand elles s’étendent. Il y a de super boîtes, mais ce n’est pas pareil qu’une play party. Je pense que la clé d’une play party, c’est le côté intimiste. Dès que ça devient trop important, ce n’est plus intimiste. On a évoqué l’idée de faire quelque chose de plus important, peut-être une fois par an en tant qu’événement spécial, mais pas de manière régulière ».

Cette philosophie, ajoute Miss Dold, est la raison pour laquelle le nombre de participantes est limité. « En ce moment, c’est aussi quelque chose de spécial pour les personnes qui obtiennent leur entrée. Je pense que notre philosophie, en tant que telle, est plus importante que la taille de la chose ».

Alors que la soif de rapports intimes post-confinement a atteint des sommets, certains événements fétichistes comme Klub Verboten et Crossbreed ont étendu leur activité, passant du statut de rave underground marginale à celui d’importante soirée en club bien établie et à guichets fermés. Elles soutiennent toutes les deux ces soirées (Miss Gold est aussi photographe officielle du KV), mais sont partagées quant à l’éventualité d’étendre leur propre event.

« D’une certaine façon, c’est génial », dit Adreena. « C’est super qu’il y ait cette énorme communauté, et que tant de gens s’acceptent pour qu’il puisse y avoir ces gros événements. Mais parfois, une fois devenus trop importants, ils peuvent perdre les éléments que j’appréciais avant ».

Et, comme le souligne Miss Gold, beaucoup plus de choses peuvent mal tourner.

« Une partie de moi est méfiante de l’aspect touriste du kink que peut avoir un événement plus important. C’est beaucoup de stress. Il faut que chacun des membres du staff, chaque responsable de donjon, toute l’équipe de sécurité, comprenne qu’un seul rivet mal ajusté peut faire couler le navire. Donc mes inquiétudes portent sur le manque d’intimité et le fait de ne pas pouvoir assurer la sécurité de la même manière. Et de perdre la particularité propre aux soirées fermées ». 

Nous finissons nos salades aux graines de courge et passons au dessert, un assortiment de brownies luxueux et fondants amenés par Miss Gold. Pendant qu’elle les coupe en morceaux, Adreena explique que les espaces plus intimes permettent une communication plus profonde entre inconnus, un aspect particulièrement important lorsqu’il s’agit de sexe ou de BDSM.

« C’est tellement sympa – à One Night tout le monde peut se parler, se reconnaître et voir les autres visages dans la pièce », dit-elle. « Aux grandes soirées, on y va entre potes ».

Les entrées ne peuvent être vendues qu’à l’unité ou par deux, donc on peut facilement y flirter et tisser des liens. Avant l’ouverture de la salle de jeux, les participantes passent du temps dans la salle de réception à siroter des verres et à bâtir un mur de son fémin agréablement aigu. Le bruit ambiant me rappelle les vestiaires des filles à l’école, avec moins d’angoisse.

Dans l’anticipation croissante de la prochaine salle, les clientes peuvent demander à leurs nouvelles connaissances ce qui les a amenées ici, ce qu’elles aiment et avec qui elles pourraient aimer le faire. De nombreuses femmes et personnes non binaires présentes affirment repartir avec le sentiment d’avoir bâti de nouvelles amitiés et relations sentimentales sincères. La demande et l’attrait paraissent évidents, alors pourquoi n’y a-t-il jamais eu ce genre de play party majeure réservée aux femmes et aux non binaires auparavant ?

« En fait, il y a des événements – comme le Skirt Club, mais c’est une vibe et un public complètement différents », dit Adreena au déjeuner. « C’est quasiment des soirées échangistes féminines, et elles peuvent être beaucoup plus agressives sexuellement. Je n’ai jamais été vraiment à l’aise dans le milieu échangiste. Je n’ai rien contre, mais l’atmosphère est très différente ».

Genevieve LeJeune, la fondatrice du Skirt Club, a dit plus tard à VICE que l’événement était un lieu sûr pour les femmes, et n’était pas fait pour les échangistes. « Nos membres sont pour la plupart timides et bi-curieuses », a-t-elle expliqué. « L’équipe passe la majeure partie de la soirée à jouer à des jeux permettant de briser la glace pour les amener à être suffisamment à l’aise pour se lancer ».

Des femmes sont parfois impliquées dans ces autres événements, selon Miss Gold, mais nombre de ces événements ont été lancés et sont dirigés principalement par des hommes. « Qui sont-ils pour dire comment on doit jouer ? Il y a encore du chemin à faire pour se débarrasser de l’hétéronormativité des sex party – d’avoir des femmes là pour le regard des hommes ».

Adreena ajoute que la différence entre le regard masculin et féminin est « né de l’expérience de vie généralisée d’être une femme, de ce qu’on a subi ».

« On passe nos vies entières à être objétisées ou regardées d’une certaine manière, donc je trouve du réconfort chez les autres femmes et dans l’énergie créée par le fait de n’avoir que des femmes et des personnes non binaires dans un même espace », dit-elle. « Dans le contexte de nos soirées, je pense que le regard féminin relève de la célébration et de la tendresse. Le temps que les personnes passent à se complimenter leurs sous-vêtements, ou leurs noms – c’est juste de l’amour l’une pour l’autre. C’est une célébration du sexe… ».

« — Ça au lieu de ‘je me balade avec ma bonne grosse érection en train de me demander dans qui je pourrais la mettre’ », dit Miss Gold en riant. « Enfin, il y a des femmes qui se baladent avec des godes-ceintures, mais les femmes n’objétisent juste pas les autres femmes de la même manière ».

Lors de l’événement, je me retrouve, avec Adreena et quelques autres femmes, adossée à une cage de soumission, observant les scènes qui se déroulent sous nos yeux. Il se passe beaucoup de choses – des fessées, du sexe à plusieurs, en balançoire, du bondage – et curieusement, aucun sentiment de menace. Personne de bizarre caché dans un coin à mater et à se branler. Si quelqu’un demandait plus d’intimité, je n’ai aucun doute qu’on lui donnerait rapidement.

« À One Night, on peut être voyeur si on le veut, mais tout le monde est voyeuriste de manière assez respectable. Il y a toujours des branleurs solos [des voyeurs qui assistent à une scène et commencent à se masturber sans consentement] aux événements plus larges, mais pas chez nous. Je déteste les branleurs solos aux sex clubs. Je les hais vraiment, putain ».

Adreena ajoute : « Biologiquement, c’est juste beaucoup plus compliqué de se branler en solo à une soirée où la plupart des gens ont une vulve ».

One Night est sur Instagram.

@iamhelenthomas

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