Quand on est en zone de conflit, on bosse 7 jours sur 7, on dort peu, on mange peu. On est stressé par le rythme de l’actualité, la peur d’un accident. Je bosse pour plusieurs médias, je dois donc gérer les demandes et les attentes de tout le monde. Après 4-5 semaines, je dois rentrer car je ne tiens plus. Quand je reviens, je suis mort. J’ai besoin d’un sas de décompression, partir en vacances et ne pas voir trop de monde. J’ai un suivi thérapeutique en France, que j’avais déjà avant d’être reporter de guerre. Mais maintenant, ça m’aide à gérer ce que je vois, des images aussi grave, j’ai besoin d’en parler à quelqu’un. Et à ma compagne, je ne peux pas tout lui dire. C’est dur pour elle. Je culpabilise de faire subir ça à ma famille, le stress, la peur qu’il m’arrive quelque chose. C’est un peu anxiogène pour eux. Mes parents ont peur, tout le temps. Les réseaux sociaux aident à garder un lien avec la maison, à rassurer les proches. Et ça permet aussi de ne pas se déconnecter complètement. Mais c’est mon métier. Je sais que j’embarque tout le monde avec moi, émotionnellement tout le monde est impliqué.
Avec l’expérience, ça se passe mieux ?
Au début, je n’arrivais pas à partir du pays en guerre. J’étais en colère de voir mon monde aussi calme face au conflit d’où je venais. Je trouvais ça injuste. Puis avec le temps, j’ai fini par réfléchir différemment. On est sur la même planète mais pas dans le même monde, et on ne peut pas en vouloir aux gens de vivre leur vie même si c’est la guerre à 1000 kilomètres. Puis je reprends mes habitudes, me balader, je me libère l’esprit.