Le 9 octobre 2004, âgés alors d’une dizaine d’années, on découvre sur France 2, avec la fougue et l’insouciance que confère cet âge naïf, un décor californien et ses paysages paradisiaques qui s’étendent à perte de vue. Surf, beach-volley, postes de secours arborant le drapeau américain, adolescents bronzés et musclés qui courent sur la jetée… The O.C, c’est cette série coming-of-age qui dépeignait le passage à l’âge adulte, avec ses galères et ses désillusions. Et quelques clichés au passage.
Loin de Orange County, les trentenaires Manon, Mathilde et Marie (respectivement originaires de Lille, Orléans et Saint-Jean-de-Luz) se souviennent avec tendresse de ce monde en apparence idyllique. « C’est une série d’ados qui remplissait toutes les cases. Les musiques étaient incroyables, les personnages tous très attachants. T’avais envie de vivre leur vie même s’ils n’avaient pas l’air toujours très heureux. Je me rends compte que c’est une série qui a marqué notre génération, ceux qui ont 30 ans aujourd’hui et qui l’ont regardé, pour la première fois, il y a 20 ans », résume Manon.
Bien plus qu’un soap pour ados
The O.C, c’est l’histoire de Ryan Atwood, adolescent de Chino, un quartier défavorisé de la banlieue de Los Angeles. Père absent et mère alcoolo, après quelques écarts de conduite, il est recueilli par la famille de son avocat, la richissime famille Cohen qui vit sur les hauteurs de Newport Beach, dans le huppé comté d’Orange. Entre bal des débutantes, virée à Tijuana, soirées caritatives et vacances à Palm Springs, on va suivre les tribulations adolescentes de ce nouvel arrivant et de ses comparses Seth, Marissa et Summer dans le prestigieux lycée de Harbor.
Malgré un pitch de départ qui peut donner l’impression d’un teen drama moyen, Newport Beach était pourtant bien plus qu’une série de gosses de riches blancs. La série parlait d’inégalités, de classes sociales, de violences et de domination masculine. Une critique acerbe de la bourgeoisie californienne qui, grâce à un humour empreint de sarcasme, déjouait parfois les codes classiques des séries à ados ordinaires.
« J’ai commencé Newport Beach au lycée. Une amie m’avait prêté le coffret DVD. Je me souviens que c’était super précieux, il ne fallait pas l’abîmer ou le perdre. À l’époque, on ne connaissait pas encore les joies de Netflix and co. C’était sur DVD et ça gagnait en qualité », se remémore Mathilde, qui a grandi à Orléans. « Je me rappelle des peines de cœur, des soucis de drogue et d’alcool, des parents qui se séparent, des cours séchés au lycée, des disputes et déceptions entre amis… J’étais en plein dans tout ça et c’était réconfortant de voir une série dans laquelle toutes ces problématiques étaient abordées ».
Même révélation pour la lilloise Manon qui regardait religieusement la série au collège: « C’est la série qui m’a le plus marquée. C’est celle qui t’aide à te construire et qui fait rêver. Pour moi, ça fait partie des séries phénomènes : il y a Friends et il y a Newport Beach. L’ambiance en mode Californie, le bad boy qui arrive dans la maison de riches, les stéréotypes à l’américaine… Tu étais obligé de te prendre au jeu ».
Le regretté Seth Cohen
Comment évoquer cette série sans mentionner l’incontournable Seth Cohen, le maillon fort, la pierre angulaire, celui qui, à lui seul, réussit à créer un univers auquel beaucoup d’entre nous se sont identifiés. Joué par l’acteur Adam Brody, dont la carrière a étonnamment peu décollé après la série, le personnage de Seth Cohen est certainement l’une des raisons principales du succès de la série. Jeune geek, timide et rejeté dans les premiers épisodes, il se mue en beau gosse hilarant à la culture musicale indéniable. Toujours un skate à la main, une paire de Vans aux pieds, vêtu de polos Original Penguin ou de tee-shirts à message, il prénomme son bateau le « Summer Breeze », du nom de son amour de jeunesse Summer Roberts, et rêve de naviguer jusqu’à Haïti pour oublier les autres kids du lycée, tous adeptes de water-polo aux torses rasés. Il trouve en Ryan le meilleur ami qu’il n’a jamais eu. Seth Cohen, c’est le boy next door qu’on veut tous avoir près de nous.
Marie, qui a grandi dans le pays Basque, confirme: « C’est mon personnage préféré, sans hésiter. Le looser beau gosse qui se révèle avec l’arrivée de son pote Ryan. Ses inventions, comme Noëlukkah (ndlr: contraction de Noël et de la fête juive Hanoucca), son incapacité à prendre des décisions et son autodérision permanente en font un personnage attachant dont n’importe quelle adolescente pourrait tomber amoureuse ». Impossible d’être indifférent.e.s au charme de Seth Cohen, fan de super-héros, de jeux vidéo, de bandes-dessinées et fervent utilisateur d’un humidificateur d’air pour calmer ses muqueuses asséchées.
Une bande originale méticuleusement choisie
La série Newport s’est aussi faite remarquer par sa BO de qualité, entre indie pop et rock indé. Mathilde se souvient avoir entendu Nada Surf, Damien Rice ou encore les Chemical Brothers. Des titres qui l’ont suivis, même après l’arrêt de la série. « Je me souviens particulièrement de la chanson lors du mariage de Caleb et Julie (ndlr : saison 1, épisode 27), « Maybe I’m Amazed » de Jem. Je l’ai écoutée longtemps. J’ai un très bon souvenir de la bande-son », précise-t-elle. « Le rôle de la musique était prépondérant. Dès le générique, on était embarqué par l’entêtant ‘California’ (ndlr : le générique de Phantom Planet). Et les concerts au Bate Shop (ndlr : bar récurrent à partir de la saison 2) y étaient pour beaucoup. De Rooney en passant par Gwen Stefani, ils ont quand même recruté du beau monde », renchérit Marie.
Death Cab for Cutie, Eels, Alexi Murdoch, Joseph Arthur, The Dandy Warhols, Imogen Heap… Des EPs ont même été commercialisés, intitulés The OC Mix et recensant les meilleurs morceaux par saison. Et certains titres ont marqué durablement: « Mon épisode préféré, c’est le dernier de la saison 1 (ndlr: épisode 27). À chaque fois que je le revoyais, je pleurais. Et je me souviens très bien de la première fois où je l’ai vu: j’étais dans la voiture avec ma sœur en direction d’Hardelot. À peine arrivées en vacances, on pleurait comme des madeleines », se remémore Manon. « C’était le départ de Ryan de Newport Beach. Entre Seth qui prend son bateau en direction de Portland, Marissa qui se remet à picoler, Kirsten qui enlève les draps de Ryan et qui pleure dans sa chambre. Et la musique… (ndlr: « Hallelujah » de Jeff Buckley). Tu es obligé de chialer avec cette musique. Je crois que c’est l’épisode de série où j’ai le plus chialé », ajoute-elle.
Un season finale mémorable pour tous les fans de la série. Dans la même veine, difficile de ne pas citer cette scène où Seth Cohen déclare sa flamme à Summer sur la table de la cantine du lycée (ndlr: épisode 20, saison 1), avec « Something Pretty » de Patrick Park (« Acknowledge me now or lose me forever »), ou quand Marissa est retrouvée inerte par Ryan dans les ruelles de Tijuana, au Mexique, après avoir tenté de se suicider, « Into Dust » de Mazzy Star en fond sonore.
Mais, comme toute série, le plus difficile, c’est de faire durer et Newport Beach ne parvient pas à tenir sur la longueur. Excepté une saison 1 quasi parfaite de bout-en-bout, les scénaristes se perdent en cours de route. Intrigues à rallonge, histoires d’amour hasardeuses, nouveaux personnages insignifiants… Les saisons 3 et 4 ne convainquent pas et le couperet finit par tomber : The O.C est annulée sur la chaîne Fox en 2007 après 16 épisodes d’une saison 4 très peu regardée par les Américains. Certains mauvais choix scénaristiques sont pour beaucoup dans le naufrage de la série : l’épisode de rupture entre Ryan et Marissa, à cause du trublion mythomane Oliver (ndlr: saison 1, épisode 17). « Ce moment, dans la saison 3, où ils font mourir Marissa… C’était quand même un personnage clé. C’est comme quand tu fais mourir Derek Shepherd, dans Grey’s Anatomy. Et bien, après ça, tu n’as plus trop d’intérêts à regarder la série », déplore Manon.
On préfère se souvenir de Newport Beach comme l’une des séries qui a marqué notre génération, de celles qui vous façonnent et font grandir. Vingt ans plus tard, et quelques rides, elle agit toujours comme un bon vieux remède, doux et réconfortant, à la routine morose.
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