En 2015, j’ai découvert que je souffrais d’endométriose. Comme beaucoup d’autres personnes dans ma situation, j’ai longtemps sous-estimé mes symptômes et je ne suis allée chez le médecin qu’après avoir atteint un point de rupture. L’endométriose est une maladie chronique, souvent invalidante, et sans traitement connu pour l’instant. Elle touche une femme sur dix en âge de procréer, mais le chemin vers le diagnostic peut être laborieux, surtout si vous êtes trans ou non binaire.

Si vous souffrez d’endométriose, la muqueuse de votre utérus se développe dans d’autres parties de votre corps. Le plus souvent, cela se produit dans les ovaires, les trompes de Fallope ou l’abdomen, mais cela peut également toucher les poumons, le diaphragme, l’appendice, le nerf sciatique ou le nez, voire, dans de très rares cas, les yeux et le cerveau. Le problème est que, même si ce tissu se trouve dans des zones où il n’a pas sa place, il continue à se comporter comme dans l’utérus et, à chaque cycle menstruel, il s’épaissit, s’alimente en vaisseaux sanguins, puis se décompose. Mais le sang n’a aucun moyen de quitter le corps, ce qui crée des lésions douloureuses, des kystes et une inflammation chronique. L’endométriose peut également rendre les rapports sexuels douloureux, provoquer des évanouissements, des vomissements, de l’acné, des sautes d’humeur, de la fatigue et même la stérilité.

Chaque cas est différent, mais de nombreuses personnes atteintes d’endométriose supportent la douleur pendant des années avant de chercher de l’aide ou d’être crues par les médecins. J’ai demandé à six femmes de partager leur expérience de l’endométriose, avant et après avoir obtenu des réponses. 

« La société nous apprend que toute douleur menstruelle est normale » – Chiara, 37 ans 

Mes règles ne m’avaient jamais empêché de faire quoi que ce soit. Mais en 2015, j’ai commencé à avoir tellement mal que je devais me gaver d’analgésiques juste pour rester debout. Après mon diagnostic, on m’a immédiatement prescrit une pilule progestative [à faible dosage hormonal]. Au début, je me sentais assez désemparée, je ne pouvais faire aucun projet. À chaque fois que mes règles arrivaient, je ne savais pas si j’allais pouvoir supporter la combinaison des effets secondaires hormonaux de la pilule et de la maladie elle-même, car la douleur ne disparaissait jamais vraiment.

On parle davantage de l’endométriose aujourd’hui. Mais il y a toujours cette idée persistante que les règles sont censées vous faire souffrir. En conséquence, la société nous apprend que toute douleur menstruelle est normale, même si elle peut être le symptôme d’un problème. 

« J’ai eu du mal à trouver un médecin qui veuille bien m’écouter » – Eva, 33 ans

J’ai eu mes règles très tôt, à l’âge de 10 ans. Dès le début, j’ai souffert de fortes douleurs, de nausées, de diarrhées et d’évanouissements. À 28 ans, alors que j’étais en France, un ami gynécologue de ma mère m’a dit que cela pouvait être une endométriose. À mon retour en Italie, j’ai essayé de passer des examens, mais j’ai eu du mal à trouver un médecin qui veuille bien m’écouter. 

Heureusement, je souffre d’une forme légère de la maladie. Ma gynécologue (une femme, je précise) m’a conseillé de « prendre la pilule ou d’avoir un enfant », cette dernière option n’étant pas envisageable. Elle s’est montrée très dure : « Je ne comprends pas pourquoi les filles d’aujourd’hui veulent souffrir. Je te donne la solution, alors prends-la. » Pendant quelques années, je me suis adaptée, j’ai pris la pilule et arrêté d’avoir mes règles, mais j’ai aussi ressenti des changements hormonaux. Il y a deux ans, j’ai décidé d’arrêter la pilule. La douleur a un peu diminué, ce qui est une bonne nouvelle, même si je ne sais pas à quoi cette amélioration est due. 

Nous devrions dire aux jeunes filles à l’école que les douleurs des règles sont normales, mais seulement jusqu’à un certain point. Il en va de même pour la douleur pendant les rapports sexuels. Je pense que cette maladie est souvent sous-estimée, alors qu’elle est invalidante même dans ses formes les plus légères. Vous voulez mon avis ? Si cette maladie touchait les hommes, nous aurions trouvé un remède il y a déjà 20 ans. 

« N’ayez pas peur de suivre une thérapie » – Giulia, 25 ans

J’ai découvert que je souffrais d’endométriose en plein milieu de la pandémie et je suis immédiatement devenue porte-parole de la Fondation italienne pour l’endométriose (FIE). Au cours de l’année précédente, j’ai commencé à ressentir des douleurs hallucinantes. Je n’ai pas voulu y prêter attention pendant un certain temps à cause du Covid, mais heureusement, j’ai fini par me faire examiner : j’avais une masse bénigne dans un ovaire qui provoquait des hémorragies et des lésions jusque dans le deuxième. 

J’ai immédiatement commencé à prendre du Visanne [un médicament à base de progestérone utilisé pour traiter l’endométriose] et à suivre les recommandations diététiques de la FIE. Je prends également la pilule et six compléments alimentaires par jour. Les coûts sont assez élevés et ne sont pas couverts par le système de santé public, sauf dans les cas les plus graves. 

Ma plus grande crainte est de ne pas pouvoir mener une vie épanouie. Parfois, mon cerveau veut faire des choses que mon corps ne veut pas. L’endométriose affecte également votre santé mentale, non seulement en raison des sautes d’humeur, mais aussi de son impact sur la vie quotidienne. Il est normal de souffrir de dépression, d’anxiété ou, dans mon cas, de crises de panique. N’ayez donc pas peur (ou honte) de suivre une thérapie.

« Je n’avais même jamais entendu parler de l’endométriose avant » – Lorena, 28 ans

J’ai découvert que j’étais atteinte d’endométriose dans des circonstances assez absurdes. Alors que ma cousine était en train d’accoucher à l’hôpital, j’ai demandé au gynécologue si je pouvais faire un contrôle rapide car je n’avais pas eu mes règles depuis deux mois. 

Pendant l’examen, le visage du docteur s’est soudainement assombri. Il a dit que je devais faire d’autres tests. Pour résumer, j’avais un très gros kyste ovarien qui risquait d’éclater, ce qui pouvait me faire perdre mon ovaire et provoquer une hémorragie interne. Super ! J’étais sur le point d’avoir 25 ans et je n’avais jamais entendu parler de l’endométriose avant. 

J’ai toujours eu des règles très douloureuses. À l’adolescence, mon médecin m’a dit de prendre des analgésiques avant que la douleur ne s’installe, et j’ai continué comme ça pendant des années, en ignorant le problème. Si je m’étais renseignée plus tôt, peut-être que maintenant je n’aurais pas ce kyste géant qui ne veut pas disparaître.

« Après un rapport sexuel, j’ai ressenti une douleur atroce » – Masha*, 36 ans 

Lorsque les gynécologues me demandaient si mes règles étaient douloureuses, je répondais toujours oui avec la fierté impassible d’une femme qui endure la douleur avec courage. Je pensais que c’était normal, que cela me préparerait à l’accouchement. Je ne prenais même pas d’analgésiques. 

Un soir de décembre de l’année dernière, après un rapport sexuel avec mon copain, j’ai ressenti une douleur atroce. Le lendemain, je me suis rendue aux urgences, mais les médecins n’ont rien vu à l’échographie, même si une analyse de sang a montré que mes globules blancs étaient devenus incontrôlables. J’ai passé une radio de l’intestin et le radiologue m’a dit qu’il y avait un kyste de 9 cm dans mon ovaire gauche.

Comment les médecins urgentistes avaient-ils pu passer à côté ? J’ai réalisé plus tard qu’il était si gros qu’ils l’avaient peut-être confondu avec l’utérus. J’ai pris rendez-vous dans une clinique privée. Entre-temps, la douleur allait et venait par vagues ; je sentais comme un poids dans mon utérus et j’avais du mal à vider ma vessie et mes intestins.

Le gynécologue m’a dit que je devais être opérée le plus rapidement possible. Il m’a conseillé de retourner aux urgences et d’exagérer ma douleur pour que l’attente soit moins longue. J’avais honte, mais je l’ai fait. J’ai été opérée sous anesthésie générale et depuis, je prends la pilule sans interruption, même si l’absence de règles me fait bizarre

« On m’a dit qu’une fois que je serais enceinte, ça passerait » – Alessandra*, 50 ans 

Pendant mes règles, j’avais des douleurs abdominales intenses, même après l’arrêt des saignements. Je ressentais également une douleur dans l’épaule droite, surtout lorsque je prenais une grande respiration. Mon gynécologue m’a dit de ne pas m’inquiéter, qu’une fois que je serais enceinte, ça passerait. 

Finalement, je suis allée dans une clinique privée avec une équipe spécialisée et le diagnostic a été immédiat : endométriose diaphragmatique. J’ai rejoint la FIE, où j’ai rencontré des personnes ayant des problèmes similaires ou même pires, comme une femme atteinte d’endométriose pulmonaire. Beaucoup m’ont dit que leurs médecins ne les croyaient pas, qu’ils réduisaient leurs symptômes à des « plaintes de bonnes femmes ».

J’avais 35 ans et je voulais un enfant. Ils ont tenté une opération [pour enlever le tissu], mais c’était trop compliqué. On m’a dit très froidement que même la PMA ne m’aiderait pas. J’ai quand même essayé, mais après deux tentatives, j’ai abandonné et j’ai commencé à prendre la pilule sans interruption. 

J’ai été ménopausée très tôt, à 42 ans. Je me suis sentie libérée : enfin, je pouvais vivre sans douleur. Ma fille est adoptée, mais d’une certaine manière, j’ai vécu les douleurs de l’accouchement. Encore et encore. 

*Les noms ont été modifiés.

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