L’Australie, comme la Nouvelle-Zélande, Taïwan, Singapour, le Vietnam ou la Chine, est un pays dit “zéro Covid” c’est-à-dire appliquant une stratégie d’éradication du coronavirus, considérée par certains épidémiologistes comme la formule gagnante pour contenir l’épidémie. Mais depuis le mois de mai, tous ces pays subissent des “pressions fortes du virus” explique au Huffpost Antoine Flahault épidémiologiste et directeur de l’Institut de santé globale (ISG) à l’université de Genève qui est favorable à l’application du zéro Covid. Avec cette nouvelle vague, la stratégie du zéro Covid montrée en exemple par certains semble donc elle aussi montrer ses limites.
Le “zéro Covid” a marché…
Au premier abord, cette résurgence du coronavirus dans les pays “zéro Covid” peut surprendre. C’est que la stratégie avait jusqu’à présent particulièrement bien fonctionné en Asie Pacifique. Avec le zéro Covid, Taïwan peut s’enorgueillir d’un total de seulement 46 décès par Covid-19, le pays présente un taux de mortalité près de 900 fois inférieur à celui rapporté par la France. De bons résultats rendus possibles par la mise en place de mesures drastiques de contrôle et de suppression du virus.
“Le principe est d’agir très tôt durant l’épidémie, dès les premiers cas”, analyse Antoine Flahaut par l’instauration de quarantaines obligatoires, de la fermeture des frontières, d’un traçage des cas approfondi et de confinements pour une politique de tolérance zéro contre le coronavirus. Certains pays comme le Japon visent une application “moins dogmatique” du zéro Covid, tempère l’épidémiologiste, et entreprennent seulement de réduire au maximum la circulation du coronavirus.
Ces pays ont été célébrés pour leur bilan sanitaire mais la faisabilité d’une généralisation du zéro Covid en Europe fait débat. Le zéro Covid s’est en effet avéré efficace dans des pays insulaires ou possédant des conditions climatiques favorables comme celles qui prévalent en Australie et en Nouvelle-Zélande. Et “prendre des mesures extrêmement drastiques est difficile dans des pays démocratiques” estime le professeur François Balloux qui dirige l’Institut de génétique de l’University college of London, contacté par le Huffpost.
… jusqu’à ce que le virus revienne
Et les mesures prônées par la stratégie zéro Covid se sont avérées insuffisantes pour empêcher une nouvelle poussée de l’épidémie à partir de cas importés de l’étranger. Comme à Taïwan où le personnel navigant d’une compagnie aérienne de retour des États-Unis a rapporté le variant “Alpha” dit anglais sur l’île. Pour des raisons économiques, la durée d’isolement des pilotes de ligne et du personnel de bord avait été réduite à 3 jours, conduisant à l’émergence d’un foyer épidémique dans l’hôtel où ils logeaient.
Ainsi que le rapporte la BBC, l’illusion d’un sentiment de sécurité procuré par un contrôle “serré à l’extérieur, mais lâche à l’intérieur” du pays a conduit les autorités sanitaires à baisser la garde. En Australie, révèle Antoine Flahaut, c’est également par les hôtels de confinement et des ruptures des protocoles sanitaires que des introductions accidentelles du virus ont eu lieu.
La reprise de l’épidémie, bien que notable, reste cependant sans commune mesure dans les pays zéro Covid par rapport à l’Europe, tient à rappeler Antoine Flahaut. “Le zéro Covid reste une stratégie gagnante” insiste-t-il. Taiwan ne compte en effet qu’entre 400 et 500 cas par jour contre encore plus de 8000 contaminations quotidiennes en France.
Le piège du zéro Covid
Il n’en reste pas moins que la crise actuelle révèle une impasse à long terme: “la stratégie zéro Covid n’est pas compatible avec la libre circulation des personnes et une ouverture des frontières” analyse le professeur François Balloux.
”Le zéro Covid est vraiment un équilibre instable. Même si l’on arrive à éliminer le virus localement, ce qui est très difficile, il y a toujours un risque d’introduction extérieur″, juge l’épidémiologiste. ”À moins qu’on puisse éliminer le virus au niveau mondial, le zéro Covid ne peut être qu’une stratégie transitoire.”
“Il existe une trappe dans laquelle se sont mis les pays zéro Covid c’est la fermeture des frontières, abonde Antoine Flahaut. Je prône le contrôle des frontières pas leur fermeture, car on a du mal à sortir de cette logique.”
Par quels moyens les pays zéro Covid pourraient rouvrir leurs frontières ? Pour François Balloux cela doit passer par la vaccination, seule solution à même de procurer l’immunité nécessaire pour contrôler l’épidémie.
“Une sortie de crise pérenne serait que le virus deviennent endémique comme la grippe saisonnière avec une morbidité relativement modeste”, déclare le professeur. Avec un virus endémique, les gens acquièrent une immunisation, ce que permet la vaccination. Quand ils seront réexposés aux virus, ils auront des symptômes moins sévères.”
Zéro Covid, Zéro Vaccins
Mais c’est précisément sur le plan de la couverture vaccinale que les pays zéro Covid affichent un retard important. Seuls 2 % des Australiens ont reçu deux doses, à Taiwan ce chiffre se monte à 1%. Le Japon qui a vacciné que 8% de sa population vient tout juste d’autoriser l’utilisation des vaccins Moderna et AstraZeneca sur son territoire en raison des exigences de son protocole d’approbation des produits de santé qui nécessite des études cliniques complémentaires.
“Il y a eu un facteur psychologique” déclare François Balloux. “Les pays asiatiques et d’Océanie se sont sentis moins concernés par la vaccination” en raison d’un sentiment de sécurité qui a renforcé l’hésitation vaccinale. Pour Taiwan la volonté de ne “pas rentrer en compétition” avec les autres pays pour obtenir des vaccins alors qu’ils étaient nécessaires ailleurs a également joué.
Mais désormais les pays zéro Covid essaient de rattraper à tout prix leur retard. L’Australie a ainsi commandé 25 millions de doses au fabricant Moderna. Taiwan a de son côté lancé des commandes s’élevant à plus de 30 millions de doses de vaccins pour une population de 23 millions d’habitants. Le pays affirme cependant subir de la part de la Chine des obstructions dans ses tentatives d’achat de doses auprès du laboratoire allemand Pfizer.
Zéro Covid ou pas, tous les pays semblent désormais partager le même objectif: pour maîtriser l’épidémie, il faut vacciner l’ensemble de leur population et permettre à terme la réouverture des frontières. Mais prévient Antoine Flahaut, “si on vaccine qu’en Europe ou aux États-Unis, cela ne marchera pas, il y aura toujours de nouveaux variants potentiellement résistants aux vaccins qui vont apparaître. Si on veut sortir de l’ornière il faudra vacciner toute la planète assez rapidement. On l’a fait avec la polio et la rougeole ou la variole.”
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