Les chercheurs, qui ont publié leurs résultats dans la très sérieuse revue Nature la semaine dernière, ont utilisé le machine learning afin de trouver des mutations qui permettraient de créer une protéine à action rapide, capable de décomposer les éléments constitutifs du polyéthylène téréphtalate (PET). Ce dernier est une résine synthétique utilisée dans les fibres textiles et dans la fabrication du plastique, deux matériaux qui, selon l’étude, représentent 12 % des déchets de la planète.
Cela se fait par un processus appelé dépolymérisation. Un catalyseur sépare les éléments constitutifs du PET en leurs monomères d’origine, et ces deux éléments peuvent ensuite être repolymérisés (redevenir du plastique vierge) pour être convertis en d’autres produits. Le plus impressionnant ? Ces enzymes ont décomposé le plastique en une semaine.
« C’est comme si l’on fabriquait du plastique frais à partir de zéro, avec l’avantage qu’il n’est plus nécessaire d’utiliser des ressources pétrolières supplémentaires » – Hal Alper
« Ce que nous pouvons faire, c’est décomposer le plastique en monomères initiaux », a déclaré à VICE par téléphone Hal Alper, professeur en ingénierie chimique et auteur de l’article. « Et c’est ce que fait cette enzyme. Une fois qu’on a notre monomère initial, c’est comme si l’on fabriquait du plastique frais à partir de zéro, avec l’avantage qu’il n’est plus nécessaire d’utiliser des ressources pétrolières supplémentaires. »
« Cette méthode présente des avantages par rapport au recyclage traditionnel sur bande transporteuse », ajoute Alper. « Si on doit faire fondre le plastique puis le remouler, on commencerait à perdre l’intégrité du plastique à chaque cycle de recyclage. Par contre, si on est capable de dépolymériser puis de repolymériser de façon chimique, on peut à chaque fois fabriquer du plastique PET vierge. »
Le travail de ces scientifiques vient s’ajouter à une série de recherches sur les enzymes « mangeuses de plastique », mentionnées pour la première fois en 2005 et depuis suivies par la découverte de 19 enzymes distinctes, comme le précise l’article. Celles-ci sont dérivées de bactéries naturelles qui vivent sur le plastique présent dans l’environnement.
Cela dit, beaucoup de ces enzymes naturelles sont constituées de permutations de protéines qui fonctionnent bien dans leurs environnements spécifiques, mais sont limitées par les conditions de température et de pH. Par conséquent, elles ne pouvaient jusque-là pas forcément être utilisées dans tous les contextes, notamment dans les centres de recyclage, comme l’ont spécifié les auteurs. L’enzyme découverte par Alper et son équipe, en revanche, peut décomposer 51 types de PET dans diverses conditions de température et de pH.
Les chercheurs ont nommé l’enzyme FAST-PETase, acronyme de « functional, active, stable, and tolerant PETase », soit « PETase fonctionnelle, active, stable et tolérante », et ont trouvé sa structure exacte grâce à l’apprentissage automatique, ou machine learning. Un algorithme a été alimenté par 19 000 structures de protéines et a appris à prédire les positions des acides aminés dans une structure qui n’est pas optimisée pour leurs environnements locaux. Ils ont également utilisé l’algorithme pour réorganiser les acides aminés des types de PETase déjà existants dans de nouvelles positions et ont identifié de meilleures combinaisons. Ils ont ainsi abouti à une structure qui présentait une activité 2,4 fois supérieure à celle d’une enzyme PETase existante à 40 degrés Celsius et 38 fois supérieure à 50 degrés Celsius.
Cette structure a ensuite été testée dans une gamme étendue de températures et de pH, et a continué à dépasser les performances des variantes existantes.
« Ce que l’on voit dans la nature est probablement optimal autour de chacun de ces acides aminés, du moins dans un contexte d’environnement local », a déclaré Alper. « Nous pouvons donc observer la protéine d’intérêt, commencer à passer en revue chacun des acides aminés qu’elle contient et examiner son propre micro-environnement. Cette approche nous permet de déterminer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. »
Alper et son équipe espèrent que leur enzyme sera plus évolutive que la plupart des autres et qu’elle mettra véritablement la PETase sur le devant de la scène pour lutter contre la crise mondiale du plastique. Déjà capable de résister à une série de conditions, la FAST-PETase doit maintenant prouver qu’elle peut à la fois être « portative et abordable à grande échelle industrielle ».
Tout d’abord, il faudra qu’Alper et son équipe testent la FAST-PETase sur les différents types de PET que l’on trouve dans nos déchets, ainsi que sur les particules que l’on trouve souvent dans les bouteilles en plastique ou sur le dessus des emballages en plastique lorsqu’ils sont recyclés. Si les chercheurs trouvent une enzyme ou un groupe d’enzymes suffisamment robustes pour être utilisés dans ces cas, ils sont convaincus de pouvoir aider à lutter contre les « milliards de tonnes » de déchets présents dans notre environnement.
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