ENFANTS – Durant cette période de crise sanitaire et de confinement, les maltraitances sur les enfants explosent. La journée internationale des droits de l’enfant vient nous rappeler que l’enfant est une personne à part entière avec des droits, qui sont trop souvent bafoués. Nous devons tous agir pour protéger ces victimes silencieuses.

Les lois, les conventions et les (rares) campagnes d’information ne suffisent pas, il faut agir sur l’éducation et la prévention. Or, l’éducation est en perte de vitesse, la bonne autorité notamment, et la prévention auprès des enfants est quasi inexistante en France.

Est-il encore besoin de rappeler qu’un enfant meurt tous les 4 jours en France sous les coups d’un parent; qu’un enfant sur quatre a subi des violences physiques; qu’un enfant sur trois a subi des violences psychologiques et que les enfants sont les principales victimes des violences sexuelles: 130.000 filles et 35.000 garçons chaque année?

Selon le Conseil national de l’enfance, un enfant sur trois souffre de troubles de développement psychomoteurs, comme le syndrome dépressif chez 14% des nourrissons et jusqu’à 25% chez les 14-15 ans. La période de la petite enfance est déterminante dans la construction de l’enfant, dans le développement de sa personnalité, c’est-à-dire de son mode affectif, intellectuel et relationnel. Plus l’enfant est maltraité (violences, humiliations, négligences, absence de repères, de limites, de soins, frustrations non gérées, etc.), plus il a de risque de développer des pathologies ou des névroses à l’âge adulte. Aujourd’hui, en France, la deuxième cause de décès chez les 15/24 ans est le suicide. L’époque actuelle, liée à la crise sanitaire du Coronavirus et aux attentats, favorise le passage à l’acte et renforce le sentiment d’insécurité et le stress chez les enfants, davantage chez ceux qui vivent dans un contexte permanent de souffrance. Rappelons que depuis le 10 juillet 2019, la loi interdit les violences éducatives sur les enfants, qu’elles soient physiques ou psychologiques.

Le contexte de crise favorise l’augmentation des maltraitances et du stress chez les enfants

Il faut bien comprendre que tout ce que vit l’enfant influe sur son comportement psychologique à l’âge adulte et sur certaines de ses activités biologiques, neurologiques et génétiques. Le premier facteur essentiel au bon développement de l’enfant est la sécurité. Or, nous vivons dans un monde rempli d’insécurités. Il faut en parler. Il est essentiel de dire la vérité aux enfants et de leur expliquer les dangers (le virus, les attentats, les violences), avec des mots adaptés à leur âge. Un enfant a aussi besoin de se confronter à des choses difficiles pour pouvoir les comprendre, les intégrer et adapter son comportement. C’est ce qui construit et développe son système de défense, système qui va lui permettre de gérer au mieux ses peurs.

L’éducation, en dehors de l’affection, de l’amour porté à son enfant et des valeurs transmises, c’est donc expliquer, rassurer, rendre autonome, donner des clés pour adapter son comportement face à un danger.

L’ambiance dans laquelle nous vivons depuis des mois est très anxiogène: le stress et l’anxiété sont des facteurs supplémentaires de passage à l’acte, même chez des parents d’ordinaire non violents. Alors, imaginez ceux pour qui la violence est le moyen de communication habituel! Le premier confinement l’a très bien démontré: plus de 35% de signalements, plus de 46% d’interventions policières, une augmentation de 89% des appels au 119. Cela met en lumière le dessous de l’iceberg… la maltraitance infantile, d’ordinaire tenue sous silence, a explosé au grand jour. Puis, elle est redevenue invisible et anonyme.

Les enfants, adultes de demain, sont les grands oubliés à tous les niveaux, ou presque, alors qu’ils sont les premiers concernés

La grande majorité de la population pratique le déni, malgré les titres de journaux et les statistiques qui ne manquent pas de nous rappeler les maltraitances qu’endurent les enfants au sein de leur foyer. Oui, c’est bien là que se produisent les drames les plus abjects dans la majorité des cas: la famille. De plus, à entendre certains et certaines, battre un enfant serait plutôt “bon” pour lui… “ne l’aurait jamais tué. e”: arrêtons de banaliser la violence infantile. Cette vision ancestrale de la violence reste bien ancrée dans les schémas éducatifs. Il est pourtant prouvé aujourd’hui qu’elle n’aboutit à aucun résultat positif, au contraire, elle apprend que la violence est un moyen de communication pour obtenir ce qu’on veut et surtout, elle détruit l’enfant.

Il est certain que les 73% de plaintes classées sans suite dans les affaires d’agressions sexuelles n’arrangent rien. C’est aussi l’affaire de la justice d’agir et de ne pas minimiser les actes de maltraitances. Les faibles peines ou la requalification des condamnations freinent également la compréhension de la gravité des faits et leurs conséquences. En dix ans, le nombre de personnes condamnées pour viol a chuté de 40%, selon le service statistique de la chancellerie, c’est bien là la question des viols requalifiés en agressions sexuelles, mais également celle des classements sans suite.

Les enfants ont des droits, ils doivent les connaître!

Les enfants ne savent pas qu’ils ont des droits et donc ne les connaissent pas. Les enfants ont le droit de prendre part aux décisions qui les concernent, notamment, combien ont ce droit dans leur famille? Le gouvernement et l’Éducation nationale ont un rôle central dans la sensibilisation des enfants et l’information sur leurs droits, et ce dès l’école élémentaire. D’autres enfants, très nombreux là aussi, ne savent absolument pas ce que sont les agressions sexuelles, bien qu’ils les subissent pour certains par un agresseur, une personne qu’ils connaissent dans la plupart des cas. Ils grandissent dans la méconnaissance, ce qui donne une forme de légitimité aux parents violents, censés les aimer et les protéger: ces enfants pensent que c’est normal!

En écoutant les enfants dans le cadre des interventions de mon association, j’ai pu constater que beaucoup d’enfants avaient peur de leur père ou de leur mère, qu’ils étaient battus (pour un rien disent-ils et sans pouvoir être écoutés) et plusieurs étaient en grave danger, pour agression sexuelle, ils ont été pris en charge.

Combien sont-ils en réalité à subir toute forme de maltraitance dans un silence total, quand nous savons déjà que sur une année plus de 300.000 enfants ont bénéficié d’une mesure de protection de l’enfance? (Rapport ONPE 2019).

Il est donc urgent de débloquer des budgets pour développer la prévention auprès des enfants; il faut réellement former tous les professionnels, y compris les enseignants et les personnels soignants, afin qu’ils sachent repérer un enfant en danger.

Il est également primordial de poursuivre et d’intensifier les campagnes de sensibilisation auprès du grand public toute l’année, avec le 119 notamment, mais aussi de faire de la prévention auprès des enfants directement.

Les différents problèmes liés à cette crise hors norme (chômage, stress, précarité, pauvreté, incapacité à gérer ses émotions, incapacité de se projeter dans l’avenir, etc.) ont de fortes répercussions sur les enfants. Des enfants qui vont subir et enfouir en silence ce “plus ou moins grand traumatisme” qui ressortira plus tard, d’une manière ou d’une autre.

Il est essentiel d’aider les enfants à parler par tous les moyens pour éviter que s’installe un traumatisme difficilement réparable.

C’est pourquoi nous tous, société, individu, parents, voisins, amis, justice, devons arrêter de fermer les yeux face à l’une des plus grandes injustices de ce monde qu’est la maltraitance, la violence sous toutes ses formes exercée sur des êtres vulnérables et sans défense, que nous devrions prioritairement protéger, même de leurs parents.

Vous pouvez également suivre l’association “Les maltraitances, moi j’en parle” sur son site ainsi que ses comptes Twitter et Facebook.

Contacts utiles:

  • Enfance en danger: (24h/24) 119
  • Non au harcèlement: (9h à 18h en semaine) 3020
  • Jeunes Violence écoute: (24h/24) 0800 20 22 23
  • Net Écoute: (9h à 20h en semaine – 9h/18h le samedi) 0800 200.000
  • Fil Santé Jeunes: (Tous les jours de 9h à 23h) 0800 235.236
  • SOS Viol: (Du lundi au vendredi de 10h à 19h) 0800 059 595

À voir également sur Le HuffPost: Extrait de “Enfants handicapés: révélations sur les centres qui les maltraitent”

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