INTERNATIONAL – La colère calme. Des milliers de manifestants se rassemblaient à nouveau samedi 15 août à Minsk dans la foulée d’une mobilisation croissante contre la réélection du président Alexandre Loukachenko, qui s’est entretenu avec son homologue et allié Vladimir Poutine pour évoquer la situation (voir la vidéo en tête de cet article).
En début d’après-midi, des milliers de personnes convergeaient vers la station de métro Pouchkinskaïa, à l’ouest de la capitale, pour rendre hommage à un homme ayant trouvé la mort à proximité lors d’une manifestation lundi 10 août.
“Non à la violence!”, “Vive la Biélorussie”, scandaient les contestataires, portant des fleurs ou faisant le “V” de la victoire, a constaté un journaliste de l’AFP. Parallèlement, entre 500 et 700 personnes se sont réunies en silence avec la famille du défunt autour de son cercueil, exposé dans un autre quartier de Minsk.
La principale candidate de l’opposition à la présidentielle, Svetlana Tikhanovskaïa, réfugiée en Lituanie, avait appelé à des rassemblements pacifiques samedi et dimanche à travers le pays. “Je suis venu pour protester contre cette injustice incarnée ici”, témoigne Viktor, 42 ans, présent à l’hommage.
“Révolution de couleur”
De son côté, le président Loukachenko a discuté dans la journée par téléphone des événements en cours avec Vladimir Poutine, a indiqué l’agence d’État Belta. Quelques minutes avant cet appel, le président Loukachenko avait annoncé lors d’une réunion vouloir s’entretenir avec Poutine pour évoquer la “menace” visant, selon lui, son pays et “toute notre région”.
Le chef d’État bélarusse a notamment soutenu que les manifestations mettaient en péril l’Union entre la Russie et le Bélarus, une union intergouvernementale en place entre les deux pays.
Selon Alexandre Loukachenko, son pays fait face à une “révolution de couleur” ― le nom donné à plusieurs soulèvements dans l’ex-URSS ces 20 dernières années ― avec des ”éléments d’interférence extérieure.” La veille, l’Union européenne avait donné son accord pour de nouvelles sanctions contre des responsables bélarusses liés à la répression ou des fraudes électorales.
Ces sanctions interviennent alors que la mobilisation s’est étendue jeudi et vendredi au Bélarus: des chaînes humaines et rassemblements contre la violence et les fraudes ont fleuri à travers le pays, tandis que des ouvriers d’usines emblématiques ont lancé des actions de solidarité et des débrayages.
Contrairement aux manifestations du début de semaine, violemment réprimées, ces actions se sont déroulées sans heurts et arrestations massives, les autorités bélarusses ayant donné des signes de recul.
Ces dernières ont ainsi annoncé la libération de plus de 2.000 des 6.700 personnes interpellées lors des manifestations. Le président Loukachenko a même appelé vendredi 14 août à une “certaine retenue” contre les protestataires, qu’il avait auparavant qualifiés de “moutons” à qui il fallait “remettre le cerveau en place”.
Accusant le régime de “massacre”, Svetlana Tikhanovskaïa, qui revendique la victoire à la présidentielle du 9 août, a de son côté annoncé la création d’un comité pour organiser le transfert du pouvoir et appelé à un dialogue avec les autorités.
Violences et tortures contre les émeutiers
Depuis dimanche soir, le Bélarus est le théâtre d’une vague de protestation d’une ampleur inédite contre la réélection de Loukachenko, au pouvoir depuis 26 ans dans cette ex-république soviétique.
Sa victoire – officiellement avec 80% des voix – a été perçue comme largement falsifiée alors qu’une immense mobilisation en faveur de sa rivale inattendue, Svetlana Tikhanovskaïa, avait enflammé la Biélorussie avant le scrutin.
Cette dernière, officiellement créditée de 10% des voix, a dénoncé des fraudes massives. Les quatre premières soirées de manifestations avaient été matées par les forces antiémeutes, faisant au moins deux morts et 150 blessés toujours hospitalisés vendredi.
Des personnes libérées ont raconté à l’AFP des conditions de détention atroces. Privées d’eau, de nourriture et de sommeil, passées à tabac ou brûlées avec des cigarettes, elles étaient incarcérées par dizaines dans des cellules prévues pour quatre ou six.
“Ingérence étrangère”
Novice en politique, Svetlana Tikhanovskaïa, 37 ans, professeur d’anglais de formation et mère au foyer, a quitté le Bélarus après avoir subi des menaces du pouvoir, selon ses soutiens. Son mari, qu’elle a remplacé au pied levé dans la course à la présidence, est emprisonné depuis mai.
De nombreux États occidentaux ont condamné les violences et dénoncé des fraudes. Le pouvoir biélorusse a reçu le soutien de Moscou qui a dénoncé des tentatives d’“ingérence étrangère” visant à déstabiliser le Bélarus, un allié historique de la Russie, malgré des tensions récurrentes entre les deux pays ces dernières années.
Le chef de l’État biélorusse avait notamment accusé la Russie de vouloir réduire son pays à l’état de vassal et de s’ingérer dans le scrutin du 9 août en faveur de ses adversaires. Alexandre Loukachenko, 65 ans, n’a jamais laissé aucune opposition s’ancrer. La précédente vague de contestation, en 2010, avait elle aussi été sévèrement réprimée.
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