COUPLE – “J’ai remué
ciel et
terre pour que ça soit possible”. Depuis plusieurs mois sur les
réseaux sociaux, le mouvement “Love Is Not Tourism” se mobilise pour débloquer la situation: plus de
800 couples dont l’un des conjoints est
français et l’autre vit à l’
étranger, ne peuvent pas se retrouver. Avec le covid-19, il leur est impossible de passer
les frontières. Pour les aider,
Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État chargé des
Français de l’
étranger, a dévoilé un laissez-passer spécifique pour ces couples qui ne sont ni mariés, ni pacsés et qui donc, n’existent pas aux
yeux de la
loi.
Depuis cette
décision prise au mois d’août, 300 documents de ce type ont
été délivrés. Certaines demandes ont
été refusées sans vraiment d’explications. Pour se retrouver malgré tout et après plus de 8 mois de
séparation, plusieurs couples ont pris la
décision de
partir à l’
étranger, se rejoindre dans un
pays tiers acceptant les
deux nationalités sans aucune restriction.
Mettre des sous de côté, trouver la destination, s’assurer de pouvoir s’y rendre, passer les contrôles aux aéroports… le chemin pour se revoir est long et pour tous les couples, il n’a pas été simple.
Un voyage (presque) sans embûche jusqu’à Saint-Martin
Jean-Louis et sa compagne américaine Susan ont opté pour cette alternative. Ensemble depuis 3 ans, lui vit en
France, elle en
Floride. Au mois d’août, le retraité prend
contact avec le consulat de
Miami pour réaliser le laissez-passer de sa moitié. “Pendant une dizaine de jours,
nous avons
été baladés entre le consulat de
Washington et celui de
Miami. La demande de laissez-passer a
été envoyée le 13 août 2020”, explique-t-il au
HuffPost LIFE. Le 14 octobre, ils n’avaient toujours pas reçu de réponse.
Face à la lenteur de l’administration et surtout au silence
total malgré les relances régulières, le
couple décide à la mi-septembre de réfléchir par eux-mêmes à une solution pour se revoir. Personne ne peut les éclairer sur l’avancée de leur
dossier, énervés et lassés de ne pas avoir de réponses, ils prennent donc les devants.
En l’espace de quelques jours, ils savaient où se retrouver. “J’ai reçu un mail de Corsair Airlines me vantant une promotion sur les Antilles. Susan est tombée sur Saint-Martin, une île ouverte aux Français et aux Américains”, se souvient Jean-Louis. Le Airbnb et les billets pris, ils s’envolent le 6 octobre et vont vivre ensemble durant un mois. Après 8 mois sans s’être vus, ils rattrapent le temps perdu, eux qui s’étaient habitués à ne pas être séparés plus de deux mois. À croire qu’il fallait qu’ils se retrouvent pour avoir une bonne nouvelle, au beau milieu de leurs vacances, le consulat de Miami leur envoie enfin le laissez-passer de Susan. Elle peut venir sur le sol français pendant 15 jours. Le séjour est écourté, ils rentrent en France deux semaines avant la fin.
Si l’histoire de Jean-Louis et de Susan se termine bien, ce n’est pas le cas de tous les autres couples. Pour la majorité des histoires, le choix du pays, le départ et les retrouvailles sont bien plus compliqués.
Les joies des retrouvailles à l’étranger…
Jean-Marc habite en
France et sa compagne au
Kazakhstan. Ils ne se sont pas vus depuis le début de l’année. Après avoir reçu un premier refus de laissez-passer en août, ils décident de se tourner eux aussi vers cette alternative qu’est le
pays tiers. Le
couple ne peut plus attendre et pleure à chaque appel en visio. Jean-Marc a trois semaines de
vacances durant le mois de septembre, elle peut le suivre à ce moment-là. Le
couple décide de s’envoler pour l’Ukraine qui est ouverte aux
deux nationalités.
Mais 5 jours avant de
partir, le
pays décide de fermer à nouveau ses frontières. C’est la douche froide. Pourtant, ils n’ont pas d’autres choix que de se retrouver durant cette période, de
peur que les
restrictions ne se durcissent devant la résurgence du
virus.
“Quand on a su que l’Ukraine fermait, pendant une
nuit blanche et une journée complète, j’ai cherché partout une solution. Ma compagne de
son côté à regarder avec sa compagnie aérienne pour voir ce qu’il était possible de faire jusqu’au moment où on a su, alors que ce n’était pas encore une information officielle, que la
Turquie allait rouvrir ses frontières”,
nous confie Jean-Marc. Il décide de modifier ses billets d’avion. “En 48h on avait tout réservé.
Mais avant ça, je me suis battu pour pouvoir changer mon
billet avec
Air France pour rebasculer sur Istanbul. J’ai passé 4h au
téléphone à négocier avec eux parce qu’au moment où j’ai voulu rectifier ma réservation, ils m’ont expliqué qu’officiellement les frontières avec l’Ukraine n’étaient pas fermées. J’ai appelé 5 fois pour finir par tomber sur une dame qui a accepté ma demande”, se souvient le
Français.
La situation se débloque. Les Airbnb réservés en Ukraine ont pu être annulés sans aucune perte d’argent, car ils avaient fait attention à choisir des lieux qui acceptaient une annulation sans frais.
… la déchirure après la séparation
Mais ce n’est pas pour autant que tout était joué. Il fallait également réussir à passer tous les contrôles à l’aéroport. Jean-Marc est parti un jour avant sa compagne pour s’assurer que tout se passe bien, que la
location réservée convienne et qu’il puisse l’accueillir à
son arrivée. “Quand vous arrivez à l’aéroport, que vous faites tous les contrôles et que ça passe, c’est une petite
victoire. J’envoyais des Whastapp à ma compagne en disant “je suis là”, “j’ai passé ça”, “je suis maintenant là”. Ensuite vous vous asseyez dans l’avion et là on
nous dit qu’il est en panne et qu’il faut en prendre un autre. 3h de
retard,
mais vous finissez par
partir. Vous avez
peur, vous avez le
coeur qui palpite et jusqu’au dernier moment vous vous dîtes,
mais qu’est ce qu’il va se passer? Et puis ça le fait”, détaille-t-il.
Le jour des
retrouvailles, le sourire à laisser place aux larmes. “Tout le
monde nous regardait, les gens pleuraient autour de
nous. On ne s’était pas vus depuis 8 mois”. Le
couple a ensuite passé 20 jours à visiter la
Turquie. Grâce au réseau “Love Is Not Tourism”, ils ont pu rencontrer 8 couples binationaux qui eux aussi, venaient de se retrouver à Istanbul.
Puis, les retrouvailles ont laissé place aux aurevoirs. Ils ont été déchirants. Elle part en premier, lui attend le lendemain. Il se souvient avoir passé “18h à traîner dans l’aéroport” à ne pas savoir quand est ce qu’ils allaient se retrouver. “Il nous a fallu deux semaines pour nous en remettre. On remonte la pente, on se soutient”, conclut Jean-Marc.
Jean-Louis et Susan, Jean-Marc et sa compagne sont chanceux dans leur malheur: ils ont trouvé une solution pour se voir malgré tout. Mais tous n’ont pas les moyens financiers ni la possibilité de voyager plusieurs semaines en Europe ou ailleurs. Alors certains couples se séparent, expliquant que la situation les pousse à se dire qu’ils ne sont pas faits l’un pour l’autre après presque un an sans se voir. D’autres n’en peuvent plus, mais se raccrochent à l’espoir d’obtenir un laissez-passer. Après ces premières retrouvailles, les couples binationaux se demandent s’ils vont pouvoir passer les fêtes de fin d’année ensemble. Jean-Marc commence d’ores et déjà à mettre des sous de côté dans la perspective d’un nouveau voyage à l’étranger.
À voir également sur Le HuffPost: Durant le coronavirus, les retrouvailles impossibles des couples binationaux
Source
Articles similaires