À la mi-journée, au siège du Comité national olympique sportif français (CNOSF), le résultat tombe: 52,3% pour Gwenaëlle Noury, présidente du club de Lorient et inconnue dans le milieu. Une quarantaine de voix (452 contre 412) séparent les deux femmes sur les 161 clubs qui ont voté.
Nathalie Péchalat, dont le discours avait été pourtant bien plus applaudi que sa rivale, sort de la salle les yeux embués avant de revenir peu de temps après. Devant les micros, Nathalie Péchalat reproche alors sa successeur d’être téléguidée par l’ex-président de la FFSG Didier Gailhaguet, accusé d’avoir couvert un entraîneur mis en cause pour viols et agressions sexuelles.
“C’est la honte intersidérale pour l’ensemble des sports de glace, on revient à un autre système de valeurs, à un autre fonctionnement, à d’autres méthodes qui ne sont pas les miennes”, a réagi Nathalie Péchalat, émue, auprès de quelques journalistes.
Une demi-heure plus tard, la nouvelle présidente Gwenaëlle Noury, qui ne s’était pas exprimée publiquement pendant la campagne et avait refusé les interviews, s’avance avec à ses côtés, Patrice Martin, l’actuel président de la Fédération française de ski nautique, qu’elle a choisi comme secrétaire général de la FFSG. “Ce qui est important pour nous c’est de pouvoir représenter tous les clubs et de faire en sorte que les clubs soient au centre de cette fédération”, a-t-elle expliqué.
“Plein succès à la nouvelle présidente”
Pour Nathalie Péchalat, double championne d’Europe de danse sur glace, ce résultat est “une humiliation pour le travail mené depuis deux ans et dieu sait que cela a été compliqué et intense, en termes d’énergie et de temps”, a-t-elle confié.
Interrogée sur le fait de savoir si elle craignait le retour de Didier Gailhaguet qui a dirigé la FFSG de 1998 à 2004 puis de 2007 à 2020, elle a répondu: “Oui je le crains, mais cela ne me regarde plus”. Selon Nathalie Péchalat qui avait succédé à Didier Gailhaguet en 2020, celui-ci a “conduit le programme et la campagne” de Gwenaëlle Noury.
“Je sais depuis plusieurs semaines que ça allait être serré, j’étais confiante dans la nature humaine, le bon sens, le discernement de chacun des votants”, a-t-elle ajouté. À la question de savoir si elle restera licenciée à la FFSG, elle a répondu qu’elle “n’a pas eu le temps de réfléchir”.
Dans un tweet, la nouvelle ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, a toutefois souhaité “plein succès à la nouvelle présidente”, avant d’ajouter: “Le combat pour la libération de la parole des victimes et la lutte contre les violences sexuelles, impulsés par Nathalie Péchalat, devront être poursuivis”.
Gwenaëlle Gigarel-Noury l’a emporté et portera la trajectoire de la @ffsportsdeglace pour laquelle je lui souhaite plein succès.
Le combat pour la libération de la parole des victimes et la lutte contre les violences sexuelles, impulsés par @NPechalatOff, devront être poursuivis https://t.co/cbP4F2iPd0— Amélie Oudéa-Castéra (@AOC1978) June 25, 2022
“Tous les soutiens de Noury sont des soutiens de Gailhaguet!”
Élue il y a deux ans après le scandale des violences sexuelles secouant la fédération à la suite des révélations de Sarah Abitbol, violée adolescente par son entraîneur, la double championne d’Europe de danse sur glace pensait avoir remis la FFSG “sur les rails”. En 2020, c’est à l’issue d’un violent bras de fer avec le gouvernement que Didier Gailhaguet avait jeté l’éponge.
Mais Didier Gailhaguet est-il réellement derrière sa candidature, comme l’affirme Nathalie Péchalat? “On n’était pas partis seuls, forcément ma démarche naturelle ça a été de consulter un maximum de gens”, répond-elle. “Didier Gailhaguet a été consulté, je ne le cache pas parce que pour moi ça reste un passionné des sports de glace, ça reste quelqu’un qui connaît les rouages de cette fédération”, a-t-elle expliqué.
“Je tiens à m’entourer de gens compétents qui connaissent cette machine fédérale et Didier en fait partie. Maintenant, il est un consultant comme tous les autres”, s’est-elle contenté de dire, en voulant éviter “la polémique”.
Dans la presse, Didier Gailhaguet s’était récemment défendu de vouloir peser sur l’élection. “Je n’ai rien à dire, je suis sorti de la vie fédérale (…) Je ne suis candidat à rien”, avait-il ainsi affirmé au JDD.
L’ancien patineur Gwendal Peizerat, interrogé par l’AFP au téléphone, estime que “c’est cousu de fil blanc”, et accuse de “naïveté” ceux qui ne voient pas que Didier Gailhaguet fomente son retour. Et s’ils le savent “alors honte à eux!”.
“Tous les soutiens de Gwenaëlle Noury sont des soutiens de Gailhaguet!”, assure-t-il. Le champion olympique 2002 de danse sur glace ne fait pas partie de l’équipe de campagne de Nathalie Péchalat mais se revendique “soutien de fait” quand “il a vu les risques encourus” dans cette élection.
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