C’était l’objet de la présentation de la ministre des armées Florence Parly, qui a énoncé la “stratégie de maîtrise des fonds marins” de la France lundi 14 février à Balard. Présentés comme un “nouvel espace de compétition stratégique”, les fonds marins ne sont aujourd’hui connus avec précision qu’à 20%.
“Aujourd’hui, au-delà de 2000m, presque tout reste à explorer”, a exposé Florence Parly. Et les enjeux sont colossaux, à l’image du cyberespace ou de l’espace exo-atmosphérique. Alors que la Terre, selon plusieurs ONG, a consommé l’ensemble des ressources de la planète, celles présentes dans les fonds marins attirent toutes les convoitises.
Un stock de matières premières
Riches en métaux rares, les abysses représentent un stock de matières premières dont chercheraient à s’emparer États et entreprises privées. Et qui, à l’abri des regards, donnent lieu à des manoeuvres qui “bousculent le cadre juridique, ce qui entraîne de nombreux contournements du droit”, alerte la ministre. Ce qui n’est pas protégé finit toujours pas être pillé et contesté.”
Autre enjeu stratégique de ces fonds marins: sous les océans sont enfouis plus de 450 câbles sous-marins à fibre optique, qui véhiculent près de 99% des données numériques mondiales. Soit “1.300.000 kilomètres de câbles, plus de trois fois la distance entre la Terre et la Lune, rappelle Florence Parly. Un réseau d’autoroutes de communication qui relient les économies entre elles.”
L’endommagement, volontaire ou accidentel, d’un câble, peut donc avoir des conséquences directes sur nos vies quotidiennes. “En 2008, la coupure accidentelle de trois câbles sous-marins en Méditerranée avait engendré d’importantes perturbations des liaisons télécoms entre l’Europe, l’Asie et le Proche-Orient”, rappelle-t-elle. Ces câbles sous-marins peuvent aussi être la cible de nations tentées de surveiller ou dégrader ces infrastructures.
Enfin, les fonds marins représentent aussi un enjeu de souveraineté. “On sait que la Chine a un projet avancé de Grande Muraille sous-marine. Plus ouvertement, les Britanniques ont fait part de leur intérêt pour les fonds marins”, souligne la ministre.
Avec la deuxième plus grande zone économique exclusive (ZEE) -un espace maritime sur lequel un État côtier exerce des droits souverains et économiques en matière d’exploration et d’usage des ressources naturelles-, la France n’entend pas “rester sur le rivage.”
Objectif: 6000 mètres de profondeur
La France ne part pas de zéro dans ce domaine, comme l’a rappelé le chef d’État-Major des armées,Thierry Burkhard. “La marine nationale n’a pas attendu aujourd’hui pour connaître, surveiller, et agir dans les fonds marins, a-t-il souligné. Mais nos forces n’évoluent seulement qu’à quelques centaines de mètres de profondeur.”
Le gouvernement a pris la décision de doter les armées de moyens capables d’atteindre une profondeur de 6000 mètres d’ici 2025, ce qui permettrait de “parcourir 97% des fonds marins et de protéger efficacement nos intérêts.”
Drones sous-marins et robots
L’armée compte pour cela se doter de drones sous-marins ainsi que de robots d’intervention, dès la fin 2023. “Nous devrions obtenir une première capacité exploratoire constituée d’un drone de surveillance AUV (véhicule sous-marin autonome) et d’un robot d’action ROV (véhicule opéré à distance) capables d’évoluer à très grande profondeur”, a affirmé le général Burkhard.
Selon l’AFP, la France possède actuellement deux ROV qui vont respectivement à 1000 et 2000 mètres et ne possède pas de drone AUV.
Dans une “posture dépourvue d’ambiguïté”, une gouvernance dédiée va être créée. “Nous ne voulons pas d’une piraterie sous-marine. Nous ne voulons pas de flibustiers qui pillent et détruisent les richesses des fonds marins. Notre pays s’érigera en rempart” a conclu la ministre.
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