Avancée des troupes russes sur le terrain, victimes, enquêtes pour “crimes de guerre” ouvertes, projets pour les semaines à venir… Le HuffPost fait le point sur l’évolution de la situation.
L’armée russe et l’échec de Kiev
La Russie a envahi l’Ukraine le 24 février. Les forces russes ont d’abord fait des gains rapides dans le sud, leur objectif principal étant la création d’un corridor terrestre entre la Crimée, qu’elle a annexée en 2014, et les zones tenues par les séparatistes soutenus par la Russie à Donetsk et Lougansk. Elles contrôlent ainsi depuis les premières semaines du conflit la région de Kherson et une bonne partie de celle de Zaporiijjia.
Parmi ses objectifs, Moscou visait notamment au sud-ouest Odessa, le grand port de la mer Noire, et Dnipro, au centre du pays, mais la résistance rencontrée à Mykolaïv l’a fait battre en retraite. Les forces russes ont également tenté une percée vers l’ouest pour atteindre Kiev, mais une fois encore la forte résistance ukrainienne à Kiev a considérablement ralenti les avancées russes. Les forces ukrainiennes ont pu reprendre de vastes zones autour de Kiev début avril après que la Russie a abandonné sa poussée vers la capitale, ainsi que le nord-est à Kharkiv. Toutefois, elles luttent toujours pour repousser les Russes qui tentent une entrée dans la zone.
Voici ci-dessous une carte de la situation à l’est de l’Ukraine au 19 mai.
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De son côté, la Russie a alors recentré ses efforts sur la prise de contrôle de l’est et du sud du pays. Elle a ainsi pris les villes de Rubizhne et de Popasna ces dernières semaines. Ses avancées autour d’Izyum ont été repoussées et il semblerait qu’elle tente maintenant d’encercler Severodonetsk, selon l’Institut pour l’étude de la guerre (ISW), cité par la BBC.
De facto, la Russie contrôle aujourd’hui tout le littoral de la mer d’Azov, et peut espérer, avec la chute de Marioupol, consolider ses gains territoriaux en un pont terrestre, reliant le territoire russe à la Crimée.
Enfin, en mer Noire, la Russie poursuit ses efforts pour renforcer ses troupes sur l’Île des Serpents malgré les frappes aériennes réussies de l’aviation ukrainienne la semaine dernière. L’avant-poste rocheux d’environ 16 hectares (40 acres) appartient à l’Ukraine mais a été repris par les forces russes en février. Pour les deux parties, cette île revêt un intérêt très stratégique. Si la Russie réussit à consolider ses positions sur l’île, “elle pourrait dominer la partie nord-ouest de la mer Noire”, affirme une source du ministère de la Défense britannique.
Combien de victimes depuis le début du conflit?
Il reste très compliqué de se faire une idée précise du nombre de morts et de blessés qu’engendre ce conflit et il n’existe à ce jour aucun bilan global. La poursuite des combats sur place empêche les organisations de mener l’enquête et la guerre de communication qui fait rage en parallèle de l’invasion rend les informations qui filtrent difficile à vérifier.
Toutefois, selon le site de statistiques Statista, qui reprend les données du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) estime à 3778 le nombre de morts civiles lors de l’attaque militaire russe contre l’Ukraine au 17 mai 2022. Parmi eux, 251 sont des enfants. Les blessés seraient au nombre de 4186.
À noter que le HCDH a précisé que les chiffres réels pourraient être plus élevés. Rien qu’à Marioupol, les autorités ukrainiennes ont parlé il y a plusieurs semaines de 20.000 morts. Et les enquêteurs ukrainiens affirment avoir identifié “plus de 8000 cas” présumés de crimes de guerre.
Qu’en est-il du côté des victimes militaires?
Dans son bilan quotidien du 19 mai, le ministre ukrainien de la Défense a indiqué que près de 28.500 soldats russes ont perdu la vie depuis le début du conflit le 24 février dernier. Selon le Royaume-Uni, la Russie a perdu près d’un tiers des troupes déployées.
Côté Ukraine, Volodymyr Zelensky a déclaré qu’environ 2500 à 3000 soldats ukrainiens avaient été tués depuis le début du conflit et quelque 10.000 blessés.
Les lieux qui ont marqué le conflit
Ces trois derniers mois, certains noms auront marqué les esprits du monde entier. Ceux des villes dont les habitants ont le plus souffert de l’invasion russe.
Boutcha: cette petite ville de la banlieue de Kiev est devenue le symbole des atrocités imputées à la Russie. Les médias internationaux ont publié de nombreuses photos prises à Boutcha, montrant des corps dans la rue, certains les mains liées dans le dos ou partiellement brûlés, ainsi que des fosses communes.
L’ONU a documenté le meurtre de dizaines de civils, mais Moscou nie toute responsabilité et parle d’une “mise en scène”.
Marioupol: Située à 350 kilomètres au nord-est de la Crimée et à une centaine de kilomètres au sud de Donetsk, Marioupol, ville portuaire de près de 450 000 habitants située sur la mer d’Azov est visée par l’armée russe dès les premiers jours du conflit. Début avril, pour décrire cette ville, l’Organisation des nations unies a déclaré: “c’est le centre de l’enfer”. Une expression confirmée par les photos des derniers combattants retranchés dans l’usine Azovstal.
Après trois mois à être pilonnée par les bombes, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré qu’il ne restait pas dans cette ville “un bâtiment non endommagé”.
Kramatorsk: Dans cette ville au nord de Donetsk, le bombardement de la gare qui abritait de nombreux civils a fait au moins 50 morts le 8 avril. Un événement “constitutif d’un ‘crime contre l’humanité’”, a estimé le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian.
Borodyanka: Cette ville près de Kiev a été le théâtre de “massacres de civils” durant le mois de mars, lorsque les forces russes occupaient la ville. Les corps de neuf civils ont été retrouvés, certains présentant des “signes de torture”, a déclaré la police de la capitale ukrainienne dans la nuit de mercredi à jeudi. “Certaines des victimes présentent des signes de torture”, a accusé le chef de la police locale.
L’Île des Serpents: Cette île est un point stratégique en mer Noire, permettant à la fois de faire planer de lourdes menaces mais également particulièrement exposé.
Dès le premier jour du conflit en Ukraine, les Russes l’ont attaqué pour s’en emparer. Cela a donné lieu à cet épisode, monté en épingle par la propagande de Kiev, où des gardes-côtes ukrainiens avaient lancé par radio au croiseur russe Moskva, coulé depuis, d’aller se “faire foutre”, conférant à ce caillou un poids symbolique venant s’ajouter à son intérêt stratégique.
Six millions d’Ukrainiens en fuite
L’Ukraine a vu plus de six millions des siens fuir son territoire, dont plus de la moitié – 3,4 millions – vers la Pologne, selon le Haucommissariat aux réfugiés (HCR) à Genève, qui relève toutefois que le flot de ces départs s’est considérablement tari au fil des semaines et s’est même inversé.
Le solde global reste cependant encore largement négatif – avec 6,3 millions de départs pour 1,85 million de retours, selon les garde-frontières.
2000 missiles russes tirés
Plus de 2000 missiles ont été tirés par la Russie depuis le début du conflit, selon le président Zelensky, ce qui, selon lui, constitue une grande partie de son arsenal.
La majorité de ces missiles ont touché des infrastructures civiles et n’ont apporté “aucun avantage militaire stratégique”, a souligné le président ukrainien dans son allocution quotidienne.
12.000 enquêtes pour crimes de guerre ouvertes
Selon le Parquet ukrainien, le pays a ouvert plus de 12.000 enquêtes pour crimes de guerre depuis le 24 février, début de l’invasion russe. La justice internationale est également à pied d’œuvre, la Cour pénale internationale ayant envoyé 45 experts sur le terrain pour rassembler des preuves.
De leur côté, les Etats-Unis ont annoncé la création d’un “observatoire du conflit”, doté initialement de six millions de dollars, pour “recueillir, analyser et partager largement les preuves des crimes de guerre” qu’ils imputent à la Russie en Ukraine. Cette nouvelle initiative vise notamment à “préserver des informations” publiques ou des données de satellites commerciaux en respectant les “normes internationales”, afin qu’elles puissent alimenter toute procédure visant à faire rendre des comptes aux responsables d’“atrocités”, a déclaré le département d’Etat dans un communiqué.
Quels objectifs pour la suite?
Qu’a prévu le Kremlin pour la suite? Les déclarations de hauts responsables russes ne laissent guère de place au doute: la Russie prépare l’occupation durable voire l’annexion des territoires du sud de l’Ukraine qu’elle contrôle.
Le président Vladimir Poutine, en lançant son offensive le 24 février contre son voisin, avait assuré que les territoires ukrainiens ne seraient pas occupés, affirmant seulement vouloir défendre les populations russophones opprimées, selon lui, par Kiev. Mais la dernière déclaration du vice-Premier ministre russe Marat Khousnoulline, en déplacement dans la région de Zaporijjia tenue par les forces russes, révèle bien d’autres ambitions.
“Je considère que l’avenir de cette région est de travailler au sein de l’amicale famille russe. C’est pour ça que je suis venu, afin d’aider au maximum à l’intégration”, a-t-il dit mercredi. Le responsable a aussi expliqué que la centrale nucléaire de la région, qui produit jusqu’à 20% de l’électricité de l’Ukraine, tournera pour la Russie, à moins que Kiev ne paye.
Sergueï Aksenov, le gouverneur de Crimée, annexée par Moscou en 2014, a lui dit “voir l’avenir (la péninsule ainsi que les régions de Zaporijjia et Kherson) au sein d’un seul Etat”, la Russie. Les autorités installées par l’armée russe à Kherson répètent à l’envie vouloir intégrer la Russie. Précédemment, il avait annoncé que le rouble allait être introduit comme monnaie dans la région.
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