J’ai fini par craquer. Samedi dernier, j’ai viré tout ce que mon ordinateur comptait de Call of Duty : Modern Warfare, Cold War et surtout Warzone. Pas dans un élan de colère, mais dans un silence de gibet. Un mec allongé dans un glitch du côté de Quarry nous a laissé passer, mon coéquipier et moi, avant de nous grêler dans le dos avec sa M4-VLK de merdeux. Normalement, je profite toujours du « death mic » pour insulter les aïeux de mon assassin. Pas cette fois. Je n’ai ressenti qu’une immense lassitude et j’ai su qu’il était temps de tout arrêter. Enfin, je suis libre. 

Je suis tombé dans Call of Duty quelques mois avant la pandémie. Après avoir passé presque quinze ans sur les champs de bataille toujours plus chiants de la licence Battlefield, j’ai découvert avec l’excellent Modern Warfare que son concurrent mal-aimé avait du charme. Warzone est sorti pile pour le confinement. Comme tant d’autres drones en manque de divertissement, je me suis jeté dans ce battle royale autant par opportunisme que par envie. Assez vite, son effet pervers s’est imposé à moi : ce jeu me rendait fou mais je ne voulais pas jouer à autre chose. 

Warzone m’a permis de passer beaucoup de temps avec mes amis et mes frères. Bien sûr, Verdansk n’est pas un environnement idéal pour les discussions profondes : en général, nos communications se limitaient à des informations concernant la partie. Reste que cette proximité relative trompait admirablement la solitude du virus. De par sa qualité de divertissement par défaut en ces temps de pandémie, ce jeu à la con m’a rapproché de personnes avec lesquelles je n’aurais probablement pas beaucoup parlé en d’autres circonstances. Honnêtement, c’était agréable. 

Un abruti sympathique est un meilleur compagnon qu’un tueur égoïste

Warzone est comme un sérum de vérité. Quand la situation tourne au vinaigre, on voit qui fuit au premier coup de feu, qui se jette Glock à la main sur des escouades complètement stuffées, qui fait des efforts pour ressusciter au plus vite ses coéquipiers. Je crois que l’essentiel de l’expérience se trouve dans ces échanges plutôt que dans le skill pur. Un abruti sympathique est un meilleur compagnon qu’un tueur égoïste, et toutes mes parties les plus amusantes réunissaient des joueurs moyens – comme moi. On ne gagnait pas mais on rigolait – parfois. 

Beaucoup de gens qui passent des mauvais moments sur Warzone accusent le « Skill Based Matchmaking » ou les cheaters. Je n’ai pas de souci avec le SBMM, car protéger les consoleux malades de la polio des gens qui visent comme Shroud est une bonne idée. De toute façon, son fonctionnement est trop obscur pour que quiconque puisse former la moindre objection sérieuse. Pareil pour les cheaters. Des commentateurs connus pour leur rigueur assurent que ces raclures traînent dans toutes les parties, mais comment le prouver ? En vérité, cela ne change pas grand-chose, car Warzone est horriblement frustrant pour tout un tas d’autres raisons moins nébuleuses. 

Les gens qui gèrent Warzone n’ont manifestement pas grand-chose à faire de leur jeu

D’abord, Warzone est prisonnier de sa méta. À chaque mise à jour significative, une ou plusieurs nouvelles armes de référence prennent le dessus sur toutes les autres. La Grau, la FAL, le R9-0 avec cartouches Dragon’s Breath, l’Origin 12, le MP-5, les Snakeshot et la Kilo 141 m’ont rendu zinzin en leur temps, mais le DMR, le Mac-10, la FFAR et les Diamatti ont pulvérisé ce qui me restait de patience. Comment tolérer que trois ou quatre flingues écrasent tous les autres depuis des mois ? Jouer avec autre chose que ces armes, c’est accepter un furieux désavantage. Résultat : si vous voulez faire le poids ne serait-ce que cinq minutes, vous allez devoir vous plier à la méta.

Les gens qui gèrent Warzone n’ont manifestement pas grand-chose à faire de leur jeu. Il arrive que la méta empoisonne la vie des joueurs pendant des semaines avant qu’ils ne daignent lever le petit doigt. Pour les bugs, c’est pareil. Les stimshots et le Mac-10 surpuissant ont privé des milliers de joueurs honnêtes de leur victoire. Ce genre de problème inacceptable pullule depuis la fameuse « intégration » de Cold War au battle royale. Peut-être est-ce la faute de la pandémie, mais cette fusion a manifestement été torchée : chaque semaine, un nouveau problème vient ruiner le jeu. Par contre, la boutique de skins est toujours parfaitement fonctionnelle, merci pour elle.

C’est cette paresse qui ruine Warzone. Ses responsables peuvent se permettre de glander car leur titre ne doit combattre aucun concurrent sérieux. Au début, ce jeu était sans doute le meilleur battle royale jamais conçu. Un an plus tard, rien ne change sur Verdansk hormis les bugs. J’ai le sentiment que les gunfights sont de plus en plus injustes et la playerbase toujours plus merdique – mention spéciale aux Turcs et aux Italiens, ces gigantesques cafards. Warzone se décompose à mesure qu’il évolue. Pendant ce temps, des titres comme Apex Legends ne cessent de gagner en profondeur et en contenu.

Peut-être suis-je en train de me trouver des excuses. Peut-être suis-je juste mauvais

J’ai une foule d’autres problèmes avec Warzone. Les « entraînements » en début de partie sont insupportables. L’aide à la visée confère un avantage absolument délirant aux joueurs console pendant les combats rapprochés. Le nouveau goulag est merdique. Escalader le moindre relief est un calvaire. Récupérer son loadout fait freezer le jeu une fois sur deux. Le loot de début de game est essentiellement composé de snipers. Le déclenchement du parachute est bugué jusqu’à la moelle. Les effets des accessoires pour les armes de Cold War ne sont pas clairs. Faire un bon kill dans un tel foutoir est une torture

Peut-être suis-je en train de me trouver des excuses. Peut-être suis-je juste mauvais. En mille parties, je n’ai remporté la victoire que neuf fois, ce qui fait de moi un joueur relativement merdique. Peut-être suis-je juste trop vieux pour me mesurer à des joueurs adolescents en pleine possession de leurs moyens. Je suis tout de même persuadé que Warzone pourrait être un excellent jeu. Je crains juste qu’il ne soit trop tard pour remonter la pente, et je pars sans le moindre regret. Adieu.

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