Pour l’instant, leur van est temporairement garé dans l’allée des parents d’Esther à Assen, dans le nord-est des Pays-Bas, pendant qu’ils restent à la maison. Pour eux, cela ressemble à des vacances. « Vivre sur la route, être toujours en mouvement, c’est vraiment stressant, dit Esther. On a l’occasion de voir certains des plus beaux endroits du monde et, honnêtement, je ne veux pas en manquer un seul. Mais ce ne sont pas des vacances. C’est vraiment un mode de vie. »
Ils ont découvert très tôt qu’il est indispensable d’avoir un van confortable. « Nous avons créé un bon espace de travail. Nous avons nivelé la table pour être assis bien droit », explique Esther. Ils se sont aussi offert le luxe de la climatisation.
Il faut également avoir un sens de l’organisation. Les deux nomades travaillent dans leur van cinq jours par semaine, de neuf à quatre, avec une pause d’une heure. Ils mettent à jour leur blog, font du marketing en freelance et créent des manuels pour construire sa propre caravane. « Quand le travail est terminé, vous fermez votre ordinateur portable et vous allez profiter de la montagne. C’est ce qui est génial quand on vit dans un van. Vous pouvez choisir la vue depuis votre fenêtre », dit Kay.
Malheureusement, cette vue consiste actuellement en un mur de briques dans une banlieue d’Assen. Ce n’est pas très inspirant, et bien que Kay et Esther affirment être de formidables collègues de travail, je ne peux actuellement pas partager un espace avec eux en raison de la pandémie. C’est pourquoi je passe les prochaines heures à travailler seul. Je ne peux pas dire que la vue est meilleure qu’à la maison, mais d’un point de vue ergonomique, ma situation s’est améliorée. Après être resté assis sur mes vieilles chaises de cuisine bancales pendant des mois, la vie dans un van est étonnamment confortable.
L’hôtel de luxe
Le van était sympa, mais si je peux vraiment travailler de n’importe où, je préfère un endroit plus haut de gamme. Le célèbre hôtel Amstel d’Amsterdam offre également une vue magnifique, mais ici, vous pouvez l’apprécier depuis une chambre splendide avec une moquette verte luxueuse.
Le seul problème est l’abondance de la vaisselle : des serviettes de table avec un anneau d’argent autour, une petite bougie dans un support en porcelaine, des fleurs roses dans un minuscule vase en verre. Il y a tellement de choses sur la table qu’il n’y a presque plus de place pour mon ordinateur. Bref, la situation pourrait être pire, et les petits désagréments sont facilement atténués par le biscuit au beurre offert avec chaque tasse de café (à cinq euros l’unité) et le délicieux jazz en arrière-plan.
Tout le monde ici semble passer un bon moment. Le couple à côté de moi termine son déjeuner avec du champagne et une tour de macarons. Un homme âgé en col roulé est nourri par sa femme (ou sa maîtresse) et un groupe de femmes monte le ton après chaque verre de vin consécutif.
Plus le temps passe, plus j’ai l’impression de tuer l’ambiance dans la pièce. Le son de mon clavier semble être une attaque passive-aggressive contre les rires et le tintement des verres. C’est comme si j’avais été placé ici pour rappeler aux gens le vrai monde, celui où ils doivent travailler pendant la journée. Je ne veux pas être ce connard. Quand je remballe après ma troisième tasse de café, mon cœur se brise un peu.
Le cimetière
Je vais là où personne ne s’amuse jamais : le cimetière. Les morts sont certainement des collègues de travail tranquilles, et en plus, ça sent le pin et je suis entouré d’écureuils et de papillons. Des personnes en deuil passent devant moi alors que je suis assis seul sur un banc. Je suis d’humeur parfaite pour écrire, mais je culpabilise soudain d’avoir sorti mon ordinateur. Ici, le son de mon clavier ne gâche la fête de personne, mais il perturbe certainement le silence.
Au lieu de travailler, j’envoie quelques mails, tous teintés de mélancolie, jusqu’à ce que ma concentration soit perturbée par quelqu’un qui tond sa pelouse de l’autre côté de la rue. Presque simultanément, la sonnerie annonçant la fin des visites retentit à travers le parc. Même parmi les morts, le silence est impossible.
Le showroom Ikea
La section bureau du showroom Ikea est l’environnement de travail idéal. Il y a une prise pour brancher mon ordinateur, le fauteuil de bureau Järvfjället est d’une ergonomie parfaite et la cloison de séparation Bekånt me permet de taper sur le clavier dans une relative intimité.
Le défilé incessant de clients me donne un sentiment de normalité réconfortant. Les gens continuent d’acheter des meubles pour leur appartement ; c’est comme si j’étais aux premières loges de la relance de notre économie. Une femme se penche sur mon bureau tout en parlant à quelqu’un au téléphone. « Il a l’air bien, et tu peux ajuster la hauteur ! » dit-elle. Elle a raison ! C’est un bon bureau. Sa positivité fait des merveilles sur moi, tout comme la motivational quote juste au-dessus de ma tête : « Parlons affaires, nous sommes là pour vous ! »
Avant que je ne m’en rende compte, plus d’une heure s’est écoulée et j’ai écrit la moitié d’un article. Je me demande quoi dire aux gens quand ils me demandent ce que je fais ici. Si je leur dis que je travaille ici, ils vont vouloir que je les aide à choisir une armoire. Mais si je leur dis que je ne travaille pas ici, c’est un mensonge. Ce sont les défis de la vie d’un nomade numérique. Heureusement, personne ne me demande rien et c’est finalement le grondement de mon estomac qui me propulse à la cafétéria manger des boulettes de poulet.
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