Louis-Julien PETIT – France 2021 1h37mn – avec Audrey Lamy, François Cluzet, Chantal Neuwirth, Fatoumata Kaba… et Yannick, Mamadou, Alpha, Yadaf, Mineurs Non Accompagnés…
Du 20/04/22 au 10/05/22
Douchons d’emblée l’enthousiasme des fanas de l’uniforme : pas de soldats, ni de soldates, pas de gendarmes, ni de gendarmettes, de Saint-Tropez ou d’ailleurs, dans La Brigade. Même si notre héroïne, Cathy Marie, a presque la discipline dans la peau, elle tient plus de la tête de lard que de l’aubergine, juste bonne à dresser des contredanses. C’est une vraie tornade à laquelle rien ne semble pouvoir résister, habituée à envoyer du lourd quand sonne le coup de feu tandis que sa patronne, une grande cheffe étoilée, se pavane à la téloche, yeux crayonnés, ongles faits, admirée, adulée, sans un zeste de reconnaissance pour sa brigade : les petites mains qui cisèlent, déglacent, brident, débitent, chiquettent, dressent, dégraissent, bardent, ébarbent, transpirent sang et eau sans rien laisser perler… Pire, voilà la starlette sous le feu des projecteurs qui aboie sur ses troupes plus abusivement encore que d’habitude, s’acharnant particulièrement sur Cathy Marie (la désopilante Audrey Lamy), qui a pourtant la conscience professionnelle chevillée à l’âme. C’est la goutte qui fait déborder notre soupe au lait de saucière (le féminin du métier de saucier serait un objet ?). Soudain l’acidité ne se limite plus à celle des mets et semble flotter dans l’air, parmi quelques relents d’amertume et de fierté bafouée. Sans l’once d’un regret, Cathy Marie, qui rêve de devenir cheffe elle-même, rend son tablier aussi sec, persuadée de retrouver dans la foulée un travail au moins équivalent. Sa réputation de tête de mule la précédant… tout partira à vau-l’eau.
À ce stade-là, on se doit de vous préciser que La Brigade est un film de Louis-Julien Petit, le réalisateur de Discount et des Invisibles… Cela ne vous mets pas la puce à l’oseille ? Évidemment le scénario ne se limitera pas aux tribulations culinaires d’une maître queux. Tout cela n’est que la mise en bouche d’une comédie non seulement bien relevée mais intelligente, pleine d’arômes et de subtilités, et bien ancrée dans les réalités de son époque. Sous la comédie s’écrit la fable, derrière les têtes d’affiche s’avancent ceux qui vivent dans l’ombre de nos républiques.
Faute de trouver grand restau à son pied, notre inénarrable drôlesse devra se rabattre sur les petites annonces. Par la description alléchée, la voilà qui débarque dans ce qui aurait dû être un domaine de charme, mais n’est qu’un foyer pour Mineurs Non Accompagnés, autrement dit de jeunes migrants sans-papiers. Bon certes, Lorenzo Cardi (touchant François Cluzet), le directeur de la structure d’accueil, avoue avoir forcé le trait, dépité de ne pas trouver de cantinière. Cantinière ! Le mot est lâché qui sent la déchéance ! Voilà Cathy Mary aussi cramoisie qu’un homard ! Son sang ne fait qu’un tour, ses talons aussi ! Et ce ne sont pas les bons mots de Lorenzo qui la feront changer d’avis, elle connait la chanson : « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ! ». Mais c’est compter sans sa grande complice et amie Fatou (la pétillante Fatoumata Kaba) qui va la pousser à faire ce pas de côté nécessaire quand on a rien à perdre et tout à gagner…
Au delà des acteurs, tous formidables (on n’a pas cité Chantal Neuwirth et ses fulgurances de clown triste), il y a tous les jeunes comédiens en herbe, Mineurs Non Accompagnés, déjà écorchés par la vie, drôles et vibrants, immensément touchants. Leur présence donne une intensité d’autant plus puissante au scénario.