C’était comme si le confinement avait accéléré un processus de réconciliation que j’attendais depuis longtemps. Cela est peut-être dû au fait que je suis maintenant « installée » : j’ai la trentaine et j’ai récemment emménagé avec mon petit ami. Mais d’autres personnes, dans des circonstances différentes, ont également vu un changement dans la relation avec leurs parents pendant la pandémie.
« Dans la maison familiale, le quotidien était devenu très toxique, confie Stefano Santangelo, 27 ans, originaire de Milan. Il y a deux ans, il s’est installé dans son propre appartement. Le fait d’avoir déménagé a amélioré leur relation, mais ses parents ressassent souvent de vieilles disputes lorsqu’il déjeunait chez eux le dimanche. « Mais depuis le début de la pandémie, et pour la première fois de ma vie, je suis protecteur envers mes parents, dit-il. Ils ont tous les deux plus de 70 ans et sont donc plus à risque. Pendant le premier confinement, je leur faisais des courses pour qu’ils n’aient pas à quitter la maison. Quand j’ai découvert qu’ils sortaient en douce, j’ai eu l’impression d’être leur père. »
Francesca Pia Iannamico, 23 ans, a grandi avec son père dans une petite ville de la région des Abruzzes. Ses parents se sont séparés quand elle était petite et sa mère a déménagé dans une autre ville. « Mon père et moi avons toujours eu beaucoup de points communs, mais pendant le confinement, nous avons développé une réelle affinité l’un pour l’autre », dit Francesca. Ils regardaient la télévision et discutaient beaucoup. « Nous sommes devenus des confidents. Avec ma mère, c’est le contraire : nous nous sommes peu vues », poursuit-elle.
Ludovica De Santis, 30 ans, originaire de Rome, a également décidé de travailler depuis chez ses parents après avoir vécu à l’étranger pendant des années. « J’ai été agréablement surprise par l’insolence de mes parents face à la pandémie », dit-elle. Lorsque leurs voisins, avec qui ils venaient de passer Noël, ont été testés positifs au coronavirus, ses parents sont restés très détendus. « Paradoxalement, c’est moi qui me suis inquiétée le plus, continue Ludovica. Je pense qu’ils ont trouvé la force de rire de la situation parce que j’étais là. Grâce à leur attitude décontractée, nous avons fini par passer un bon moment. » Au final, toute la famille a testé négative. Ludovica est heureuse que leur cohabitation se soit si bien passée mais pense que les choses auraient été différentes dans des circonstances moins difficiles.
Roberto Callina, psychologue et psychothérapeute à Milan, confirme que la pandémie semble avoir rapproché de nombreuses familles. « C’est l’occasion de retrouver une proximité que beaucoup avaient perdue, me dit-il au téléphone. L’une des raisons principales est que cette pandémie nous a fait prendre du recul sur nous-mêmes. Dans notre vie quotidienne, nous sommes souvent absorbés par des choses insignifiantes, et le fait d’être confinés entre quatre murs nous a poussés à réparer les liens brisés. »
Par ailleurs, le fait de craindre pour la santé de nos proches a donné à beaucoup d’entre nous un sentiment de responsabilité à leur égard. « C’est un mécanisme inné, mais nous ne le voyons pas tant que nos parents sont en bonne santé, explique Callina. Lorsque vous prenez conscience de la fragilité de vos parents, les rôles au sein de la famille sont inversés. C’est un pas vers l’âge adulte. » Les conflits familiaux ne sont pas toujours malsains. Par exemple, c’est une étape clé du développement dans la vie des adolescents. « Mais à 30 ans, vous devez avoir une relation d’adulte à adulte avec vos parents », poursuit-il.
Quoi qu’il en soit, la réconciliation devient souvent plus facile avec le temps. Mais tout le monde ne s’est pas rapproché de sa famille au cours de l’année écoulée, et c’est normal aussi. Par exemple, beaucoup de gens ont décidé de ne pas rentrer chez eux pour les vacances, par crainte de contaminer leurs parents, tandis que d’autres ont utilisé cette excuse pour ne pas passer de temps en famille, sans se sentir coupables. Selon Callina, le fait de se sentir soulagé de ne pas voir sa famille peut également être valable et mature. « Bien sûr, si vous vous sentez mieux, cela signifie que vous avez fait un choix conforme à vos besoins, dit-il. La réconciliation n’est pas nécessaire, surtout si les conditions préalables à celle-ci ne sont pas encore remplies. L’important est d’être confiant dans ses décisions et de ne pas se mentir à soi-même. Cela fait aussi partie de la maturité. »
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