PRESIDENTIELLE – Avec un taux de 26% l’abstention ne dépasse pas
son record de 2002 établi à 28,4%. L’
élection présidentielle est la seule, depuis 5 ans, à réussir à mobiliser plus de la moitié de la population française. C’est chez les
jeunes que l’
abstention est la plus forte, principalement chez les 25-34 ans avec 46 % d’abstention. “Voter est un
droit, c’est aussi un devoir civique”, rappelle chaque
carte d’électeur en lettres blanches sur fond bleu marine. Reste qu’année après année, l’
abstention est devenue massive, s’élevant à plus de 65% au
second tour des dernières
régionales ce 27 juin.
Droit de
vote à
16 ans,
consultation citoyenne lancée par l’
Assemblée nationale pour comprendre l’abstention, prise en compte du
vote blanc,
vote obligatoire,
vote électronique… tout semble sur la table pour éviter de revivre le taux
record d’abstention des dernières
élections. Quoi qu’il en soit, la récurrence de l’abstention peut être considérée comme un révélateur d’une
crise de la
démocratie participative.
S’abstenir vient du latin abstinere qui signifie tenir éloigné. Le verbe tire ses originaires du vocabulaire stoïcien (“Supporte et abstiens-toi” – Épictète) et chrétien. Le terme abstention est emprunté à l’italien astensióne, de même sens. À l’origine, c’est un terme du vocabulaire religieux, que l’on pouvait rapprocher du mot abstinence. Il désigne l’action de se priver de certains biens matériels (aliments, boissons) ou de certains plaisirs (notamment la chair). C’est également un mot juridique qui concerne depuis le milieu du XIX siècle le fait de ne pas s’exprimer dans un vote. Le verbe pronominal s’abstenir est celui qui conservera la plus large part de sens non électoral, avant abstention.
De la condamnation à l’acceptation
Les premières définitions que l’on trouve de l’abstention condamnent cette attitude. Dans l’article encyclopédique du Larousse de 1866, l’abstention telle qu’on la définit aujourd’hui
“peut avoir pour unique cause la négligence, l’indifférence [et] doit être condamnée d’une façon absolue comme un égoïste oubli des devoirs envers la société́”.
Les Larousse de 1922 et de 1928 ajoutent la preuve et le blâme: “L’abstention politique qui a pour cause la négligence ou l’indifférence prouve un oubli égoïste et blâmable des devoirs du citoyen”.
«L’abstention sera peut-être le 24 avril prochain le premier parti de France.»
Le Grand Larousse encyclopédique de 1960 poursuit dans la même lignée: “L’abstention (…) traduit donc soit le désintérêt des citoyens pour les affaires publiques, soit le désir d’éluder une responsabilité; l’un et l’autre sont signes et facteurs d’un mauvais fonctionnement des institutions démocratiques. La loi belge sanctionne pénalement le fait de ne pas voter”.
Ce n’est finalement que récemment que les dictionnaires ont adopté une définition plus neutre: attitude politique de quelqu’un qui ne vote pas (Robert).
L’abstention, une forme d’expression citoyenne
Jusqu’en 1997, l’inscription sur les listes électorales était une démarche volontaire nécessitant l’implication du citoyen. Le
vote est un
droit mais c’est aussi un devoir engageant, pris en pleine conscience, vis-à-vis de la
société, hérité du
contrat social et des Lumières. Ce problème de conscience peut expliquer que les
abstentionnistes ont du mal à assumer leur choix amenant les sondeurs à en sous-évaluer la prévision. Quoi qu’il en soit, la réponse à l’abstention ne peut pas être uniquement négative
car, au fondement même du pacte démocratique, elle
nous interroge. Qu’est-ce qu’être citoyen aujourd’hui? Comment faire entendre sa voix dans un
monde bruyant? Est-ce que l’abstention est synonyme de désengagement ou un nouveau
comportement démocratique? Elle
nous oblige à prendre en considération l’
évolution de l’expression démocratique. Les citoyens ont montré ces derniers
temps qu’ils avaient
envie de s’engager via des actions de
démocratie participative. Oui, l’engagement est bel et bien là,
mais le
vote n’en est plus la représentation. L’expression citoyenne est devenue protéiforme, l’abstention en fait partie. Cela peut-il durer?
Le dimanche 28 août 2021, Jean-Luc Mélenchon, dans son discours prononcé dans la Drôme devant ses militants soulignait: “L’abstention est décidemment un piège à cons”. Au-delà de l’expression imagée, les pouvoirs publics sont inquiets face au désintérêt des Français pour les élections. Et si jusqu’à présent, les élections présidentielles conservaient l’intérêt des votants, ils semblent de plus en plus nombreux à ne pas souhaiter exprimer leur suffrage même pour ce grand rendez-vous. L’abstention sera peut-être le 24 avril prochain le premier parti de France.
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