Dans un communiqué, publié le lundi 16 août, les deux entités alertent les pouvoirs publics sur le « danger » que le dérèglement climatique fait peser sur leur profession, soulignant au passage que plusieurs phénomènes météorologiques observés cet été ont eu un impact tragique sur la production de blé dur – un des ingrédients de base des pâtes sèches – provoquant « l’entrée subite dans une crise pénurique majeure ».
Quelques jours plus tard, c’est François Rouilly, directeur général de Panzani qui venait tirer la sonnette d’alarme lors du Good Morning Business sur BFM TV : « Nous devons faire face à une pénurie de blé dur au niveau mondial et à une flambée des prix, répétait-il. Ce que l’on pense, c’est qu’il n’y aura pas assez de blé dur au niveau mondial pour répondre au besoin des fabricants de pâtes. On estime qu’il va manquer à peu près 2 millions de tonnes. »
Si les prévisions de Rouilly sont si mauvaises c’est parce qu’il a fait beaucoup trop chaud au Canada ces derniers mois. Le premier pays producteur de blé dur de la planète, qui représente à lui seul les deux tiers du commerce mondial de cette céréale, a enregistré des températures records – 49,6° dans un village au nord-est de Vancouver le 29 juin dernier. Bilan de cette sécheresse sans précédent provoquée par un « dôme de chaleur » ? Des moissons sérieusement amputées et un marché du blé dur qui a les genoux qui claquent. « Certains n’ont récolté que 25 % de ce qu’ils ont l’habitude de faire », confie un agriculteur au National Post. Selon les chiffres du bureau statistique local Stat Can relayés par le communiqué, le nombre de tonnes produites est même inférieur de 32 % à la moyenne des cinq dernières années.
Pire, à la canicule canadienne s’ajoutent d’autres anomalies climatiques. Les pluies abondantes qui se sont abattues sur l’Europe et les incendies dévastateurs en Sibérie ont aussi eu un impact sur la production. Le Sifpaf et le CFSI assurent que la France est concernée avec une « forte réduction du potentiel utilisable du blé dur local pour faire des pâtes alimentaires » et s’inquiètent d’une hausse des prix, implorant au passage la mise en place d’un « plan d’urgence » qui permettrait d’assurer leur approvisionnement.
À quelque chose malheur est bon, la flambée des cours (le prix mondial de référence des blés durs a augmenté de plus de 30 % en quelques semaines) pourrait profiter aux céréaliers français, souligne Le Monde. Quant au consommateur, il peut se rassurer en écoutant Dominique Schelcher, PDG de Système U, qui réfutait sur les ondes de RTL l’augmentation de dix centimes par paquet envisagée : « Nous n’en sommes pas encore là. La grande distribution fait toujours tout pour réduire l’impact de ces hausses. »
Cela fait maintenant plusieurs années déjà que les experts tentent en tout cas de mesurer les effets du dérèglement climatique sur notre alimentation. En 2019, des chercheurs du CNRS et de plusieurs universités publiaient une étude dans la revue Science Advances sur l’évolution de la récolte de plusieurs céréales comme le maïs, le riz, le soja ou le blé à travers le monde. Ils estimaient que 7,2 milliards de personnes seraient exposées d’ici 2100 à des baisses de productivité.
Alors que les phénomènes météorologiques destructeurs pour les cultures se multiplient (sécheresses, inondations, gel, migration d’insectes ravageurs attirés par les changements de températures), pourrait succéder à l’injonction « changez votre façon de manger pour limiter le réchauffement climatique » un commandement plus pessimiste : « regardez comment le réchauffement climatique altère déjà votre façon de manger ».
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