RENTRÉE – Le combattre de front et attaquer son supposé “délire permanent”, le railler sans le nommer, ou se concentrer sur soi? Les marcheurs sont divisés sur la stratégie à adopter face au polémiste Eric Zemmour, valeur montante à l’extrême droite en vue de la présidentielle.
Dans un vaste exercice de style, c’était 50 nuances d’anti-Zemmour, samedi 2 octobre, à la tribune de l’université de rentrée de La République en marche à Avignon. Signe que celui qui n’est pas officiellement candidat occupe bien les esprits de la macronie, et que celle-ci cherche la bonne fréquence pour lui répondre.
Offensif, le patron des députés LREM Christophe Castaner a tapé à bras raccourcis sur le polémiste, crédité de sondages à deux chiffres qui le font parfois tutoyer l’étiage de la dirigeante du Rassemblement national Marine Le Pen.
Éric Zemmour est “en délire permanent”, a ainsi fustigé l’ancien ministre de l’Intérieur, “fier d’annoncer un grand remplacement”, “fier de piétiner l’héritage de notre pays”, “fier d’étaler les salissures dans lesquelles il se complait”.
“L’outrance n’est que l’art des pleutres. Quelle honte il fait au débat et à la France”, a encore tempêté Christophe Castaner, estimant qu’Eric Zemmour était “plus lepéniste que les Le Pen”.
Lui aussi virulent, le ministre de la Santé Olivier Véran a étrillé cet “aventurier du repli, du rejet, du racisme, qui cite des grands auteurs comme d’autres font de la prose, mais qui surtout, donne des boutons aux historiens sérieux”.
“Non, monsieur Zemmour, il ne suffit pas de citer Talleyrand toutes les trois phrases pour faire de vous un homme d’Etat”, a raillé Olivier Véran. “Moi j’appartiens à une génération qui scandait ‘la jeunesse emmerde le Front national’, qui criait ‘touche pas à mon pote’ et je ne peux pas me résoudre à voir qu’une part importante de la jeunesse s’abstienne ou se laisse tenter par des idées xénophobes”, a-t-il insisté.
Sans nommer Eric Zemmour et alertant contre “l’arrivée de la peste brune”, le délégué général adjoint de LREM Jean-Marc Borello a, lui, métaphorisé sur ce “virus nouveau” qui représenterait “15% du corps électoral” et qui “se traduit par des désordres mentaux, un peu de machisme, un peu d’homophobie”.
“Personnaliser la riposte”
De son côté, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, dans un message enregistré, s’est fait plus évasif en appelant les marcheurs à “ne jamais laisser personne s’arroger le monopole de la radicalité”. “Parce que la vraie radicalité c’est la nôtre (…) pas celle des postures pour la bulle médiatique”, a-t-il lancé, refusant la vision d’un “pays rabougri”.
Face à la montée du phénomène, et à l’incertitude quant à sa durabilité, “on est partagé sur la stratégie à adopter”, explique un poids-lourd du gouvernement. “Manifestement, il y en a qui souhaitent commencer à taper sur lui. Moins pour une question de stratégie que pour dire aux gens: ouvrez les yeux!”, ajoute-t-il.
Mais “c’est une erreur de parler de Zemmour aujourd’hui”, regrette un autre ténor de la majorité. “Ca ne veut pas dire qu’on n’est pas dupe, mais si on n’en parle pas, on n’en fait pas la pub”, ajoute-t-il, estimant que Christophe Castaner et Olivier Véran avaient eu “des réflexes de meetings socialistes”.
Emmanuel Macron lui-même avait d’abord esquivé le sujet lundi en marge d’un déplacement à Lyon, avant de hausser le ton dès le lendemain en affirmant que “notre identité ne s’est jamais bâtie ni sur le rétrécissement, ni sur des prénoms”, ciblant, sans le désigner, le polémiste.
Dans ce sillage, le dirigeant de LREM Stanislas Guerini plaide ainsi pour ne pas “personnaliser la riposte”. “Quand on est empêtré dans la riposte, c’est le meilleur moyen de ne pas faire passer nos idées”, complète une marcheuse historique, appelant donc, comme le député Roland Lescure à “ne pas boxer mais creuser son sillon, avancer”.
“Se livrer à un concours de punching ball ne sert absolument à rien”, a abondé devant la presse le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, comparant la “bulle Zemmour” à une “cloque de lac volcanique” destinée à éclater l’une après l’autre.