Révélatrice de l’urgence du moment, l’absence de félicitations républicaines adressées au gagnant, actant ainsi une rupture avec les traditions d’usage même si elle a téléphoné en privé à son rival. Derrière son discours aux faux airs de victoire, Marine Le Pen sait que la course des petits cheveux a commencé et que beaucoup, à la droite de la droite, veulent son scalp. Ce qui a été confirmé dans les minutes qui ont suivi son discours.
“Sommes-nous condamnés à perdre?”
Dans la foulée, Éric Zemmour s’est engouffré dans la brèche ouverte par cette nouvelle bataille perdue. “C’est la huitième fois que la défaite frappe le nom de Le Pen”, a fustigé le fondateur de Reconquête!, bien décidé à concurrencer le Rassemblement national dès le mois de juin. “Sommes-nous condamnés à perdre? Y a-t-il une fatalité pour que les défenseurs des idées nationales perdent toutes les élections?”, a interrogé l’ex-candidat à l’élection présidentielle, qui a lancé dans la foulée un “appel à l’union nationale” en vue des législatives.
Ce qui agace fortement dans les rangs lepénistes. ”Éric Zemmour doit dégonfler sa tête, qui est énorme. Et qu’il arrête d’insulter les gens”, a grincé Louis Aliot ce lundi 25 avril sur France inter. ”À titre personnel, je ne m’attendais pas à une attaque de sa part le soir du deuxième tour”, a poursuivi le maire RN de Perpignan, qui ne voit pas “comment il pourrait y avoir une alliance” avec Reconquête! “vu la manière dont Eric Zemmour a traité hier le problème”.
Dans le camp d’en face, la position ferme de Marine Le Pen passe très mal. Au point de conduire sa propre nièce, Marion Maréchal, de monter au créneau pour augmenter la pression sur l’état major lepéniste. “Il en va de la survie de la France”, a tweeté la vice-présidente exécutive du parti zemmourien, en partageant une infographie censée démontrer le potentiel électoral de cette “union nationale” proposée par Éric Zemmour.
Nous avons une immense responsabilité : construire une #UnionNationale avec Reconquête!, le RN, DLF et les LR patriotes pour que le camp national puisse être le 1er bloc devant le bloc macroniste et le bloc mélenchoniste à l’Assemblée nationale. Il en va de la survie de la 🇫🇷 ! pic.twitter.com/0qWqJ1neXN
— Marion Maréchal (@MarionMarechal) April 25, 2022
Sur le réseau social, les cadres des deux mouvements d’extrême droite s’écharpent à ciel ouvert, donnant ainsi un aperçu des maigres chances de voir les deux familles s’entendre d’ici le 20 mai, date limite du dépôt des candidatures. En coulisses, certains sont moins pessimistes. “Au niveau local il pourrait y avoir des ententes, mais ça se fera au cas par cas. C’est quand même dans l’intérêt de nos idées”, explique au HuffPost un cadre de Reconquête! passé par le RN.
“Je ne vois pas pourquoi elle s’arrêterait”
Mais au delà du risque de division de l’électorat nationaliste aux législatives, un scrutin qui ne réussit pas du tout à l’extrême droite dans sa forme actuelle, Marine Le Pen aura aussi à composer avec ceux qui envisagent l’avenir de l’extrême droite sans elle. Parmi eux, Robert Ménard, maire de Béziers élu en 2014 avec le soutien du FN, qui n’a guère apprécié le triomphalisme affiché par la candidate malgré sa très nette défaite.
“Comment peut-on parler de victoire éclatante? Je veux bien la langue de bois, je veux bien qu’il faille brosser dans le sens du poil ses militants. Ce n’est pas sérieux”, a commenté Robert Ménard sur franceinfo, exprimant son “immense déception” après cet énième revers électoral. Et d’ajouter: “Peut-être qu’il faut imaginer à droite autre chose avec d’autres gens”.
Une façon d’interroger à haute voix l’avenir politique de Marine Le Pen, qui a elle même ouvert la voie à cette crise de succession en laissant entendre dans Le Figaro en février que cette campagne présidentielle serait “a priori” sa dernière. Selon le porte-parole du Rassemblement national Sébastien Chenu, la députée du Pas-de-Calais pourrait ne pas reprendre la présidence du RN, dont elle s’est mise “en congé” le temps de la campagne électorale. “Je ne suis pas sûr que ce soit le choix de Marine Le Pen au moment où nous nous parlons de redevenir présidente d’un parti politique qu’elle a mené à un niveau jamais atteint”, a déclaré le député du Nord.
De son côté, Jean-Marie Le Pen ne la voit pas raccrocher les gants. “A partir du moment où moi je ne m’arrête pas à 94 ans, je ne vois pas pourquoi elle s’arrêterait à 55 !”, a déclaré le “menhir” à L’Obs, qui considère que sa fille “n’a pas encore gagné sa retraite”. D’ici là, il lui faudra d’abord gagner la guerre de l’extrême droite. Un exercice dans lequel les Le Pen sont toujours sortir victorieux, à l’inverse des différentes élections présidentielles auxquelles le père et la fille se sont portés candidats.
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