« En France, on estime que 25% des individus sont allergiques aux pollens, explique Gilles Oliver, ingénieur pour le Réseau national de surveillance aérobiologique. Ce pourcentage augmente continuellement, lentement mais sûrement. » Selon certaines théories, cette augmentation serait la conséquence d’un hygiénisme excessif : « On nettoie trop, poursuit Gilles Oliver. On n’est plus habitué à entrer en contact avec des allergènes, ce qui fait que des choses qui ne devraient pas être des ennemis pour l’organisme en deviennent. »
Les pollens jouent un rôle crucial dans la reproduction des végétaux en portant les informations génétiques de la fleur mâle à la fleur femelle, permettant ainsi la croissance de fruits qui donneront à leur tour des arbres. Impossible de concevoir une « ville verte » sans air printanier gorgé de ces particules microscopiques. Mais quand les pollens pénètrent dans le corps humain, ils peuvent être reconnus comme des « agresseurs » par un système immunitaire trop peu habitués à eux. Gilles Oliver détaille : « C’est la raison pour laquelle, a priori, les gens qui ont grandi à la campagne sont moins allergiques que les citadins. »
La baisse de la population dans les campagnes en faveur des villes pourrait donc participer de l’augmentation du nombre d’allergiques en France. Cependant, la principale responsable est vraisemblablement la pollution aérienne. « Elle a deux actions, explique Gilles Oliver. Elle fragilise les voies respiratoires des personnes allergiques, qui tombent donc plus facilement malades, et casse les grains de pollen dans les airs. Ainsi diffusés, les allergènes pénètrent plus profondément dans les voies respiratoires. »
La pollution au dioxyde de carbone, qui représente 77% des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine, aurait également un rôle dans la progression des allergies. Les arbres ont besoin de ce gaz pour réaliser la photosynthèse qui leur permet de vivre et grandir. Mais quand la proportion de ce gaz augmente dans l’air, les végétaux poussent plus vite et produisent plus de pollen. Sachant que les concentrations de CO2 ne cessent de grimper (au point de décrocher des records pendant le confinement), nous ne sommes pas prêts de nous débarrasser des allergies.
Tout autour du monde, les plus grandes villes tentent de composer avec la prévalence croissante des allergies aux pollens. Dans le passé, de nombreuses mairies ont pris la décision de planter des arbres mâles pour éviter de voir leurs chaussées couvertes des fruits issus de plantes femelles. Malheureusement, ces arbres mâles produisent de grandes quantités de pollen. Les habitants de Londres en souffrent manifestement beaucoup. Et du côté de Tokyo, pas moins de 50% de la population serait sujette aux allergies, soit 20 à 40% de plus que dans le reste du pays. « Par exemple, les responsables plantent des bouleaux parce que ce sont de jolis arbres, remarque Gilles Oliver. Malheureusement, leur pollen est hautement allergisant. »
Par chance, il est encore possible de contrôler (un peu) les pollens urbains. Mathilde Renard est ingénieure agronome au sein de la Direction des espaces verts et de l’environnement de la mairie de Paris. Elle explique : « [Nous diversifions] les essences d’arbres plantées dans la mesure où une allergie, à l’exception des allergies croisées, est déclenchée dès que le seuil d’une quantité de pollen d’une même essence est atteint. Plus de 160 essences d’arbres sont ainsi utilisées pour la replantation des rues parisiennes. » La mairie de Paris « s’interdit » également « la plantation de certaines espèces très allergisantes, comme le bouleau, sur les sites sensibles tels que les écoles et les crèches. »
Certains centres urbains choisissent de planter des espèces hybrides ou qui émettent peu de pollen, mais Gilles Oliver se dit « peu convaincu ». Les mesures les plus accessibles relèvent moins du contrôle que de la prévention, un peu comme les tremblements de terre. Mathilde Renard affirme : « La Direction des espaces verts et de l’environnement a engagé […] un projet de « Pollinarium » sentinelle destiné à anticiper, jusqu’à trois semaines, les alertes concernant les plantes allergisantes présentes sur le territoire et donc à optimiser les traitements pour les grands allergiques. » Autrement dit : mesdames et messieurs les allergiques, vous allez sans doute passer les printemps qui vous restent dans les éternuements.
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