Sur le continent africain, trois villes – Le Caire, Lagos et Kinshasa – sont déjà à ranger dans la catégorie des « mégavilles », soit des villes qui comptent plus de 10 millions d’habitants. Et d’ici une décennie, ce nombre est amené à doubler, alors que Lagos sera sans doute la ville la plus peuplée du monde d’ici 2050.
Or, dans le travail photographique choisi par Ekow Eshun – auteur d’Africa 21e siècle, Photographie contemporaine africaine (Textuel), socle de cette exposition – ces villes ne sont pas seulement regardées comme des sites de développement rapide, mais aussi comme des lieux de changements culturels et sociaux. « Ces villes hybrides sont des lieux d’accélération, de fluidité, où des personnes, des cultures, des langages, des esthétiques se rencontrent et se mélangent, » explique Eshun. « Et il s’agit aussi de territoires où différentes strates de l’histoire deviennent visibles de manière simultanée. » Comme dans les photos de Guillaume Bonn, qui s’est intéressé aux villes de la côte Est du continent, comme Maputo au Mozambique. « On peut y voir des structures d’immeubles, dans différents états, parfois un peu délabrés. Ainsi, ces lieux sont à la fois des sites où des guerres civiles ou des révoltes sociales ont eu lieu, mais ils sont aussi d’une beauté surprenante. »
Ces villes, qu’Eshun voit comme des entités-multiples, sont saisies sur papier glacé par cinq photographes. « Certains sont installés sur le continent africain, d’autres non, mais tous ont une connexion directe à l’Afrique », embraye le commissaire de l’exposition. Pour faire le choix des photographes, Eshun ne s’est pas tourné vers des spécialistes de la photographie dite « documentaire », mais des photographes qui travaillent plus comme des artistes. « Les photographes documentaires essayent de capturer une vérité, une version unique d’événements ou de réalités. Ce que je souhaitais, c’est plutôt avoir des photographes qui cherchent à délivrer l’expression subjective de leur expérience, sur ces lieux, ceux qui les habitent, sur leur passé, leur présent. »
Ainsi, de par les photographies présentées, se forme un « kaléidoscope » qui présente une vision des villes du continent africain. « À première vue, ces villes pourraient sembler chaotiques et tentaculaires, mais les photographes choisis trouvent un moyen d’en dévoiler la beauté, la fragilité, et l’intense valeur de ces lieux », continue Eshun. Comme dans la série du photographe nigérian Andrew Esebio, où il s’intéresse à Lagos. « Dans sa vision de Lagos, on voit certes des rues congestionnées, mais on y repère surtout des motifs de couleurs, une harmonie, qui forme alors une poésie visuelle. En regardant de près Lagos, Esiebo nous montre alors sa beauté accidentelle. »
Ainsi, en se plongeant dans les versions des villes choisies par les photographes, on touche à la texture, l’ambiance et au ton de ces lieux. « Ces villes peuvent être plusieurs choses simultanément. En visitant Lagos, vous pouvez avoir le sentiment d’une ambiance chaotique, mais quand vous explorez la ville, vous allez y trouver davantage. Passé les voitures, vous allez trouver un chemin vers des moments de calme ou de réflexion et de beauté. Et c’est justement cela que les photographes réussissent à montrer : l’expérience d’une ville est toujours multiple, jamais unique, » conclut Eshun.
Les photographes exposés sont Emmanuelle Andrianjafy (1983), Girma Berta (1990), Guillaume Bonn (1970), Andrew Esiebo (1978) et Hicham Gardaf (1989).
Au Jardin des Voyageurs, de 10h00 à 19h30, jusqu’au 26 septembre 2021 : Etat d’esprit africain – Villes Hybrides.
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